Le Sapin Bellier de la forêt de La Loubière dans le Vercors, Isère

Il y a près de cent ans, Monsieur Bellier était garde forestier à l’Administration des Eaux et Forêts. Il avait en charge la belle sapinière de La Loubière sur le plateau du Vercors.

Ce forestier bienveillant repère un sapin d’élite répondant parfaitement aux critères sylvicoles recherchés : tronc rectiligne, branches fines, croissance rapide.

Aujourd’hui, ce magnifique sapin est âgé de 220 ans et porte le nom de « Son Forestier ».
En 2014, les promeneurs s’émerveillent devant sa splendeur. Mais à l’origine, ce beau sapin avait une tout autre vocation : celle d’assurer une belle descendance aux forêts du Vercors.

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En forêt de montagne, le rajeunissement des peuplements, leur régénération est dite « naturelle ».
Le principe est d’effectuer judicieusement des trouées pour permettre aux graines des arbres voisins de venir conquérir ces espaces ouverts. Les semis se développeront (avec l’aide des forestiers…) et assureront le renouvellement de la forêt.
Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille et la régénération peine parfois à s’installer. Le forestier doit alors aider la nature en complétant la régénération par plantation de jeunes plants. Dans cette situation, il est souvent préférable de récolter des graines à proximité, sur des « parents » dont on a la preuve de leur remarquable performance dans le même environnement.
C’est dans cet objectif que le bon Monsieur Bellier avait désigné ce sapin.
Ce sapin a dû voir défiler sur son tronc plusieurs générations de grimpeurs venus récupérer sur ses plus hautes branches les précieux cônes. Plus d’info sur ces récolteurs de graines ici

Je ne sais pas si le Sapin Bellier continue à servir de porte graines, mais l’ONF en a fait aussi un magnifique arbre remarquable, désigné comme « Le Roi de La Loubière ».
Il est même repéré sur les cartes Topo IGN.

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D’anciennes mesures ONF de 1993 annoncées sur un panneau permettent de vérifier si notre champion de La Loubière continue à bien profiter :
Circonférence à 1,3 m du sol :
3,60 m en 1993 (âge estimé de 200 ans) et 3,90 m en Juillet 2020 (dernière mesure actualisée).
Accroissements :
Les 200 premières années, il a poussé de 1,8 cm / an sur la circonférence soit 0,6 cm / an sur le diamètre.
Entre 1993 et 2020, il a poussé de 1,1 cm / an sur la circonférence soit 0,35 cm / an sur le diamètre.
Le Roi continue à gonfler son tour de taille, mais à un rythme moins soutenu qu’au cours de sa première jeunesse (certains sapins peuvent atteindre les 400 ans…).
Concernant sa hauteur, je n’étais pas équipé pour la vérifier lors de ma visite. Elle était annoncée en 1993 à 41m.

Un Sapin de toute beauté mais présentant une particularité inquiétante.
Il s’agit d’une méchante blessure en aval du pied du géant. Elle est vraisemblablement causée par le trainage des grumes exploitées à proximité. Une belle porte d’entrée pour le développement de la pourriture du cœur dont sont très sensibles les sapins et épicéas.
Comment est-il possible de ne pas avoir apporté plus de soin au moment du débardage ? S’il n’y avait qu’un arbre à éviter c’était bien celui-ci… Une attention minimale à apporter, rien que par respect pour le bel héritage laissé par Monsieur Bellier.

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Les dimensions du Sapin Bellier sont remarquables mais n’en font pas un sapin exceptionnel. A une dizaine de km à vol d’oiseau, sur les contreforts du Vercors, pousse un véritable géant : le Seigneur de Sallanchon avec un tour de taille de 5,10 m à l’âge de 275 ans. Sans contexte, le vrai Roi du Vercors !

sapin-bellier-castor-masque1La visite au sapin Bellier peut facilement se compléter avec celle de la grotte de la Glacière (accès malheureusement fermé depuis 1999), un site unique connu depuis la préhistoire comme un réservoir naturel de glace sous terre.
Il est inclus également dans les itinéraires VTT développés par la municipalité de Corrençon en Vercors.

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7 réflexions sur « Le Sapin Bellier de la forêt de La Loubière dans le Vercors, Isère »

  1. Bonjour,

    j’ai beaucoup apprécié la dernière remarque concernant la blessure au pied du sapin Bélier, faite par des professionnels du bucheronnage.
    Que d’ arbres blessés au pied par le manque de soin, de respect de nos professionnels divers et variés, des espaces verts et des forets !
    C »est un vaste débat ; pourquoi respecter les végétaux, quand les êtres humains ne sont pas respectés non plus ?

  2. Bravo également pour le lien vers les cueilleurs de graine et le très beau site de Rémi Caritey. Je file chez mon libraire acheter son bouquin !!

  3. Concernant la blessure au pied, j’espère seulement qu’il s’agit d’un mauvais concours de circonstances et que malgré tout le soin apporté à l’exploitation de la zone, le Sapin Bellier n’a pas pu échapper à ce frottement à son pied… mais je suis peut-être un peu trop naïf…

    Effectivement, le travail des « écureuils » (une spécialité des pessières jurassiennes) est super impressionnant. Un livre sur ces travailleurs de l’extrême leur rend un bel hommage.

  4. ah oui c’est rigolo, je n’avais pas fait attention à ces appellations très royalistes alors que chez nos voisins jurassiens ils semblent plus attachés à la République.
    Ils sont spéciaux dans le Vercors, ça doit être du à leur isolement…

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