La place du village de St-Michel-de-Chabrillanoux, Ardèche

En quittant le châtaignier de l’Hermet, je pensais en avoir fini avec les arbres d’exception en Ardèche. Mais une surprise de taille m’attendait dans la traversée du petit village de St-Michel-de-Chabrillanoux.
Un petit hameau de 300 âmes (perdues) sur les hauteurs de Privas. Tout ce qu’il y a de plus ordinaire en Ardèche…
Pourtant, sa minuscule place de village est absolument exceptionnelle… « arboricolement » parlant !

L’un des plus vieux robiniers de France, un marronnier gigantesque et une étrange malédiction sur des arbres de la Liberté… le tout concentré sur moins de 100m !
Époustouflant !

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Honneur aux anciens, débutons les présentations par le plus vénérable: un Robinier à peine plus jeune que celui planté par Jean Robin à Paris.

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Son âge précis n’est pas connu. Sa date de plantation se situerait entre 1630 et 1650 ce qui lui fait un âge d’environ 370 ans. Il ferait donc parti des tous premiers de son espèce arrivés en France. Le plus ancien est le célèbre Robinier du Square Viviani à Paris planté en 1602 (ou 1601?) par le jardinier du Roi Henri IV.
On peut se demander comment une espèce aussi rare à cette époque a pu se retrouver sur cette petite place de village ?
En tout cas, le bon air de la montagne semble mieux lui réussir que son grand frère parisien. Mais son état de santé reste tout de même assez inquiétant. Des insectes xylophages sous l’écorce travaillent en silence à l’abri des regards de tous et continuent à affaiblir un peu plus le vieil arbre.
Sa circonférence en janvier 2015 à 1,3m affiche un joli 4,42m pour une hauteur mesurée au dendromètre suunto à 11m. A ses heures de gloires, il devait largement dépasser les 15m de haut mais des bris de cime et des tailles successives l’ont bien réduits.
A titre de comparaison, celui de Paris mesure 3,85m de circonférence pour 11m de hauteur… Ah, le bon air de la campagne il n’y a rien de tel. En revanche, celui de Paris doit peser quelques tonnes supplémentaires depuis qu’il a reçu sa greffe de cœur… en béton.

Coordonnées géographiques : N 44,83975° E 004,60250° – Altitude 560m –


Note de juillet 2017 : une autre source d’information annonce une date de plantation de 1804 pour ce robinier. A confirmer.


Robinier-st-michel-de-chabrillanoux7Robinier-st-michel-de-chabrillanoux2

Robinier-st-michel-de-chabrillanoux8A l’autre extrémité, un gigantesque Marronnier équilibre l’harmonie de la place dédiées aux grands arbres. C’est le plus gros marronnier que je connaisse, surclassant celui du Parc Mistral à Grenoble. Mais il reste tout de même moins impressionnant que ce normand présenté sur le krapo.

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Son âge non plus n’est pas connu avec précision. Certains textes annoncent une date de plantation en 1812, mais d’autres hypothèses avancent une date plus probable en 1828. Il aurait donc à peine 200 ans, ce qui n’est pas fréquent pour un marronnier.
Pourtant il a bien faillit disparaitre en pleine force de l’âge. En 1860, des réaménagements de voirie ont enterré la base du pied sous 1m de gravats. Mais, il ne semble pas en avoir beaucoup souffert, ces dimensions restent impressionnantes.
Sa circonférence en janvier 2015 à 1,3m est de 5,55m et une hauteur mesurée au dendromètre suunto de 14m. Son envergure était beaucoup plus imposante mais un violent orage a brisé de grosses charpentières et endommagé la maison voisine.

Coordonnées géographiques : N 44,83948° E 004,60256° – Altitude 560m –

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En pleine digestion des deux vedettes de St Michel, je manque de m’étouffer en découvrant près de la fontaine une série de pancartes sur une histoire rocambolesque d’arbres de la liberté!
Parole de castor, je n’en crois pas mes yeux !
Ce n’est pas un, ni deux, ni même trois mais quatre arbres de la liberté qui se sont succédés sur la place du village, hallucinant !

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L’histoire a débuté à la Révolution française. Comme de nombreuses petites communes rurales, le peuplier (symbolisant le peuple par son nom latin populus) avait été choisi comme arbre de la liberté.
Mais le pauvre peuplier planté en 1789 a été abattu par une tempête en 1920. Il a d’ailleurs entrainé dans sa chute une partie de la maison voisine.
Le voici en photo sur cette carte postale du tout début XXème siècle.

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Entre temps, un second peuplier avait été planté près de la fontaine pour célébrer la victoire de 1872.

Quelle victoire ??? j’ai quelques lacunes sur cette période… Si j’ai bien compris, il semble que ce soit pour célébrer le retour d’un régime républicain (la naissance de la troisième république) suite à la chute de Napoléon III… Mais si un lecteur averti peut confirmer mes hypothèses historiques, ce serait super !

Ce peuplier avait même été classé Monument Historique. Malheureusement, il fut éventré par la foudre puis subi plusieurs tempêtes avant de s’effondrer en 1986.
La carte postale ci-dessous montre la place du village au début du XXème siècle, avec ses deux peupliers de la liberté et ses deux arbres remarquables. Vous remarquerez que sur l’inscription de la carte postale, seul le peuplier de 1789 était mentionné. La vedette de St Michel c’était lui ! Pourtant, le robinier était déjà largement centenaire à la plantation du peuplier… C’est trop injuste.

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Mais l’histoire est loin d’être finie !
Un troisième peuplier fut planté en 1945 à la libération. Il symbolisait le retour d’une vingtaine de maquisards engagés pour aller libérer la France. Mais, le destin va encore s’acharner… Il sera abattu en 2013 lors du réaménagement de la place du village.

Une photo mise à disposition par Monsieur Philippe Chareyron en juillet 2011 permet de se donner une idée de l’aménagement de la place avant l’abattage du peuplier.
Peuplier-1948 Il est encore possible de voir ce peuplier de la liberté Number3 sur street view ici… à voir jusqu’au prochain passage de la voiture Google !

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Et l’histoire continue ! Nouveau rebondissement en 1989 !
Bien-sûr, la petite commune ardéchoise n’a pas manqué l’occasion de célébrer le bicentenaire de la révolution française… en plantant un arbre de la liberté.
Cette fois-ci, elle a fait une entrave à ses habitudes en choisissant un Tilleul.
(visible au centre de la 1ère photo de l’article)

Espérons que ce vigoureux Tilleul pourra rompre la malédiction de cette saga populicole et que le ciel ne lui tombera non plus sur la tête.
Au fait, je me demande bien ce qu’a prévu la municipalité pour le tricentenaire en 2089 ?
Peut-être un Arbre à vent symbole de la liberté… énergétique ?

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 Une carte postale du marronnier envoyée par Guy :

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Petite mise à jour : Monsieur Philippe Chareyron nous informe que sous la pression des habitants la place du village a été réaménagée en juin 2015 pour mieux mettre en valeur ce marronnier exceptionnel. L’abri de bus a été supprimé. Voici une photo de la place du village cet été 2015 :
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16 réflexions sur « La place du village de St-Michel-de-Chabrillanoux, Ardèche »

  1. Un beau doublé , Le Castor. je possède une carte du Marronnier mais je n’avais pas encore eu le loisir de regarder Google street , il est toujours vivant .
    Le Robinier est impressionnant .il s’est diffusé beaucoup dans le sud de la France
    (meilleur climat ?)
    Quand à la date de 1872 je pense comme toi , deux ans après c’est pour célébrer la naissance de la Troisième République le 4 septembre 1870 .

  2. Il est rare et appréciable de pouvoir comparer la situation actuelle avec des cartes postales anciennes. Merci pour cette découverte. De quelle source provient l’estimation de la date de plantation du robinier ?

  3. En voilà une commune Républicaine !
    Bel article richement documenté. Tous ses arbres jouent malheureusement de malchance. Espérons que ce robinier tiendra encore quelques années car ces Ardéchois là n’ont pas l’air d’avoir le cœur très solide à défaut d’être fidèle. 😉

  4. Superbe, ma préférence va à cet antique robinier, m^me s’il détrône mon spécimen verdunois!
    Dommage que le goudron vienne lui lécher le collet! Ce qui est étonnant chez cette essence, c’est que la croissance commence à grande vitesse, pour finalement ralentir très vite et stagner.
    Quelqu’un aurait-il des référence dans son pays d’origine?

  5. -> Guy : je n’ai pas bien compris, tu avais déjà une carte de ce marronnier ?

    – > Nicolas : l’estimation de l’âge du robinier est celle annoncée par le panneau sur la place du village. Une estimation qui semble assez réaliste si on le compare à son grand frère parisien.
    Il semble que le fils de Jean Robin, Vespasien ait beaucoup contribué à la diffusion de l’espèce en France notamment à partir de drageons issus du pied mère de son Robinier parisien.

    -> Yannick : désolé pour ton robinier verdunois, c’est vrai que celui que tu n’avais montré est lui aussi magnifique. Plus jeune et en bien meilleure forme.
    Un beau champion celui du Colorado mais encore une fois, ce n’est pas dans son aire d’origine que l’on trouve les plus beaux. Le robinier s’est super bien acclimaté dans d’autres pays, il est même considéré comme espèce invasive en Europe. En Hongrie, il fait des « merveilles  » (pas pour tout le monde !) . A voir quelques géants sur Arbres monumentaux

  6. Une bien belle place.

    J’ai aussi une préférence pour le robinier.
    Fort dommage, que les arbres aient subi des tailles drastiques de par le passé.
    On remarque assez fréquemment ce type de taille dans les petites communes, sans vouloir leur jeter la pierre. Je pense que c’est avant tout un manque d’intervention dans la jeunesse de l’arbre et ensuite un manque d’adaptation avec les infrastructures environnantes.

    Pour le robinier aux usa, j’ai trouvé 5,69 dans l’Oregon.
    Il peut atteindre 52 m dans certaines stations forestières.
    Ce n’est pas dans son aire d’origine, mais on atteint ici une belle valeur.
    Je ne sais pas si on peut aller au-delà de 6 m..
    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/04/Robinia_pseudoacacia_distribution_map.png

    Celui-ci aurait la plus grande circonférence en Europe, mais selon moi, cette mesure ne peut être valide du fait de la composition du tronc.
    Probablement une réunion de brins après bien des années.
    http://www.monumentaltrees.com/fr/deu/hesse/vogelsbergkreis/8849_forsthaus/

    Ici par contre c’est plus ambigue :
    http://www.monumentaltrees.com/fr/deu/baviere/mainspessart/4680_waldzell/

    Vous aurez compris, que j’attache une grande importance à la mesure de circonférence et dans certains cas, il serait même préférable de mettre une note si l’arbre ne comporte pas un unique tronc d’un tenant.
    Pour des cépées ou arbustes, je procède en notant la valeur la plus élevée des brins présents.

  7. Je suis surpris avec ces vieux robiniers de trouver autant de pourriture de cœur. Pourtant le bois de robinier est réputé comme super résistant.

    Belle recherche Sisley avec ces magnifiques robiniers et comme tu dis on voit toute la difficulté à annoncer une valeur de circonférence fidèle à la réalité.

  8. Oups, je n’avais pas vu la mise à jour avec cette belle carte postale ancienne du Marronnier.
    Un bel ajout qui vient enrichir l’article, merci Guy ! je suis d’ailleurs surpris que tu aies en ta possession cette carte postale. Connaissais-tu déjà ce village (plutôt perdu…) en Ardèche ?

  9. Bonjour, cette carte postale ancienne a été utilisée en 1936 pour le classement de ce Marronnier, arbre remarquable qui « faisait l’admiration des touristes » dixit la commission de sites du 13 février 1936.
    Les archives du ministère de l’Écologie disposent d’un original de cette carte postale joint à l’arrêté de protection du 10 novembre 1936.

  10. Merci pour ces précisions et ces informations qui complètent bien l’article. Je n’étais pas au courant de cette démarche pour le classement du marronnier en arbre remarquable en 1936.
    Avez-vous des informations pour confirmer sa date de plantation ? Plusieurs hypothèses avaient été avancées 1812, 1828 ?

    et concernant le robinier, encore plus ancien, aucune démarche de classement ou de reconnaissance n’avaient été engagées ?

  11. Pour rappel voici le lien vers la liste des sites et monuments naturels classés. Beaucoup sont aujourd’hui disparus mais cela vaut le coup de faire quelques recherches. Ça m’a permis entre autre de retrouver le chêne Saint Raymond de Bourneau en Vendée. Il est malheureusement dans un triste état. J’avais alerté la commune mais sans résultat et personne ne s’en inquiète guère.
    http://www.legifrance.gouv.fr/affichSarde.do?reprise=true&page=1&idSarde=SARDOBJT000007104572&ordre=CROISSANT&nature=&g=ls
    On y retrouve bien le classement du marronnier mais rien pour le robinier.

  12. je ne connaissais pas cette liste.
    Merci pour ce le lien, c’est une véritable mine à prospecter avant de partir à la chasse aux arbres vénérables. Il faut juste s’y retrouver avec les anciens noms de départements 😉
    Un classement vieux de 80 ans, ça doit révéler bien des surprises…

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