« Doug le Big Foot » à l’Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Yonne

Le Douglas, cette essence résineuse de la côte ouest de l’Amérique, n’a pas fini de nous surprendre.
C’est véritablement une bête de course, un grand champion… mais aux records toujours discrets. A son palmarès, notons que le Douglas est la première essence de reboisement en France ! Alors qu’il est régulièrement confondu avec un vulgaire sapin, il arrive progressivement, et en toute discrétion, à transformer notre Massif-Central en « fabuleux » paysages exotiques…  Encore plus fort, qui se doutait que depuis une dizaine d’années, un petit groupe de douglas avait déjà franchi la barre mythique des 60m de haut ? Alors que des générations de forestiers continuent à s’extasier béatement devant des sapins jurassiens d’à peine 50m… Le titre du PHAF (plus haut arbre de France), c’est encore pour lui ! 67m d’une verticalité parfaite au barrage de Chartrain à Renaison… et il n’est pas prêt d’être détrôné.
Ce statut de Héros aux charmes discrets, il le doit surtout à sa vie forestière et à la totale indifférence des promeneurs qui peuvent passer à ses côtés sans même le remarquer (d’un autre côté, pourquoi trainer sous les douglas alors que les cèpes et girolles n’y poussent pas 😉 ).
Ce n’est pas comme son cousin californien, le séquoia, qui a besoin d’étaler ses rondeurs en public devant les châteaux et les grandes maisons bourgeoises. Quelle impudeur ! (NDLR : la foudre tombe souvent sur la tête des séquoias trop prétentieux, héhé ! il y a tout de même une justice !).

Mais il faut bien reconnaitre qu’il y a malgré tout un domaine où notre Star Le Douglas n’a pas l’habitude de briller : celui des circonférences records… c’est sûr que son caractère forestier le pousse à vouloir rester toujours bien serré entre ses frères et sœurs et ce n’est pas le meilleur moyen pour faire du lard !
Sauf que dans la nature, il y a toujours des exceptions…
Mais attention, là je vous propose de découvrir le genre d’exception que l’on n’aurait même pas osé imaginer en rêve : « Doug le Big Foot » est un extraterrestre dans la famille des Douglas !

Pour dénicher ce Big Foot, il faut être prêt à quitter la civilisation et ne pas avoir peur de s’enfoncer au plus profond de la forêt morvandelle. D’ailleurs, le site est tellement calme que des bénédictins ont fondé une Abbaye en 1850 et accueillent de nos jours les visiteurs en quête de retraites spirituelles. A proximité, une curiosité naturelle ajoute son côté mystique au lieu : la Pierre-qui-Vire; deux énormes rochers superposés que l’on pouvait bouger d’une seule main. Mais pour sacraliser le site, une Vierge (une statue bien-sûr…) a été perchée sur la pierre branlante scellant à tout jamais les deux rochers ensemble. Cette monumentale statue marque la fin de la civilisation et le début du territoire du Big Foot. Derrière cet amas de rochers granitiques, un chemin descend brutalement dans la fraicheur d’un petit bois mêlé de feuillus et de résineux vers un affluent du Trinquelin. Attention, ne faites plus de bruit, vous y êtes presque… Doug le Big Foot se dresse juste là, face à vous, sur l’autre berge du ruisseau. Sa découverte en contre-plongée accentue la vision de son pied démesuré.
Voilà plus de 3 ans que je recherchais mon Big Foot, un douglas atteignant 5m de circonférence. Je parle bien-sûr d’un vrai tour de taille bien cylindrique, sans un affreux défaut de forme qui pourrait fausser la mesure du tronc. Jusqu’à présent, je plafonnais avec un timide 4,90m relevé sur un douglas souffreteux dans la Creuse. Je commençais sérieusement à perdre espoir… Puis en me penchant sur l’inventaire des arbres remarquables du Morvan, un indice me donnait une nouvelle piste à explorer. Il faisait mention d’un groupe de douglas près d’une Abbaye dont le plus gros atteignait 5,45m de circonférence. J’ai appris à me méfier de ce genre de chiffre, tellement énorme qu’il cache bien souvent un gros défaut de forme sur le tronc (ou parfois la mesure de deux pieds accolés). Néanmoins, je ne pouvais pas ignorer cette donnée et je me sentais désormais dans l’obligation en tant que Têtard Reporter, d’aller vérifier sur place l’exactitude de cette mesure.

La date d’installation des moines bénédictins dans la seconde moitié du XIXème siècle correspond aux premiers essais d’introduction du douglas (vers 1880) dans le but d’enrichir les maigres taillis du centre de la France.

La présence du douglas autour de l’Abbaye de la Pierre-qui-Vire pourrait remonter à une centaine d’années. En observant les photos aériennes, on découvre plusieurs petits bouquets qui subsistent de nos jours au milieu d’une forêt feuillue mélangée. « Doug » se trouve isolé des autres bouquets et malgré sa taille imposante doit probablement dater de la même période de plantation.

Bien ancré sur son talus, Doug a développé un pied démesuré mais sans déformation particulière.
En novembre 2017, la circonférence prise à la base est de 8m ! En se plaçant du côté amont et à 1,3m du sol (hauteur retenue officiellement pour les mesures de circonférence) notre colosse affiche un exceptionnel 5,60m ! Son tour de taille décroit ensuite lentement pour atteindre 5,54m à 1,5m de haut.
En revanche, Big Foot n’est pas un géant, il a une silhouette plutôt trapue : 43m mesurés au dendromètre électronique vertex.
Son état sanitaire est excellent, il ne présente aucun signe de faiblesse.
Coordonnées géographiques : N47,36003° E004,05913° – Altitude 450m

En prolongeant le sentier vers l’aval, un petit groupe de six douglas planté autour d’un ancien oratoire (ou d’une croix décapitée ?) mérite aussi d’être observé. Après la prise de mesure du Big Foot, leurs circonférences semblent presque ordinaires, pourtant trois d’entre eux dépassent largement les 4m de tour (maxi 4,37m à 1,3m de haut). Mais leur intérêt réside surtout dans leur taille exceptionnelle avoisinant les 50m (54m pour le plus haut). Ces tailles vertigineuses sont devenues la spécialité des douglas, et on en oublierait presque qu’une telle hauteur a longtemps représentée un maximum pour nos arbres français.

Alors, ce n’est pas de la graine de champions tout ça ? On peut dire que le douglas a trouvé son coin de paradis sur ces contreforts du Massif-Central. Il suffit d’une centaine d’années pour le transformer en un colosse quasiment indestructible : il résiste à toutes les maladies et à tous les insectes ravageurs. La seule chose qui pourrait sonner le glas au Douglas, c’est la tronçonneuse du bûcheron…


Pour la petite histoire
Plusieurs légendes circulent autour de la Pierre-qui-Vire. Pour rester dans l’actualité du moment, je vous propose celle-ci : chaque année à minuit le soir de Noël, les deux rochers s’ouvrent et dévoilent un merveilleux trésor… mais attention, la caverne se referme au douzième coup de minuit !

Hâtez-vous, il vous reste quelques heures pour aller vérifier cette légende… Qui sait ce que réserve vraiment la magie de Noël ? 🙂

Share Button

14 réflexions sur « « Doug le Big Foot » à l’Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Yonne »

  1. Quel beau (et haletant) conte de Noël !
    Même si Doug est bien réel lui 😉
    Mais je n’aime pas la chute (avant la légende) 🙁 et je laisse volontiers le trésor aux adorateurs de la vierge… en échange de plein d’autres belles histoires de ce genre (pour les siècles et les siècles à venir 😉 )

  2. Joli(s) !!!
    Un monument dans la famille Douglas !
    De plus le tout est situé dans un agréable endroit.
    Ceci est donc chose faite, de mon côté la barre verticale des 60 m est plus facile à atteindre que celle des 5 m en tour de taille 😉

  3. La vie forestière ne favorise pas l’élargissement, mais il est quand même curieux de ne pas avoir, d’une manière générale, de plus grosses circonférences, avec les capacités de croissance dont dispose le Douglas…
    Pour ma part, mon plus gros spécimen mesure 4.90 m, mais il pousse dans un parc, donc avec des conditions qui permettent de s’étaler.

  4. J’ai l’impression que le Douglas n’est aimé que des arbo-reporters et des productivistes du bois. Mâme Michou n’y verrait qu’un gros Sapin, mais chez les naturalistes et chez les activistes de environnement je constate assez souvent un certain dédain pour pour cette espèce, voire du mépris, tant elle symboliserait les dérives destructrices de la sylviculture moderne. En tout cas c’est ce que je constate ici en Haute-Savoie (alors qu’il y aurait bien plus à dire sur la sur-plantation d’épicéas). Constatez-vous le même a-priori?
    Pour ma part j’aime beaucoup cet arbre, et je frissonne à la simple lecture des hauteurs stratosphériques évoquées sur le blog où ailleurs.
    J’avais pour une fois l’occasion de coiffer le Castor au poteau (chose bien plus difficile que de croiser une licorne) avec un Douglas Chablaisien de 45,5 m de haut pour 5,77 m de tour! Malheureusement l’arbre a complétement séché en une saison (avec écoulement blanchâtre sur le tronc. Savez-vous de quoi il s’agit?).
    Dommage…
    Sinon je plafonne à 4,37 m… du Medium-Foot quoi…

    • Le mépris pour les essences exotiques ou naturalisées est bien présent dans la sphère des pro-environnement et je dirai pour ma part que de voir trop de ces espèces croîtrent hors des jardins botaniques, parcs et petites parcelles forestières, ne fait qu’accentuer la perte de biodiversité.
      Dans le Morvan, c’est une espèce très rentable et présente, mais cela fait au détriment de la futaie mixte en feuillus indigènes.
      C’est toujours le problème de faire les choses avec parcimonie.

  5. Je ne sais pas si les Douglas sont généralement snobés mais avec un article comme ça on aime forcément.
    Les photos rendent une belle ambiance

  6. Le douglas est très rarement présent comme arbre de parc, mais lorsqu’on en trouve, on voit tout de suite son incroyable potentiel de croissance (en circonférence 😉 ). Isolé dans un parc, un douglas peut facilement atteindre 4m de tour de taille à 100 ans. Big Foot est en revanche un forestier, même s’il a fait sa place dans son environnement et qu’il ne souffre pas trop de la concurrence de ses voisins, la dimension exceptionnelle qu’il atteint aujourd’hui est d’autant plus remarquable qu’il est dans une ambiance forestière.
    Tristan, as-tu plus d’infos sur ton douglas de 5,77m de tour de taille (arbre de parc, défaut de forme sur le tronc…) ? C’est étrange qu’il soit mort brutalement, il est réputé pour très bien résister aux attaques parasitaires insectes et champignons, il a peut-être été affaibli par autre chose (foudre, travaux de terrassement à proximité…).

    Personne n’a été vérifier la légende de la pierre-qui-vire à Noël ? 😉

    • Concernant le gros Douglas Chablaisien: il était situé dans un parc, mais au milieu d’un petit massif (disons 100m sur 80m) composé d’autres conifères élevés (Douglas, Séquoia, Calocèdre). Ambiance plutôt forestière donc, même si petite surface.
      Pas de défaut, un tronc bien dessiné, bien droit. Cime bifide toutefois, mais relativement ancienne (foudre? Tempête?).

  7. Bonjour,
    J’ai remarqué que les douglas sont très intolérants aux inondations. Certains sont morts brutalement en 21017 près de Montargis suite a un niveau des hauts très haut pendant quelques jours.
    Je ne sais pas ce qu’il en est de celui qui est mort brutalement et dont vous parlez.
    Cordialement
    Laurent

  8. Dans quelques dizaines années c’est ici dans le Morvan que nous trouverons les plus beaux douglas de France.Ils trouvent dans ce massif les meilleurs conditions de vie possibles.C’est une réussite écologique qu’il faut faire savoir!

  9. Les douglas sont des arbres remarquables. Dans le Morvan nous avons des peuplements qui sont très bien conduits et qui nous donnerons de formidables futaies dans quelques décennies. Ils remplacent avantageusement les chênes ,hêtres, et autres bouleaux qui n’ont jamais donné que du bois de chauffage pour chauffer Paris.
    Il ne faut pas écouter les « pseudo-écolo » qui le critique sans jamais en avoir ni planté,ni débroussaillé,ni éclairci,ni élagué et qui n’en possèdent aucun…

  10. De nombreux peuplements de douglas vont arriver à maturité dans quelques décennies dans le massif du Morvan. Ils formeront une formidable futaie qui remplacera avantageusement les pauvres taillis de chênes ,hêtres, charmes et bouleaux qui servaient à chauffer Paris au temps du chauffage au bois. N’en déplaise aux « pseudo-écolo » qui n’on jamais planté, débroussaillé, éclairci,élagué, un douglas de leur vie et qui n’en possèdent aucun…

Répondre à mickael jezegou Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.