Les trognes de peupliers noirs de la Haute Alfambra en Aragon, Espagne

Marc nous fait découvrir le travail de préservation des « chopos »

Lors d’un périple en Aragon cet été, nous avons eu la chance d’être guidés par Chabier de Jaime, responsable du « Parque Cultural del Chopo Cabecero del Alto Alfambra ».  Chopo cabecero désigne en fait le peuplier noir têtard, arbre emblématique de la région.

Les chopos cabeceros

Ce parc culturel créé en 2018 vise à la protection et la promotion des peuplements de Populus nigra et du biotope les entourant.  En dehors de l’aspect purement écologique, il a pour objectif de promouvoir les aspects culturels régionaux liés à la présence des peupliers.  La conservation du patrimoine local fait partie de cette mission.

Vaste programme qui ne peut être que bénéfique pour cette région isolée, victime d’un exode rural massif. Nous sommes ici dans l’est de la province de Teruel, dans le sud de l’Aragon.

La faiblesse des investissements nationaux (transports, réseaux de communications, etc.)  contribue à accélérer ce phénomène de dépopulation. Cet abandon de Madrid est régulièrement dénoncé par les forces vives locales, regroupées notamment dans le collectif « Teruel existe ! ». Reste à espérer que les initiatives telles que la création de ce parc culturel puissent endiguer le phénomène. C’est tout le bien qu’on leur souhaite !

Une succession de chaînes montagneuses couvre le sud de la région. C’est là que naît la rivière Alfambra, dans la Sierra de Gúdar (culminant à 2.028 m d’altitude) avant de se frayer un chemin au creux des plateaux semi désertiques de l’Aragon.  Ces plateaux battus par les vents, connaissent un climat très rude. L’été très chaud est plus court que l’on imagine sous ces latitudes. En cette saison, la sécheresse est interrompue par de violents orages provoqués par les masses d’air qui venant de Méditerranée, percutent les sommets des sierras.  Les hivers sont glacials.

Plateaux dénudés du sud aragonais

Ce qui frappe dans ce décor, c’est l’absence des arbres (à l’exception des étages montagneux ou réapparaissent les pinèdes).  L’aridité des plateaux n’est pas la principale responsable de cette situation.  Comme souvent, il faut se tourner vers l’activité humaine pour en trouver la cause.

Au Moyen-âge, cette région d’Aragon connaît un développement très important de l’élevage ovin.  La production de laine est exportée un peu partout en Europe (Flandres, France, Italie).

Clocher Mudéjar en pleine campagne

Cette prospérité se voit encore aujourd’hui dans la taille impressionnante des bâtiments d’époque, en particulier des églises de village aux magnifiques clochers Mudéjar.

Ce pastoralisme intensif est le principal responsable de la disparition des arbres. Pourtant le bois reste une matière indispensable, que ce soit pour la construction ou pour le chauffage par exemple. C’est ici qu’apparaît notre « chopo cabecero ».  Le peuplier noir planté tout au long des rives de l’Alfambra et d’autres cours d’eau (Martín, Jiloca, etc.) va remplir ce rôle de fournisseur de bois « renouvelable » comme d’autres arbres têtards ailleurs en Europe.

Têtards de Populus nigra

Les rives boisées offrent un contraste saisissant avec les paysages alentours. Une oasis tout en longueur qui s’étire sur des dizaines de kilomètres et qui peut compter plusieurs milliers d’arbres.  Ces zones humides arborées forment des réservoirs uniques de biodiversité.

Le serpent vert des chopos cabeceros

Peupliers à perte de vue

Grâce à son « look » de trogne plutôt sympathique, au cachet qu’il imprime au paysage et aux multiples services qu’il a rendu à la population, le chopo cabecero fait l’objet d’une affection particulière de la part des habitants. L’association dont fait partie Chabier de Jaime, qui est à l’origine de la création du parc culturel est sans doute pour beaucoup dans le maintien des traditions locales autour du peuplier noir.

Aguilar del Alfambra, au premier plan : les chopos

Elle organise par ailleurs chaque année au mois d’octobre une fête du chopo cabecero. On connaît l’attrait des Espagnols pour les fiestas en tout genre, mais une fête centrée autour d’une espèce d’arbre en particulier est un phénomène sans doute unique en Europe ?

Sculpture représentant le chopo cabacero dans un village aragonais

La province de Teruel est aussi une terre de dinosaures !

Il y aurait encore beaucoup à dire à propos de cette belle province de Teruel, de sa géologie particulière, de ses gisements de dinosaures ou de sa diversité ornithologique, mais la vocation de ce blog tournant autour de l’arbre m’oblige à en rester là.  Les trognes et les habitants de l’Aragón vous accueilleront à bras ouverts !

Chabier aux côtés d’un Populus nigra monumental

Les chopos au milieu de curieuses formations géologiques

Site de l’association du Chopo Cabecero : http://chopocabecero.es/

Blog du Parque Cultural : http://altoalfambra.blogspot.com/

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4 réflexions sur « Les trognes de peupliers noirs de la Haute Alfambra en Aragon, Espagne »

  1. Un beau reportage, complet et très intéressant 🙂

    Juste une petite question pour les « chasseurs d’arbres », jusqu’à combien avez-vous dérouler le décamètre ? Est-ce que la barre des 10m a été franchie ?
    😉

    On retrouve pas mal de similitudes avec les paysages et l’environnement des Pré-Alpes du Sud, où le peuplier noir est également très présent.

  2. De bien beaux paysages dans cette contrée, cela surprend quand même, cette aridité très en contraste avec les alignement de peupliers.

    Longue vie aux têtards ou plutôt « Chopo cabecero » !!

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