Découverte de sapins d’Espagne dans la Vienne/Chapitre II : L’original sapin d’Espagne de Saint-Maurice-La-Clouère

Fin du suspense initié lors du précédent article 

A moins de 20 kilomètres de Gouex, je savais que le château privé du Pin situé à Saint-Maurice-La-Clouère abritait un séquoia géant que j’avais repéré grâce à son ombre imposante sur Google Maps. Afin de l’inventorier, je me dirigeais vers le château et à quelques kilomètres de celui-ci, j’apercevais déjà la cime de l’Américain. Au bout de l’allée qui menait au château, me voici rendu au portail et je tombe nez-à-nez avec le séquoia qui trône en maître juste derrière. Un bébé plutôt imposant mais immédiatement, mon regard se dirige vers une autre silhouette, tout au fond près du château : un bien curieux conifère doté d’une magnifique branche « balançoire ».

Pour sûr, ce n’est pas un séquoia. Je décide donc de m’adresser au propriétaire des lieux et en chemin vers le château, j’approche de ce qui s’avère finalement être… un sapin d’Espagne!

Les aiguilles caractéristiques font que l’on ne peut pas se tromper et tout en m’approchant du tronc, je réalise qu’il est d’une dimension exceptionnelle pour l’espèce.

Après m’être présenté au propriétaire, nous échangeons sur les arbres présents dans le parc, en commençant par le séquoia, le plus gros forcément. D’un âge inconnu, il fait la fierté du parc de par sa taille imposante et son implantation à la manière d’une tour de garde végétale.

Mais bien vite, nous en venons au sapin d’Espagne qui, même plus « petit », semble bien plus exceptionnel. Là encore, l’âge est inconnu, mais il aurait récemment perdu une grosse charpentière. Suite à cet accident, un « expert forestier » serait venu sur place pour faire le point, et aurait alors mis en place un système d’haubanage afin de préserver les autres charpentières. D’après cet expert, ce sapin d’Espagne serait condamné à plus ou moins long terme et il précisa qu’il n’avait jamais vu de si gros sujet auparavant.

Autorisé à prendre des photos et à mesurer les circonférences des arbres, je commence par le pinsapo.

Au pied de cet arbre de caractère, je n’en reviens pas … on se croirait devant un gros cèdre ! Je prépare alors mon mètre enrouleur pour placer le départ à 1m30 au dessus du sol. Mais à cette hauteur, je tombe là où commence la branche excentrée, et je dépasse largement les 5 mètres de tour. Une telle mesure ne donnerait pas une idée réaliste de la taille et de l’âge de l’arbre. Je mesure donc la circonférence au plus creux du tronc, c’est-à-dire à 20 cm au dessus du sol.

Verdict : 5m28

Un tour de taille plus que remarquable, surtout lorsque l’on compare avec son compère de Gouex (déjà énorme) qu’il dépasse de presque un mètre en circonférence ! Sur la photo du tronc, on peut me voir à côté et pour donner une échelle, je mesure 1m80.
Côté hauteur et envergure, rien d’incroyable. Je l’estime à vue d’oeil à 25 mètres environ et les branches s’étalent sur 18 mètres au plus large.
Sur le plan de l’originalité, ce Pinsapo marque également des points notamment grâce à cette branche balançoire, sorte de réitération qui semble fonctionner indépendamment de son support. Mesurant 2m51 de circonférence, elle doit peser lourd et n’est certainement pas étrangère à la grosseur du tronc qui s’est sans doute élargi afin de pouvoir supporter le poids de ce véritable « arbre intégré ». Une démonstration de force ou une marcotte ratée ? Ce qui est sur, c’est que la taille du tronc exceptionnelle en fait sans conteste le plus gros sapin d’Espagne de la Vienne, mais aussi l’un des plus gros de France découverts à ce jour. A voir aussi un impressionnant sujet à Verrières dans l’Aveyron répertorié par le Castor Masqué, qui affiche un tour de taille de 4m95 à 1m30 du sol. D’architectures différentes, les deux monstres ne sont pas vraiment comparables mais qui est sûr, c’est que ces deux malabars envoient du lourd!

Sauf qu’à la fin, il pourrait bien n’en rester qu’un. En effet, malgré un houppier sain et une fertilité abondante au vu des nombreux cônes produits au niveau de la cime, notre pinsapo Saint-Mauricien n’est pas en bonne santé. Ce qui saute aux yeux, c’est son tronc torturé, marqué par de nombreuses cicatrices et des écoulements de sève. Le bourrelet sous la branche excentrée est alarmant et on se demande comment un arbre peut soutenir une aussi grosse charpentière. D’ailleurs, l’une d’entre elle est bel et bien tombée. Heureusement, le système de haubanage mis en place permet de sécuriser le reste de la structure mais plus inquiétant encore, des champignons semblables à de l’amadouvier se dévoilent sur la face nord de l’arbre, à l’endroit où les deux grosses charpentières se divisent à 3 mètres de hauteur. Ce genre d’organismes causent la mort de nombreux arbres, en « rongeant » leurs hôtes de l’intérieur. Ce sapin d’Espagne est donc bel et bien condamné à plus ou moins long terme, en fonction de l’avancement de l’infection du parasite qui, à ce jour, ne peut malheureusement pas être entravée. Toutefois, le champignon n’a pas encore gagné!

Vue vers 1900 (max 1918), le buisson sur la droite devant le château pourrait bien être notre arbre.

Le Pinsapo a encore des forces, bien aidé par la Clouère coulant derrière le château qui lui garantit un bon apport en eau. Espérons donc que la lutte s’éternise un maximum et saluons le propriétaire des lieux qui, sachant alors son arbre promis à une mort lente, a quand même fait le nécessaire pour le maintenir en vie le plus longtemps possible. Ça, c’est beau!
C’était deux arbres remarquables du département de la Vienne, doté d’un patrimoine riche où quelques ligneux restent encore à découvrir. C’est peut-être un cèdre de l’Himalaya, d’une dimension spectaculaire, qui se dévoilera prochainement sur le blog. Alors à bientôt!

Pour finir, voici un comparatif des deux sapins d’Espagne aux côtés d’autres dont le champion du monde.

 

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15 réflexions sur « Découverte de sapins d’Espagne dans la Vienne/Chapitre II : L’original sapin d’Espagne de Saint-Maurice-La-Clouère »

  1. Alors celui-là (tout comme son compère breton) me font penser à des cafetières avec leur branche « balançoire ».
    Marrant cette manie de lancer d’énormes branches sur le côté !
    Malheureusement ce pépère-là à bien l’air de vouloir partir de la cafetière malgré tous les soins apportés par son propriétaire… :’-(

  2. Merci pour ces belles découvertes , le climat de la Vienne semble convenir au Sapin d’ Espagne qui s’y comporte aussi bien que dans sa région d’origine !

  3. @Yannick, le pinsapo sur tes photos est dingue. Sa charpentière, en plus d’être plus grosse, se ramifie ! Question, tu as pris la circonférence du tronc au dessus ou en dessous de la branche ? Et ce sont des thuyas à droite du château en vert clair ? Ils ont l’air sympa de loin ?

    @Guy, je te rejoins sur le fait que cette essence à l’air de se plaire dans le département. J’en rencontre régulièrement qui dépassent les 3m50 de circonference ????

    • La mesure de 2015 a été faite sous la branche, de mémoire cela fait un peu haut pour la prendre au-dessus.
      Nous sommes dans un camp militaire, les arbres appartiennent au parc d’un château en ruine, il a été bombardé durant la seconde guerre mondiale, de mémoire il a servi de cible d’entraînement… Il y a plusieurs autres sujets intéressants, dont des cyprès de 6 à 8m de tour, quelques sequoias géants pas énormes, un bosquet de séquoias sempervirens assez mince, des cèdres en bouquet, des ifs, des charmes et des chênes. Les cyprès et le sapin sont les plus remarquables. Il faudrait toutefois que j’y retourne…
      Ton article m’a fait souvenir qu’il y a encore un beau sujet dans un parc au sud de Rennes, où j’en avait abattu un mort il y a pas mal d’années. C’est un parc dessiné par les frères Bulher, et de mémoire, la propriétaire dispose encore des factures des plants, à savoir si les sapins faisaient partie du lot….

  4. @Yannick
    Le parc de ce château en ruines à l’air intéressant pour la variété d’arbres qui s’y trouvent. Dommage, il ne doit pas être accessible au public…
    Ah il faudra aller mesurer celui du parc au Sud de Rennes alors !

    • Dans le principe il n’est pas accessible, mais il est juste au bord d’une route ouverte à tous qui traverse le camp, dont on peut s’arrêter et faire un tour, sans que cela pose problème.
      D’ailleurs, j’ai eu le droit de prospecter dans le camp (avec autorisation), le projet est resté un peu en suspend faute de temps, mais l’armée n’est pas si fermée.
      Concernant le spécimen évoqué, il n’est certainement pas de taille a faire concurrence à tes spécimens, il faudrait que je retrouve des photos…

  5. Tu as su mettre le suspens pour nous dévoiler ces deux merveilles ! Bravo Aurélien pour ces trouvailles inédites !
    Décidément, tu repousses encore une fois les limites du possible pour une nouvelle espèce. Après le Séquoia géant, le Pinsapo, quelle est la prochaine espèce dans ta ligne de mire de chasseur d’arbres ? 😉
    En tout cas tu nous gâtes avec tes articles très complets et tes photos prises au drone sont vraiment extra, avec un angle de vision inhabituelle, super !
    Continue à nous faire partager tes belles découvertes, tu sembles avoir trouvé un bon filon dans ce département de la Vienne.
    🙂 🙂 🙂

  6. @Castor Masqué, j’ai encore quelques arbres à vous présenter, mais même remarquables, ils ne battront pas les records des précédents.
    En tout cas, saches que je m’inspire beaucoup de tes articles pour rédiger les miens tout en y mettant ma petite patte.????
    Merci et également impatient de lire tes prochaines découvertes, toujours captivantes !

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