Le sapin qui pisse, Raon-L’Etape (Vosges)

J’ai longtemps réfléchi avant de faire cet article. En effet, l’arbre que je vais vous présenter va faire de l’ombre au très célèbre Manneken-Pis Bruxellois, ce qui commence à faire beaucoup à digérer pour nos amis belges après la victoire française en coupe du Monde de foot…

Mais qu’à cela ne tienne, voici donc la star arboricole des Vosges, le « Sapin qui Pisse », où Kessembûm-Pis (littéralement le Sapin de Noël [qui] pisse)  en Bruxellois (désolé d’enfoncer le clou…).

Ce sapin impudique s’exhibe sur le site de la Criquette à Raon-L’Étape.

L’endroit a été aménagé pour la promenade et la détente dès le début du 20ième siècle, une auberge, des étangs le sapin et un kiosque en constituant les principaux points d’intérêt. Le lieu est toujours très fréquenté et entretenu.

La présence d’un tel arbre n’a rien d’un hasard, car cette incontinence arboricole n’a en fait rien de naturelle. Elle résulte d’un aménagement captant l’eau d’une source située 200 m plus haut. Une partie de l’eau est directement envoyée vers un petit étang, l’autre transite par une canalisation via notre sapin. Un contrefort de l’arbre situé à l’opposé du bassin est reconstitué en béton. Cela laisse penser que la conduite d’eau arrive par ce point (même si en-dessous de « l’appendice » une plaie verticale rejoint au sol).

Autrefois, avant de rejoindre l’étang, l’eau était recueillie dans un bassin maçonné. Celui-ci semble avoir été modifié plusieurs fois avant d’être remplacé par un auge en pierre.

 

L’appendice dont on l’a affublé a aussi évolué passant d’un incongru tuyau, qui j’imagine était l’objet blagues de plus ou moins bon goût et à l’origine de la dénomination, à un genre de gouttière moins suggestive. Aujourd’hui elle évoque plus ou moins une tête d’éléphant.

On ne connait pas la date de l’aménagement de l’arbre, mais une carte postale datée de 1915 suggère que cela remonte aux années 1900. Cela peut sembler étonnant du fait de la modeste circonférence du tronc (1.90 m) et du peu de différence de taille entre les vues anciennes et actuelles.  Deux hypothèses, on a changé d’arbre, ou bien à cause de la fréquentation  et des différents aménagements entrainant un tassement  du sol et des dégâts au système racinaire, l’arbre végète. Ce qui pourrait être confirmé par une légère descente de cime.

Quoiqu’il en soit, ce genre d’aménagement arboricole était « à la mode » dans la première moitié du 20ième. Dans la commune de Raon-L’Etape, il semblerait qu’un autre sapin qui pisse se trouvait dans la zone de forêt située à l’extrémité de l’avenue Faidherbe (il y a aurait encore un bassin).

Une carte postale de Gerardmer nous montre aussi un beau sujet.

Un autre spécimen dans la Vallée de la Bruche (Bas-Rhin).

Photo : Collection Etienne Ferry (Hersbach)

 Le « Sapin qui pisse » 1933

Situé à proximité de la « Croix Forestière », le « sapin qui pisse » était alimenté par une conduite d’eau amenant l’eau d’une source proche d’une centaine de mètres en amont pour l’arrosage de l’ancienne pépinière de Hersbach dont on aperçoit la remise au fond.

 

Source : Blog Nature d’ici et d’ailleurs par Jean-Louis Schmitt (photo ancienne ci-dessus et légende et photo comparative 2006/2016).

Une prospection plus poussée permettrait certainement de retrouver la trace d’autres sujets disparus.

D’ailleurs, en parcourant les photos de Paul GOURGUE expert arboricole…belge (monarbre.be), j’ai pu constater que la pratique n’avait pas totalement disparue et que nos amis belges tentaient désespérément de combler leur retard en matière d’arbre qui pisse, avec plus ou moins de succès et de fairplay…

 

 

Heilrimont, Moulin du Ruy (Photo Paul Gourgue)

Heilrimont, Moulin du Ruy (Photo Paul Gourgue)

 

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13 réflexions sur « Le sapin qui pisse, Raon-L’Etape (Vosges) »

  1. Cet exemplaire est quand même assez laid, avec cet espèce de forme en plastique qui est vraiment une horreur. Que l’on fasse quand même travailler un vrai plasticien qui ait le respect des arbres ! On ne devait pas non plus s’étonner que cet arbre pousse visiblement mal ! Tout être vivant serait perturbé par ce traitement pour le moins barbare….C’est assez pitoyable.

  2. …aussi pitoyable que tes commentaires irritants. Toi qui es ingénieur paysagiste membre de la SFA, au lieu de critiquer à tout va, propose-nous un article qui souligne tes idées et qui illustre ta vision de la « bonne conduite » à avoir vis à vis des arbres !
    Là, tu pourrais ronchonner et ça aurait du sens 😉

    Aurélien Goëffic – Pas ingénieur, juste passionné d’arbres

  3. Bravo Yannick pour le portrait de cet arbre insolite. Il ressemble à notre récente découverte ☺️ peut être une nouvelle catégorie pour le blog ?

    • J’y pensais, d’ailleurs il mériterait un article, mais je manque de photos…
      Je suis retourné à Piré au domaine départemental du parc du château des pères, il y a aussi sur l’un des deux gros chênes de l’eau qui coule sous une racine, c’est moins spectaculaire mais sympa…

  4. Salut Yannick,
    Belle et insolite trouvaille. Je me souviens avoir vu ça sur les platanes d’orient en Turquie quand j’ai exploré ce sujet pour le Krapo. Apparemment l’incontinence arboricole ne connait pas de frontières . J’essaie de retrouver les photos dès que j’ai un moment de temps libre.
    Bravo à toi et au Castor de continuer à faire vivre ce blog.

  5. Un sujet vraiment original et intéressant…(comme toujours sur ce blog). Pour rester dans le thème « arbre-eau » je vous signale que de l’autre côté de la « frontière », c’est à dire dans les Vosges haut-rhinoises, dans le massif de la Haute-Bers, entre le col des Perches et le col des Charbonniers, on trouve un « Hêtre-source » absolument sans aucun trucage. Un petit cours d’eau sort des racines et alimente le lac du Neuweiher !
    Photos disponibles si cela intéresse qq’un…
    Philippe Mercklé

    • Salut Philippe,
      Tu nous mets l’eau à la bouche! Je veux bien des photos, celà mériterait un article.
      Avec Mickaël nous avons récemment été voir un très gros if avec une source qui coule sous une de ses racines.

      • je t’envoie volontiers la fiche descriptive et quelques photos mais je suis un peu nul en informatique et ne sais pas comment joindre des pièces au présent message !

  6. Vraiment excellent 🙂 🙂 🙂
    Je ne connaissais pas ces drôles de curiosité !
    Une spécialité du Nord-Est, qui semble même s’exporter en Turquie !!!
    Je ne sais pas s’il existe de tels spécimens par chez moi dans les Alpes ?

    Il va falloir créer une nouvelle rubrique dans le menu de droite : « les Arbres qui pissent » 😉 elle va vite se remplir avec tous les exemplaires vosgiens et alsaciens déjà mentionnés !

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