Découverte du cèdre tentaculaire de Piolant, Dangé-Saint-Romain, Vienne

Une fois de plus « Aurélien envoie du lourd »!

En quête de séquoias dans le département de la Vienne et guidé par les images satellites (Google Maps), j’ai répéré un beau séquoia géant dans le parc du château de Piolant à Dangé-Saint-Romain, qui propose désormais chambres, gîte et tables d’hôtes. Un cèdre m’interpella également, sans que je n’y prête plus d’attention.

Il faut dire que dans le département, les cèdres imposants sont plutôt nombreux et ayant eu la chance de découvrir le cèdre monumental de Sillars avec ses 12m25 de circonférence, je n’imaginais pas refaire une telle rencontre de sitôt. Pourtant, c’est carrément son grand frère que j’allais rencontrer.


Découverte du parc

Sur place, avec la bienveillante autorisation de la propriétaire du château, j’emprunte le chemin qui mène aux bâtiments par le Nord-Est et c’est un joli cèdre multi-tronc mesurant 6m93 de circonférence à la base qui se présente.

Un peu plus loin, se dévoilent des ifs fastigiés, un autre cèdre plus modeste, un groupe de cyprès de Leyland, et bien sûr, le fameux séquoia géant. Aïe ! Ce dernier a malheureusement perdu sa tête, ce qui ternit un peu la prestance qu’il devait avoir auparavant. Mais avec un tronc mesurant 7m46 de circonférence à 1m50 du sol, il ne passe tout de même pas inaperçu, loin de là !

Un cèdre d’exception

On peut distinguer deux sortes d’arbres remarquables : ceux qui nécessitent des recherches (mesures, historique, âge etc..) afin qu’ils puissent être considérés comme tels, et ceux qui font que l’on n’hésite pas une seconde. A quelle catégorie nous avons à faire ici, devinez ? Quand on contemple ce vénérable ancêtre, de près comme de loin, il crée cet effet « wouahou !» et marque les esprits de par sa majesté. Quelle audace de voler si facilement la vedette d’un gros séquoia !
Sans traîner, je me hâte de mesurer la circonférence. Vu la configuration du mastodonte, je ne vois pas d’autre solution que de partir directement du sol, à la base de ce monument, afin de garder une certaine « notion de la réalité ».

Verdict : 12m94

Même si la constitution extraordinaire de cet arbre le rend incomparable à tout autre doté d’un tronc classique, il s’agit quand même de la plus grande circonférence jamais relevée dans le département ! Pour mieux se rendre compte, le tronc principal comporte 5 branches qui se séparent à environ 1m50 du sol. Ainsi, j’ai relevé une circonférence de 9m50 à 1m30 (à noter que cette mesure exclut trois gros troncs rattachés à l’arbre qui se séparent de la base à plus ou moins 60cm du sol).

Pour ce qui est de la hauteur, elle est proche des 30 mètres (à vue d’oeil) et son envergure est de 33 mètres. Aucune branche morte n’est à déplorer car cet arbre est bien entretenu par les propriétaires qui ont fait appel à une équipe d’élagage en 2016 dans le but de réduire la prise au vent de l’ensemble. Vu l’exposition aux vents dominants d’Ouest, l’arbre est en effet soumis à de violentes rafales qui lui ont coûté de nombreuses branches, dont une charpentière maîtresse coupée net au ras de la base sur laquelle j’ai pu compter environ 135 cernes…
Un vénérable ancêtre… ou pas ?
Certains auraient tendance à attribuer au moins 200-300 ans à ce vénérable cèdre, alors qu’il n’aurait même pas 140 ans ?! Les propriétaires actuels, qui ont acquis le château assez récemment, ont retrouvé une carte postale datant de 1904 environ. On y aperçoit quelques branches du cèdre, ce qui veut dire qu’il existait déjà, mais difficile d’appréhender sa taille, et donc d’estimer son âge. Le comptage de cernes peut-il donc nous aider ? Soyons prudents, car l’aspect multi-tronc d’un arbre, quelle que soit l’essence, trahit bien souvent son jeune âge. En effet, pour rappel, un arbre pousse normalement avec un fût droit, sur lequel viennent se greffer les charpentières, à hauteur variable selon l’individu. C’est là que commence le houppier, qui comprend l’ensemble des branches et des feuilles de l’arbre, puis on termine par la cime. Sauf que, pour une raison mystérieuse, notre protagoniste qui présente plusieurs troncs dès la base n’a pas poussé de manière « conventionnelle».


Qu’a-t-il bien pu se passer ? S’agit-il de plusieurs arbres plantés à quelques centimètres les uns des autres qui seraient entrés en symbiose, où a-t-il été coupé net au ras de la base alors qu’il était jeune, favorisant ainsi l’apparition de rejets de souche devenus de véritables troncs aujourd’hui ? Dans ce dernier cas, le comptage de cernes d’une branche ne permettrait pas d’en déduire un âge.
Tâchons de relativiser avec les autres arbres du parc ! Si la taille des séquoias et des deux autres cèdres plus modestes dans le parc coïncident à peu près avec un tel âge (dans l’hypothèse plausible que tous ces arbres aient été plantés en même temps), il est fort probable la création de ce parc date de la fin du XIXème siècle. Cependant, les premiers cèdres ont été importés en France au XIIIème siècle et il se peut qu’il ait été planté bien avant la création du parc…
Quel que soit l’âge de cet arbre unique, il semble aujourd’hui en bonne santé et grâce à la bienveillance des propriétaires qui ont pris la décision d’aérer son houppier, ce cèdre remarquable devrait mieux résister aux vents dominants d’ouest. Pour mieux se rendre compte du travail effectué par l’équipe d’élagage, voici une belle photo avant l’opération un jour de neige :

Désormais, s’il ne devrait pas trop grandir en hauteur (plus de hauteur = plus de prise au vent), il devrait continuer de s’élargir au fil des années et il ne sera pas facile pour un autre cèdre de détrôner sa circonférence hors-norme, bien que, rien que dans la Vienne, on compte tout de même quelques prétendants :
– Le cèdre caché du château de la Mothe-en-Poitou à Ligugé (8m70 de circ)
– Le cèdre du domaine de Givray à Ligugé ex-aequo avec celui du château de la Raudière à Béruges (10m60 de circ)
– Le challenger des Grands-Bois à Sillar (12m25 de circ)
Voilà donc un membre de plus dans une curieuse bande de cèdres semblables à des krackens géants qui jaillissent du sol, une catégorie apparemment peu rencontrée en France.
Enfin, je tiens à remercier la propriétaire du château, très attachée à son arbre, pour son accueil, ses photos et ses précieux renseignements.
Pour finir, voici un petit montage comparatif façon « choc des titans » qui oppose deux champions départementaux : notre cèdre de Piolant face au plus gros séquoia géant de la Vienne (Antoigné) avec ses 9m30 de circonférence !

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12 réflexions sur « Découverte du cèdre tentaculaire de Piolant, Dangé-Saint-Romain, Vienne »

  1. Ah oui fabuleux, il doit déclencher à tous les coups l’effet « wahouu » aux visiteurs qui découvrent le parc. D’ailleurs tu as bien de la chance de pouvoir vadrouiller ainsi dans les grands parcs privés historiques, c’est la meilleure façon de faire les plus découvertes… et il en reste tant encore à faire !
    🙂 🙂 🙂
    Du coup, je comprends que même pour un passionné de séquoias comme toi, il a bien fallu admettre qu’un Géant Californien ne fait pas le poids face un Colosse marocain (ou libanais ?) 😉
    C’est assurément la pièce maitresse du parc ! et félicitations aux propriétaires d’y apporter autant de soins.
    Le problème pour nous autres chasseurs d’arbres remarquables, c’est que devant une telle force de la nature il devient très délicat d’annoncer une mesure pertinente de son tour de taille et d’essayer d’en déduire un âge quelconque en ne se basant que sur son développement…
    Avec cette nouvelle découverte, on repousse encore une fois les limites connues de nos cèdres français et l’on peut considérer désormais qu’il surclasse les plus imposantes découvertes réalisées dans le Haut Atlas marocain par l’Association AKTADES, comme ce colosse de 10,83m pourtant âgé de 900 ans : http://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/wp-content/uploads/aktades1.jpg

    Merci Aurélien, on attend la suite de tes trouvailles 🙂 🙂 🙂

  2. Bonjour tout le monde !
    Oui mon accès au parc n’est pas gratuit mais j’essaie de le demander poliment à chaque fois : -) comme tu dis Castor, il faudrait une carte « têtard reporter » !
    Hé oui, ici, l’Américain s’incline face au cèdre, mais je dois dire que ces derniers m’ont toujours presque autant fasciné que les séquoias ; -)
    Ah et entre Liban et Atlas, je n’ai jamais pu trancher, et ce sur presque tous les gros cèdres que j’ai pu rencontrer d’ailleurs (sauf Himalaya et atlas bleuté). J’ai l’impression que ce sont des hybrides, ce qui est possible non ?
    En effet, c’est très délicat de mesurer un tel arbre. Pour dire à quel point, en mesurant la circonférence du challenger de Sillars à 12m25, je n’avais pas pris en compte un tronc qui emergait du sol à 30 cm du reste. Pourtant, il devait faire partie du même arbre et de ce point de vue, il faudrait le prendre en compte. Mais étant excentré…le doute est permis !

    Pas mal ce colosse du Haut Atlas ! Il faut préciser qu’il est « monotronc » mais je crois qu’en France, surtout en Italie en fait, les cèdres profitent d’un climat bien plus confortable que dans leur pays d’origine, ce qui doit leur permettre de grossir davantage ?

    • Oui c’est le cas avec de nombreuses espèces exotiques 🙂 Lorsqu’elles se retrouvent dans des environnements nettement plus favorables que leur aire d’origine, elles atteignent des dimensions inhabituelles.
      C’est le cas pour les cèdres de l’Atlas où il faut 500 ans pour atteindre 6-7m de tour de taille à 2000m d’altitude au Maroc, mais c’est aussi valable par exemple pour les séquoias : est-il possible dans les montagnes de Californie de trouver des séquoias de 10m de circonférence âgés d’à peine 150 ans, comme c’est le cas en Europe ? Nos parcs et jardins français offrent des conditions de vie exceptionnelles… pour notre plus grand plaisir 🙂 🙂 🙂

      Pour l’hybridation entre C. Liban et Atlas je ne sais pas si c’est possible, mais les deux cèdres sont très proches à tel point que certains botanistes considèrent que ce sont des sous-espèces… donc pas de scrupules pour nous d’avoir tant de difficultés à différencier ces deux cèdres 😉

      • C’est vrai que grâce à l’homme, parfois, on peut encore admirer de très beaux arbres bien conservés dans les grands parcs voire dans les villes. Cela dit, il faut préciser que les séquoias semblent se plaire dans les regions pluvieuses comme le Limousin et l’Auvergne par exemple, mais beaucoup moins sur le pourtour méditerranéen. Même chez moi, dans la Vienne, c’est pas idéal en fait. Au contraire, le cèdre semble s’y plaire à merveille, contrairement au centre de la France où l’humidité (peut être le sol aussi) on l’air de moins lui plaire.
        En fait, je crois que notre pays offre des conditions climatiques tellement variées que pas mal d’essences d’arbres peuvent y trouver leur bonheur, mais à des endroits bien précis : -)

  3. Bravo Aurélien. Encore un superbe spécimen.
    Il y en a 1 à côté de loudun qui est très joli également et qui est classé arbre remarquable de france avec une circonférence au niveau du sol de 10.60 mètres. C’est un cèdre du liban qui a plusieurs tronc également et sa circonférence à 1.30 mètre exclue 3 de ses charpentières, mais annonce presque 7 mètres.

  4. Bonjour à tous.

    Bravo, beau site, très belles photos et un arbre très singulier !!

    Les spécimens multi-troncs sont extrêmement difficile à estimer, une chose est sûre, la plupart de ces résineux de parc, ont une croissance très importante et sont rarement plus vieux que les 150 ans.

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