UN GÉANT RENVERSÉ : L’orme de Vébron (Lozère) 1589-1908

Un article de Pat en hommage à un géant disparu..

Vébron le vieil orme ph. P.Arnal 1908

Le petit village de Vébron n’a de remarquable qu’une grande place, ornée d’une allée de marronniers et de deux ormes séculaires.Le plus jeune aurait été planté en 1789 : il atteint 30 mètres de hauteur. Souhaitons-lui de vivre plus longtemps encore que son aîné.
Le vieil orme trois fois séculaire qui attirait l’attention de tous les étrangers remontait, dit-on, à Henri IV ; il aurait été planté, comme tant d’autres, par les ordres de
Sully. Je ne sais où l’on a trouvé la date (1589) inscrite sur le socle de pierre, car les archives de la commune n’ont pas conservé son état-civil.

Il naquit sans doute sous une heureuse étoile, car il avait résisté à toutes les tempêtes. La Révocation de l’Édit de Nantes, les dragonnades, la Guerre des Camisards suivie du « bruslement » de plus de 200 villages, les Révolutions, « la Grande » et les autres, l’avaient respecté. Témoin impassible des événements de notre histoire nationale qui tous ont eu leur répercussion sur la place du plus modeste village, il ne prend parti dans aucune querelle ; il écoute tous les secrets qui se disent à son ombre et il n’en livre aucun. Il atteint ainsi un développement extraordinaire et entame le IVe siècle de sa vie.

L’heure de la décrépitude vint enfin. Il y a quelques années, l’une de ses plus belles branches s’abattait sous le poids de la neige, laissant sur son flanc un trou béant. Cette blessure, que l’on ne fit rien pour cicatriser, devait hâter sa décomposition.

Le 14 juillet 1906 un incendie, dû à une cause inconnue, vint hâter l’œuvre du temps, trop lente au gré de quelques-uns. Il reverdit encore au printemps, mais ce devait être pour la dernière fois. On avait signé son arrêt de mort.

Au commencement de l’automne, une branche tombait encore, un jour de violent vent du nord.

Des mesures de consolidation s’imposaient. Dans le courant de l’été la municipalité avait fait maçonner l’intérieur du tronc. Le Comité départemental de protection des sites et monuments, institué par le Touring-Club, décidait, sur notre proposition, de faire émonder les branches branlantes et de l’entourer d’une grille en fer.

Le 1er janvier 1908, au crépuscule, des vandales sans pitié, au mépris de toute autorité, renversaient le vieux géant et s’en disputaient les débris.

Il ne reste plus debout qu’un morceau de ce tronc immense. (il ne mesurait pas moins de 11m55 de circonférence).

Dans la nuit du 2 au 3 janvier, une main criminelle l’arrosait de pétrole et la lueur sinistre
d’un bûcher éclairait tristement la place…

Tous ceux qui, parmi nous, ont conservé le culte du souvenir, déplorent cette fin tragique, et plus d’une larme de regret est venue mouiller nors paupières, en pensant que nous ne sentirions plus revivre, auprès de ce vénérable témoin des siècles passés, l’âme des ancêtres.

P.A.


5- orme Vébron photo P.Arnal en 1903

Ce texte est issu d’un numéro datant de 1908 de la revue Causses et Cévennes, parution trimestrielle du Club Cévenol. Son auteur, le pasteur Paul Arnal, en était d’ailleurs un des membres fondateurs. Il officia à Vébron de 1896 à 1910.
L’acharnement à la destruction de ce vénérable ancêtre questionne.
Quel but poursuivait ces vandales ? Était-ce seulement de la bêtise ? Ou bien cela cachait-il quelque conflit de politique locale ?

En ce qui concerne la date supposée de sa plantation,1589 marque l’année de l’accession au trône de France de Henri IV (son sacre aura lieu seulement 5 ans plus tard). Peut-être, au fil du temps, a-t-on fait l’amalgame avec les préconisations de Sully, ministre de ce même roi, au sujet de la plantation d’arbres au centre des villes et villages de France, quelques années plus tard. Que sont 10 ans quand un arbre atteint l’âge époustouflant de 4 siècles !

Son benjamin, planté en 1789, et que l’on aperçoit sur plusieurs photos de la place (dont celle ci-contre prise autour de 1920), n’aura même pas atteint les 200 ans.
De nos jours le monument aux morts du village a remplacé l’orme séculaire.
Et la petite place est ombragée par des marronniers de belle taille, dont le plus
gros titrait 4,22m de circonférence pour plus de 22 m de hauteur, selon les mesures indiquées par J.P. Lafont et J.F. Salles dans le fascicule sur les arbres remarquables de
Lozère, paru en 2003.

Les marronniers de Vébron – été 2021

Quelques cartes postales et photos anciennes où figure l’orme vénérable.

Ces documents sont issus des sites Delcampe.net et Vebroncpa.fr.
Les clichés photographiques d’époque sont du pasteur Paul Arnal et proviennent de la collection du Musée des vallées cévenoles – Maison Rouge situé à St Jean du Gard.

 

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« Li Béni Hesse » de Bonnerue, Houffalize, Belgique

Nouvelle contribution de Renaud avec un arbre sacré.
Le long d’un chemin de campagne quittant Bonnerue vers le Sud, impossible de rater « Li Béni Hesse » (« le hêtre béni » en wallon), le plus gros hêtre de Belgique.
Mais avant d’aller plus loin, une précision s’impose: Bonnerue a fait partie de l’ancienne commune de Mabompré, localité connue pour un autre hêtre encore plus gros: « Li crawé Hesse » (« le hêtre tordu » en wallon, parfois mal traduit en « le hêtre isolé ») qui atteignait 8m33 en 1977. Depuis sa mort (peut-être dans les années 1990), le titre de plus gros hêtre de Belgique est donc passé de celui de Mabompré à celui de Bonnerue… soit seulement un peu moins de 4km (d’où un fameux risque de confusion entre les deux arbres).

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Le Frêne de Napoléon (Île-d’Aix, Charente-maritime)

Pour rester dans l’actualité du moment, la sortie du film « Napoléon », on pourrait être tenté de ressortir l’un des nombreux articles arboricoles concernant l’Empereur. Ils sont légion et garantissent toujours le buzz auprès des lecteurs tant le mythe napoléonien reste fort.
Il faut reconnaître qu’à l’instar de Joséphine, présente tout au long de la vie de Napoléon, les arbres ont aussi été associés à chaque épisode glorieux ou tragique de la vie de l’Empereur : les platanes plantés au bord des routes pour faire de l’ombrage aux troupes partant conquérir l’Europe, les nombreux arbres plantés à la naissance de l’Aiglon, la forêt en forme d‘Aigle impérial de la montagne du Grand Serre apparue mystérieusement lors de son retour d’exil, la vénération pour les saules pleureurs entourant la tombe de l’Empereur…
Mais l’arbre que je vais vous présenter, à l’allure à peine vénérable, tient une place bien à part dans le mythe napoléonien.

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Chêne de Rahier, Stoumont, Belgique

Suite des balades arboricoles belges de Renaud.
Situé au sein du paysage vallonné des vallées de la Lienne et de l’Amblève, Rahier est un village à la configuration particulière: le centre politique et religieuse de cette ancienne seigneurerie est en effet en séparé de la route principale, ce qui met en valeur l’ensemble formé par les restes du château, l’église Saint-Paul et son chêne pédonculé.

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Tilleul Des Floxhes, Vien (Province de Liège, Belgique)

Retrouvons un nouveau reportage de Renaud!
 
Élément majeur du petit hameau isolé Des Floxhes (rattaché au village Vien), le tilleul qui se dresse sur la petite place triangulaire figure dans tous les guides touristiques de la région. Deux raisons le rendent particulièrement populaire: la présence d’une borne de 1768 à côté et les nombreux clous dans son tronc. Examinons ces deux éléments:

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