Le temps est maussade, idéal pour écouter la radio bien au chaud au coin du feu!
Jean-Noël Jeanneney chroniqueur sur France Culture, interview Alain Corbin au sujet de son livre La douceur de l’ombre (03/04/2013, Fayard).
Je me réjouis ce matin de voir Alain Corbin en face de moi, Alain Corbin qui est le maître reconnu de l’histoire des sensibilités et qui a ouvert à la curiosité bien des pistes nouvelles selon bon nombre d’intuitions fécondes. Voici à présent qu’il s’attache dans un livre tout neuf à l’imaginaire des arbres, dans la crainte que cet imaginaire se perde, et dans la conviction qu’il mérite en notre siècle de fer et d’industries brutales d’être restitué avec tendresse. Sur les souffrances des arbres bien des évènements récents ont attiré l’attention collective. Les évènements naturels comme l’effroyable tempête de 1999, qui en a jonché nos paysages, nos parcs et nos jardins, ou bien encore, plus récemment, le cyclone Dean de 2007, qui a martyrisé les forêts martiniquaises. Des ravages dus aux hommes, telle la déforestation à l’œuvre au Brésil ou en Indonésie, sous l’effet de la quête dévergondée de bois exotiques ou d’une extension irréfléchie des terres agricoles.
Sans compter, ici ou là, des violences symboliques, telle la menace accablant le marronnier d’Anne Franck, que la municipalité d’Amsterdam projetait d’abattre en 2007, et que les riverains se sont acharnés à préserver pour sauvegarder la mémoire de la jeune fille assassinée. La sensibilité des humains devant les arbres, telle que l’ont exprimé les artistes, les peintres, les écrivains depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, méritait bien qu’Alain Corbin s’y attache, et que nos auditeurs y prêtent, une heure durant, attention. Jean-Noël Jeanneney