Les douglas du viaduc des Farges (Meymac, Corrèze) sont-ils toujours dans la course ?

Dans la course au titre prestigieux du « Plus Haut Arbre de France », le PHAF, les douglas des Farges sont de très sérieux concurrents. Ils sont même la fierté du Limousin et de toute la partie ouest du Massif-Central. Ce peuplement est bien connu des forestiers et son caractère remarquable a été identifié dès les années 80. A cette période, les douglas du Viaduc des Farges avaient la réputation d’être les plus grands de France.
Mais d’autres candidats sur le versant Est du Massif-Central se sont révélés également particulièrement talentueux ces dernières années.

Les plus hauts douglas de France sont-ils toujours à Meymac ?


Petit résumé des épisodes précédents « A la recherche du PHAF » :

C’est au début des années 2000 que des rumeurs sur des hauteurs hallucinantes commencent à circuler. Les sapins présidents des Vosges et du Jura culminant à 50m de hauteur n’impressionnent plus les forestiers. De nouveaux challengers ont pris le relais. Tous les regards se portent désormais sur les résineux nord américains introduits dans les années 1880 sur notre territoire. En 2010, la barre mythique des 60m est officiellement franchie avec les deux géants de la Foux dans l’Aigoual : deux Abies Grandis mesurés entre 62 et 63m (difficulté depuis le sol d’obtenir une mesure précise). Malheureusement, ils ne se remettront pas de la sécheresse de 2003 et seront abattus pour des raisons de sécurité en juin 2013. En décembre 2010, l’ONF annonce qu’un douglas situé au barrage du Chartrain à Renaison (Loire) a été mesuré à 64m et prend le titre du PHAF. Cette mesure est confirmée en 2014 par l’équipe d’Enquête d’Arbres : le plus haut arbre de France culmine à 66,44m (mesure effectuée par grimpage). Dans le Beaujolais voisin, les sept douglas géants de Claveisolles (Rhône) pouvaient aussi légitiment prétendre au titre. Mais finalement leur hauteur flirte à peine avec les 55m (mars 2015). Du côté du Morvan, les deux douglas de Chantalouette à Gibles restent assez éloignés de la barre mythique des 60m avec respectivement 52m et 50,5m de hauteur (mai 2016). Dans le massif vosgien, le célébrissime Douglas de Ribeauvillé est suivi de longue date. Différentes mesures l’annonçaient depuis quelques années à plus de 60m. Une mesure récente effectuée par grimpage annonce une hauteur précise de 60,5m. Dernièrement, la surprise aurait pu venir aussi du Béarn lorsque Dominique nous a dévoilé ses géants. Mais pour le moment aucun douglas béarnais ne dépasse les 50m (un potentiel qui mériterait d’être mieux exploré) et la surprise vient surtout des espèces feuillues avec notamment des hauteurs voisines de 50m pour des platanes Palois.


Ce boisement, situé en forêt domaniale depuis les années 50, est issu d’une plantation réalisée en 1895. Il ne reste actuellement qu’une quinzaine de douglas d’origine alignés le long d’un chemin en contre-bas du viaduc des Farges. Ces arbres exceptionnels semblent être suivis régulièrement. Chacun porte un numéro d’identification marqué soigneusement à la peinture. On trouve également d’autres traces de peintures sur l’écorce indiquant des mesures régulières. Ces géants doivent très certainement faire l’objet de visites des étudiants de l’école forestière de Meymac située à peine à quelques kilomètres…
Les documents décrivant les dimensions remarquables de ces douglas sont nombreux. Ils ont même fait l’objet d’un article sur le blog du Krapo arboricole en 2009, mais les mesures de hauteur (56m) n’avaient pas été réactualisées depuis la fin des années 90.

J’ai eu la chance de découvrir ce peuplement en 1993 lors d’une tournée dans la région avec des collègues. Un passage éclair qui est resté gravé dans ma mémoire de tout jeune forestier. Nous avions sorti notre suunto et mesuré une hauteur de 52m… c’était la 1ère fois que je me trouvais au pied d’un arbre de plus de 50m de haut.
Je n’avais jamais eu l’occasion d’y repasser par la suite.
Alors 20 ans plus tard, en octobre 2015 c’est avec beaucoup d’émotion que je me retrouvais au pied de ces géants… mais aussi bien excité à l’idée de connaitre leur nouvelle performance.

Le boisement est très dense et les cimes se perdent si haut qu’il est très difficile de pouvoir réaliser des mesures précises depuis le sol. Il a fallu choisir ceux dont la flèche se dégageait le plus distinctement avant de sortir toute ma panoplie de dendromètres (suunto, vertex, télémètre).
Sur la dizaine de gros douglas alignés au bord du chemin, j’en ai retenu trois qui me semblaient sortir du lot et pour lesquels il était possible d’avoir suffisamment de recul pour apercevoir la cime.
Le  douglas numéroté 1 : circonférence en octobre 2015 à 1,30m = 4,07m.
Hauteur = 61,50m (valeur moyenne après plusieurs visées). Très bon état sanitaire.

Le  douglas numéroté 7 : circonférence en octobre 2015 à 1,30m = 4,17m.
Hauteur  = 61m (valeur moyenne après plusieurs visées). Très bon état sanitaire.

Le  douglas numéroté 8 : circonférence en octobre 2015 à 1,30m = 4,22m.
C’est le plus gros des douglas des Farges. En revanche, il n’a pas été possible de réaliser une mesure précise de sa hauteur. Elle semble très proche de celle de ses voisins (entre 57 et 62m). Très bon état sanitaire.

Même s’il n’était pas possible de les mesurer tous individuellement avec précision, il est très peu probable que l’un d’entre eux soit nettement plus grand que le douglas numéroté 1. La hauteur maximale semble se situer autour de 61 – 62m, ce qui reste inférieur d’environ 5m au douglas de Renaison (66,44m). On peut considérer que les douglas des Farges se trouvent dans des dimensions similaires à celui de Ribeauvillé.
Conclusion, le podium du PHAF est actuellement : Renaison suivi de Farges / Ribeauvillé quasi exæquo.
Pour le moment, le douglas est la seule espèce à dépasser les 60m de hauteur en France. Mais la croissance de ces résineux exotiques n’a pas atteint ses limites et il est fort probable que d’autres géants n’ont pas encore été découverts. De toute évidence, des arbres de plus de 60m seront de plus en plus fréquents dans les prochaines années.

La célébrité des douglas des Farges se retrouve même sur internet. C’est la seule douglasaie (ou douglaseraie) à posséder sa propre page sous Wikipédia !

Dernière news : en juin 2016, un grand panneau d’information élaboré par les élèves de l’école forestière de Meymac a été installé au pied des douglas. Cf. article paru dans le journal : ici. Je serais très intéressé de voir en détail les infos présentées sur ce panneau… j’espère ne pas devoir attendre encore 20 ans avant de retourner dans ce petit vallon corrézien !


Mise à jour du 1er avril 2017 :

Je remercie l’imprimeur Thomas GROS (Entreprise Gravure Stiers, Combressol 19) pour m’avoir fait suivre une copie du panneau du Viaduc des Farges réalisé en 2016 lors d’un projet commun entre l’école forestière de Meymac et l’ONF.
Et avec l’aimable autorisation de M. Paul Candaele (Directeur de l’Ecole de Meymac) et de M. Roch Chambon (agent ONF de la Forêt Domaniale des Farges), voici une vue générale du panneau et quelques zooms sur la partie historique de ce peuplement remarquable.

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16 réflexions sur « Les douglas du viaduc des Farges (Meymac, Corrèze) sont-ils toujours dans la course ? »

  1. Décidément les hauteurs records pleuvent! C’est un bel ensemble, qui ne demande qu’à prospérer, certains ont pris 9.50 m en 24 ans si je comprend bien, à savoir encore combien de temps ils peuvent continuer à ce rythme qui finalement n’est pas énorme non plus…

  2. En fait, je ne sais pas s’ils vont encore beaucoup « prospérer »… Il nous faudrait des mesures régulières plus précises, pour connaitre leur accroissement en hauteur (ma mesure de 1993 ne devait pas être très précise, il serait osé de s’en servir comme référence) et surtout pour savoir si ces douglas gardent leur rythme de croissance ou s’ils commencent à ralentir et s’approcher de leur hauteur limite (inconnue de nos jours en Europe).
    C’est donc une affaire à suivre dans les prochaines années 🙂 🙂 🙂

    J’avais oublié de préciser une info qui peut avoir son importance pour la conquête du titre du PHAF. Les douglas des Farges sont les plus jeunes des Géants. Ils ont été plantés en 1895. Ceeux de Renaison en 1892, ceux de Ribeauvillé en 1890 et ceux de Claveisolles, plantés en 1872, sont les plus anciens… et ceux dont la croissance semblent stagner depuis déjà quelques années.
    😉

    • Nous ne l’oublions pas, si tu regardes la liste des arbres, il y a quelques articles.
      Il y effectivement des spécimens fantastiques!

      Sympa ta vidéo, si tu veux rejoindre notre petit groupe avec quelques articles tu es le bienvenu!

  3. Du nouveau concernant les douglas béarnaise : le groupe des Forges d’Abel (Urdos) affiche désormais 5 individus de plus de 50 m ; successivement : 54,6 m, 54,4 m, 54 m, 53,2 m et 52 m.
    Quant aux platanes palois, un seul dépasse 50 m, avec 50,6 m.

    • Ce sont les plus grands douglas (connus) du Béarn ? Et quel âge ont-il ? Une différence d’âge de quelques dizaines d’années peut laisser espérer encore une belle croissance en hauteur…

      • Les douglas d’Urdos sont les plus hauts des Pyrénées Atlantiques et ont à peine 150 ans. Leur croissance est en effet vigoureuse et régulière, car ils ont pris 5 m en 10 ans. Ils se situent en fait à la limite des communes d’Urdos et de Borce, les plus hauts étant côté Urdos, en contrebas de l’entrée du tunnel du Somport, à 1100 m d’altitude. Le groupe compte 13 arbres de plus de 46 m.

        • Merci Dominique pour ces précisions 🙂
          C’est plutôt (très) rare des douglas de 150 ans en milieu forestier en France (plantation vers 1860). Dans les autres régions, les plus vieux bouquets de Douglas datent souvent de la fin du XIXème, vers 1880-1890.
          C’est intéressant à suivre pour savoir s’ils continueront à garder un bon rythme de croissance.
          🙂

          • Pardon pour cette info erronée, j’ai donné un âge de mémoire en confondant les douglas d’Urdos avec les sequoias de Laruns. Les douglas d’Urdos et Borce ont été plantés vers 1928.

          • Pas de soucis Dominique ça nous arrive à tous de se mélanger dans les dates 😉
            Dans ce cas, on peut espérer que dans une vingtaine d’années (âge équivalent à ceux des Farges) qu’ils viennent franchir la barre mythique des 60m… A suivre… au moins jusqu’en 2037 ! 😉

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