Les géants marocains de Montaugé (Saône-et-Loire) et Sabran (Gard)

Nous avons vu, dans les articles précédents, qu’au Maroc il est exceptionnel de trouver un cèdre dépassant 8m de circonférence dans son aire naturelle, sur les plateaux du Moyen Atlas : environ 8,40m pour le célèbre « Gouraud« , 8,55m pour le cèdre « P7311 » d’Aïn Leuh et près de 10m de tour pour les dernières découvertes d’AKTADES près de Kénifra.
Des dimensions gigantesques obtenues après 700 – 800 voire même 900 années d’une croissance lente dans des conditions difficiles.
Mais qu’en est-il de nos cèdres de l’Atlas introduits en France il y a à peine plus de 150 ans ?
Voici le cas de deux jeunes géants, l’un en Bourgogne et l’autre en Languedoc qui viennent déjà chatouiller les records de taille de leurs ancêtres.

A gauche : Le cèdre du Château de Montaugé
à St Léger-sous-Beuvray (71)

A droite : le cèdre du Mas de Grangeneuve
à Sabran (30)


Ces deux cèdres ont poussé en croissance libre et ont pu développer un houppier gigantesque. Ils ont un port champêtre. A la différence de leurs parents marocains, ils n’ont subi aucune concurrence forestière. Le géant bourguignon se trouve assez éloigné du château, en plein champ et à l’écart d’un petit bois. Le languedocien profite aussi d’une large place devant un vieux mas, face à un vignoble.
Les conditions climatiques sont également très différentes de celles rencontrées dans le Moyen-Atlas à près de 2000m d’altitude. Des conditions de croissance (sol et eau) qui s’avèrent bien plus favorables en France. Même le géant du Languedoc bénéficie d’une concentration exceptionnelle de sources à proximité.
Nos deux géants français présentent toutefois des formes différentes. Un tronc court et trapu pour le bourguignon et une ramification qui débute dès la base pour le méditerranéen.

Le cèdre du Château de Montaugé est une véritable forteresse à mesurer. Il est soigneusement entouré de plusieurs couches de barbelés pour le protéger d’éventuels dégâts causés par les chevaux dont il partage le champ. La mesure de sa circonférence n’a pas été une mince affaire et il vaut mieux s’assurer de la validité de son vaccin du tétanos avant de dérouler son décamètre entre les barbelés…
En novembre 2016, sa circonférence à 1,3m de hauteur est de 8,65m.
La mesure de la hauteur du colosse n’est pas évidente non plus à cause de la forme tabulaire de son houppier. En combinant le dendromètre suunto et le vertex, j’obtiens environ 31m (elle est annoncée à 33,40m en 2012 sur le site Arbres monumentaux).
Son état sanitaire est excellent, certainement grâce à cette protection efficace contre les terribles dégâts que peuvent causer les chevaux sur des arbres.
A noter également pour les visiteurs, la présence d’un châtaignier énorme effondré à proximité depuis plusieurs années et laissé au sol. On remarque d’ailleurs un petit déséquilibre dans le gigantesque houppier du cèdre, certainement dû à cet ancien voisin gênant.

Le cèdre gardois de Grangeneuve à Sabran est tout aussi exceptionnel. Sa forme en bouquet est magnifique et en fait un remarquable repère visuel dans cette plaine viticole. Il sert d’ailleurs de point de ralliement pour les pompiers lors des patrouilles de surveillance incendies.
En janvier 2017, sa circonférence mesurée à 1,3m du sol est de 10,43m. L’arbre s’élargit ensuite progressivement. Au plus étroit du tronc, à la base, son tour de taille est de 9,50m.
Tout comme le cèdre de Montaugé, la mesure de sa hauteur totale est délicate à cause de son large houppier. La taille du géant est moins exceptionnelle, elle avoisine les 27m et doit être mise en relation avec une profondeur de sol certainement plus faible qu’à Montaugé (mais compensée par une bonne alimentation en eau due à la présence de nombreuses sources).
Son état sanitaire est très bon. A signaler seulement l’élagage de quelques branches basses suite à un gros coup de vent survenu à l’automne 2016.
Le cèdre de Sabran est présenté dans le tome 1 des Arbres remarquables du Gard, Yves Maccagno.

Ces deux « jeunes » cèdres français nous montrent le potentiel exceptionnel de cette essence placée dans d’excellentes conditions de croissance. Leurs dimensions sont déjà équivalentes aux plus vieux cèdres rencontrés dans les montagnes du Maroc.
Mais il convient tout de même de faire attention à la confusion avec son proche cousin, le cèdre du Liban. La distinction entre les deux espèces n’est pas du tout évidente et d’un point de vue botanique, elles sont en fait très proches. Pourtant en France, les cèdres du Liban sont souvent plus volumineux que ceux de l’Atlas, non pas parce qu’ils poussent plus vite mais tout simplement parce qu’ils sont souvent plus vieux. En effet, l’introduction du cèdre du Liban sur notre territoire est plus ancienne. Certains ont plus de 200 ans (jusqu’à 250 ans pour les plus vieux) alors qu’il est très rare de trouver en France, des cèdres de l’Atlas âgés de plus de 150 ans.

Au-delà de nos frontières, mais toujours en Europe, d’autres cèdres de l’Atlas atteignent des dimensions exceptionnelles. Le record est certainement détenu par « Le Dinosaure« , un cèdre italien dans la région des grands lacs affichant presque 12m de circonférence. Il est actuellement le plus gros cèdre de l’Atlas connu au monde… et pourtant, si jeune et si loin des hauts plateaux marocains !

 

Share Button

3 réflexions sur « Les géants marocains de Montaugé (Saône-et-Loire) et Sabran (Gard) »

  1. Attention, il ne faut pas me le dire 2 fois, je serais bien capable de m’y rendre immédiatement pour rencontrer une telle merveille de la nature, lol !

    PS : désolé pour les puristes mais je n’ai pas osé remplacer le mot « Languedoc » par celui officiel d’ « Occitanie ». Le changement est pour moi trop brutal, le cèdre de Sabran reste dans mon cœur languedocien avant d’être occitan… 😉

  2. De superbes arbres, presque jumeaux, avec de belles performances de croissance, même si celles-ci sont à relativiser du fait de leur enfourchement bas.
    Je me demande combien de décennies cette croissance phénoménale peut encore durer, j’envie ceux qui pourront apprécier ces arbres dans un siècle!!

Répondre à Yannick M. Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.