Le Sophora des poètes biterrois, Béziers (Hérault)

« Amis de la poésie, bonsoir ! »
Je vous propose une petite balade sous le soleil du midi, dans un parc où les arbres remarquables côtoient d’illustres poètes locaux. Original, non ?
Allez soyons honnêtes, j’ignorais totalement l’existence de cette pléiade de poètes régionaux avant ma visite à Béziers au printemps dernier.
Au delà de l’aspect culturel, le site est très plaisant quelque soit la saison et la présence de beaux ligneux devrait ravir les amateurs d’arbres remarquables.
Voilà de quoi redonner un peu de prestige à cette ville trop souvent boudée par les touristes et dont les médias se plaisent à faire du buzz sur les élucubrations de son Maire… « pittoresque ».

La pièce centrale du Plateau des poètes est la monumentale Fontaine du Titan, l’œuvre d’art d’un sculpteur biterrois, Jean-Antoine Injalbert.
Mais pour revenir au sujet qui nous réunit sur ce blog, la pièce maitresse du Plateau sera sans aucun doute ce Sophora du Japon aux proportions incroyables : 4,52m de circonférence à 1,3m du sol en mai 2017. Son tronc se sépare rapidement en deux grosses fourches dès 1,80m de haut. Cette ramification basse est assez caractéristique de l’espèce. Son allure ressemble d’ailleurs étrangement à celui du Square Verdrel de Rouen présenté par Damien.
La date de plantation n’est pas connue précisément mais doit se situer aux environs de la création du parc vers 1867, soit 120 ans après l’introduction de l’espèce en France (le célèbre Sophora de Jussieu à Paris est pourtant plus maigre d’1m de tour de taille que celui des Poètes biterrois).

Pour mieux apprécier toute la richesse du Plateau des poètes, revenons un instant sur l’histoire du site.
A l’origine, les biterrois venaient se recueillir auprès d’un sanctuaire dédié aux divinités locales sur un petit tertre rocailleux et couverts d’épineux.
Au milieu du XIXème siècle, la municipalité lance un grand projet d’urbanisme pour transformer le site en un « monument de verdure » comme prolongement des majestueuses Allées Paul Riquet (600m d’une double allée de platanes centenaires) traversant la ville.
Les travaux ont débuté en 1863 et sont confiés aux frères Bülher qui venaient de s’illustrer dans la création du Parc de la Tête d’Or à Lyon.
Sur 5 hectares, cette garrigue rocailleuse sera transformée en un somptueux jardin à l’anglaise inaugurée en 1867 et agrémenté d’œuvres d’art.
L’endroit était déjà propice à la méditation poétique, il était donc tout naturel que l’on y place les statues et bustes des illustres poètes de la ville réalisés par des artistes sculpteurs locaux de grandes renommées.
Le choix des espèces végétales a été murement réfléchi et fait de ce parc d’agrément un véritable arboretum… comme une réponse au célèbre jardin des plantes de sa rivale Montpellier. On appréciera notamment le bel effort d’étiquetage permettant d’identifier ces plantes exotiques et complété par un plan détaillé de l’inventaire de tous les arbres affiché  à l’une des entrées du parc (cf. photo ci-dessous).

Le Cyprès de l’Arizona est facilement reconnaissable à sa couleur bleutée, un soulagement pour tous ceux qui ont tenté de se lancer dans le casse-tête de la détermination des Cupressacées. Peu utilisé dans les reboisements méditerranéens, il est en revanche très apprécié comme arbre d’ornement dans tous les parcs et jardins du pourtour méditerranéen et même bien au-delà (à noter qu’à Grenoble, l’espèce a largement été plantée et s’affiche dans de belles dimensions).
L’espèce est pourtant très rarement mentionnée dans les inventaires des arbres remarquables. Il est absent de la Base de données d’Arbres monumentaux et de la carte des arbres remarquables de France de Tristan. Seul Yves Maccagno le mentionne dans son inventaire des arbres du Gard (Tome 2). Celui du Plateau des poètes mériterait à ce titre d’être retenu dans un inventaire des arbres de l’Hérault, avec une circonférence à 1,3m de 3,12m. Sa hauteur totale peut être estimée à 25m.
Son état sanitaire est excellent malgré la présence d’une baïonnette à 1,5m du tronc.

Le Zelkova se trouve à plusieurs endroits du parc.
Un joli pied isolé, d’une circonférence de 3,04m, pousse à flanc de colline. Sa silhouette caractéristique avec son port fastigié le rend reconnaissable aisément à distance. Ses dimensions ne sont pas exceptionnelles pour l’espèce, dont certains dépassent les 5m de circonférence sur notre territoire. Il semble avoir quelques problèmes de santé avec une descente de cime bien marquée sur une bonne partie du houppier. Les périodes de sécheresse successives ne doivent pas être étranger à son état sanitaire.
Le Zelkova est bien représenté dans les parcs méditerranéens, en revanche il est moins fréquent de le rencontrer sous la forme d’un alignement comme c’est le cas au sommet du Plateau. Leurs tours de taille oscillent entre 2,5m et 3m.  Leur santé semble également fragilisé et mériterait d’être surveillé (autrement que par la présence de ce vigile à leur pied qui trouvait mon comportement suspect autour des arbres 😉 ).

Un Pterocarya très vigoureux, au tronc bien individualisé (ce qui est plutôt rare pour cette essence qui a la fâcheuse habitude de pousser de façon anarchique et débordante), offre une ombre bien appréciée dans cet écrin de verdure. Sa circonférence prise à 1,3m du sol est de 3,68m.

Beaucoup moins fréquent dans nos inventaires des arbres remarques, un splendide Sureau noir mérite aussi d’être relevé. L’arbuste part en multi-troncs et semble avoir subi plusieurs tailles par le passé. La tige principale mesure 1,02m de circonférence à 1,3m du sol. Ce n’est pas un record pour cette espèce dont certains peuvent être deux fois plus gros, comme ce spécimen italien.

A noter aussi ce Laurier noble magistrale dépassant les 15m de hauteur et dont la tige la plus grosse atteint 1,45m de circonférence à 1,3m du sol. Il semble être issu de rejets d’une ancienne souche démesurée. Encore une fois, c’est chez nos voisins transalpins que l’on trouve des lauriers vraiment exceptionnels comme celui-ci poussant sur les bords du Lac de Côme atteignant près de 3m de circonférence !

D’autres espèces restent à découvrir en parcourant ce parc très agréable, tel le micocoulier, le cyprès chauve, le robinier…

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9 réflexions sur « Le Sophora des poètes biterrois, Béziers (Hérault) »

  1. Même masqué il t’a repéré le vigile, devait avoir peur que tu transformes les Zelkovas en cure-dents 😉
    Sans rire belle visite (matinale pour moi) de ce parc biterrois.
    Espérons que tous ces écrins de verdure méditerranéens ne souffrent pas trop du changement climatique (vœu pieux)…

  2. Oui, le vigile de la 2nde photo des zelkovas, m’avait repéré et surveillait discrètement mon comportement inhabituel et donc suspect autour des arbres du parc. Il a du se demander ce que je pouvais bien trafiquer derrière ses arbres, lol !!!

  3. Chouette reportage, comme d’habitude.
    Effectivement Cyprès d’Arizona rarement mentionné: sur les 6652 données collectées actuellement je n’ai trouvé qu’un seul signalement!
    Je n’en compte que 19 dans mon propre inventaire Haut-Savoyard, et aucun de vraiment remarquable (max circonf 2,28 m / h: 25 m).

  4. Salut Tristan,

    ça fait plaisir de te voir de passage sur le blog 🙂 🙂 🙂

    Effectivement c’est surprenant que cette espèce, assez fréquente dans nos parcs et jardins du sud-est, ne ressortent pas dans les inventaires.
    Du côté de Grenoble où l’espèce est assez fréquente, on en observe aux environs de 2 – 2,5m (grand maxi) de circonférence, donc dans le même ordre de taille que ceux que tu mentionnes dans ton Chablais.
    Pour le moment le plus gros que j’ai enregistré dans ma base se trouve dans l’Arboretum des Barres (Loiret) avec une circonférence de 3,35m pour une hauteur de 23m.
    Yves Maccagno en mentionne également dans son inventaire dans le Gard au-delà de 3m de circonf’.

    • Au début je me suis demandé si cette rareté des individus remarquables pouvait être dûe à leur jeunesse, sachant que l’espèce ne se serait répandue en Europe qu’à partir de 1890 (1882 en Angleterre). Toutefois l’existence d’arbres de 3m de tour ou plus me laisse perplexe: pourquoi un tel Gap statistique à partir de ~2,50m? En même temps ce vide n’est peut-être qu’apparent, dû à la rareté des données disponibles?

      J’ai jeté un œil aux inventaires Européens. Peu de données là aussi. Max 3,60 m en Italie (Villa Doria Panphili à Rome), puis 3,45 m en Espagne (Madrid). Concernant la Hauteur il existerait un individu de 34 m de haut en Suisse (Montreux).
      Dans l’absolu le record semble être détenu par un arbre Américain, of course: ~6,20 m (Coronado National Forest).

      • Je ne savais pas que ce cyprès avait été introduit si tardivement en Europe, ça peut expliquer ces dimensions en moyenne un peu faible, ils sont encore trop jeunes 🙂
        Un tel écart entre un maxi qui semble se situer dans les 2,5m et qq individus à près de 3,5m de circonférence est peut-être dû à la mesure d’arbres présentant des gros défauts de forme modifiant significativement la forme du tronc. On a souvent le cas dans les inventaires de valeurs qui semblent hallucinantes et qui correspondent en fait à des doubles pieds, des fourches basses ou des troncs entrain d’éclater… rien ne vaut une petite photo d’accompagnement pour expliquer certaines mesures 😉

    • Ouaip ça commence à être sympatoch ^^
      Mais quel boulot! Je me demande si j’ai bien fait de me lancer dans cette galère.
      Pour l’instant j’en suis encore au stade des réparations (données écrasées par Gougueule), c’est interminable!
      Ensuite il me reste en stock une 20aine d’inventaires locaux à intégrer, sans compter tes mises à jours, celles des têtards, d’AM, etc… et sans oublier les nombreux ouvrages traitant du sujet (mais là pas le budget pour l’instant)…

      • Un travail sans fin… toujours de nouvelles découvertes, puis actualiser les mesures avec l’accroissement des arbres, enregistrer les arbres disparus…
        Je suis toujours admiratif par le travail que tu réalises et j’espère que tu pourras bien le valoriser par une diffusion à la hauteur de cette véritable mine d’or.
        🙂 🙂 🙂

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