Le Jardin Godron, la perle de Nancy !

Pour ne pas rester sur un sentiment de tristesse suite à l’annonce du dépérissement du gros Hêtre pourpre du Parc de la Pépinière, enchainons immédiatement sur un merveilleux petit écrin de verdure situé en plein cœur du centre de Nancy :
Le Jardin Dominique-Alexandre Godron.

A l’inverse du grand poumon vert du parc de la Pep’, ce jardin minuscule est un concentré de petites merveilles. Il cumule d’ailleurs les labels les plus prestigieux : « Jardin remarquable » en 2010 et « Ensemble arboré remarquable » en 2014.
Sa visite est incontournable pour tous les passionnés de végétaux !

Egalement connu sous le nom de Jardin Botanique Ste Catherine, c’est le plus ancien jardin de la ville de Nancy (1758). Mais ce n’est que cent ans plus tard, au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, qu’il prend son apparence actuelle sous l’impulsion du botaniste Dominique-Alexandre Godron.
Dans les années 80, l’essentiel des collections botaniques sont déplacées au Jardin du Montet (rebaptisé Jardin Jean-Marie Pelt)… mais pour notre plus grand bonheur, les vieux ligneux restent toujours bien enracinés dans ce petit jardin !
On y dénombre une soixantaine d’arbres et arbustes dont une poignée mérite la glorieuse étiquette « Arbre remarquable ».
A mes yeux, la vedette arboricole du jardin est ce « monumental » Cornouiller mâle :
Je ne suis pas habitué à rencontrer des cornouillers aussi imposants. Ils sont d’ailleurs rarement relevés dans les différents inventaires départementaux et même totalement absents de nos blogs arboricoles. Dans ce contexte, il est bien délicat de juger de son caractère de remarquabilité. Cependant, la célèbre base de données Arbres monumentaux en mentionnent quelques uns et je constate avec surprise que celui du jardin Godron est déjà inventorié depuis 2012 par notre « Krapo-Têtard Reporter » Sisley !
Ce beau cornouiller nancéen présente un tronc bien individualisé (aidé par un ancien élagage) permettant une mesure fiable de sa circonférence. En juillet 2017, son tour de taille est de 1,79m à une hauteur de presque 1,3m du sol. Son tronc est joliment bosselé et sa fine écorce présente de discrets reflets ocres. Son port est globulaire, les jardiniers ont pris soin de limiter les voisins trop envahissants à ses côtés. Sa hauteur est faible, environ 8m et correspond bien à son port arbustif naturel et à sa croissance libre. Son état sanitaire semble excellent. Malheureusement, je n’ai trouvé aucune information sur sa date de plantation. Mais il suffit de se baser sur la mesure de Sisley en 2012 (circonférence 1,77m), pour s’apercevoir que sa croissance est extrêmement lente. Ce cornouiller pourrait-il être centenaire ? D’après Wikipédia, le Cornouiller mâle (à ne pas confondre avec le Cornouiller sanguin) est très longévif. Je suis étonné d’apprendre également que son bois présente des qualités de dureté exceptionnelles… et surtout qu’il est très recherché par les artisans ! Est-ce la raison de la présence si rare de « gros » cornouillers dans nos forêts françaises du centre et de l’est ?
Note : selon la légende, le Cheval de Troie aurait été construit en bois de cornouiller. Imaginez la quantité de cornouillers nécessaire à sa réalisation !!! Notre monumental cornouiller nancéen aurait à peine pu servir à fabriquer une seule oreille 🙂

Poursuivons dans les espèces peu courantes, avec un splendide Ailante… glanduleux (c’est son vrai nom 😉 ). Une espèce asiatique considérée chez nous comme très envahissante à cause de sa facilité à drageonner et souvent rangée dans la catégorie des pestes végétales… Bref, une mal aimée qui a rarement l’occasion de s’afficher à nos yeux dans dimensions respectables. J’apprécie de la trouver épargnée et bien mise en valeur dans ce petit jardin (elle est présente aussi dans de belles dimensions dans le parc de la Pépinière de Nancy, circ 3,22m).
Ce pied bien individualisé (l’ailante drageonne plutôt en réaction à son abattage) dévoile une base du pied en forme de bouteille assez caractéristique chez les vieux sujets (pour ceux qui ont échappé au génocide de l’ailante). Sa circonférence mesurée à 1,3m du sol en juillet 2017 est de 3,61m et de 3,62m à 1,5m de haut. L’ailante est réputé pour sa croissance fulgurante en hauteur. Il semble toutefois avoir atteint sa limite dans cette terre nancéenne avec une cime mesurée à 31m de haut.
En revanche, l’espèce n’est pas réputée très longévive, ce qui limite forcément les records potentiels de tours de taille. En se basant sur l’ancienne mesure de Sisley en 2010, on s’aperçoit que son accroissement reste soutenu : près de 4 cm/an sur la circonférence… Mais vivra-t-il assez longtemps pour atteindre 4 ou 5m de tour ? Et quelles sont les dimensions maximales potentielles de l’ailante ? Le site Arbres monumentaux (encore eux !) nous dévoile pour le moment un maximum de 5,50m de circonférence pour un ailante autrichien âgé de 150 ans.

Changeons de carré de pelouse, pour nous intéresser cette fois-ci à une espèce bien plus fréquente qui mérite aussi toute notre attention et notre admiration. Un imposant Noyer noir d’Amérique qui affiche une circonférence de presque 4m (3,94m précisément a 1,3m en juillet 2017). La mesure de Sisley en 2012 permet de calculer son accroissement : 2,8 cm/an sur la circonférence, une valeur plutôt faible ce qui signifie que l’arbre doit être assez âgé pour avoir atteint un tel tour de taille. Sa hauteur totale a été mesurée au dendromètre Suunto à 32m. Son état sanitaire semble excellent.

Un dernier petit clin d’œil avant de quitter le Jardin Godron avec cette belle association amicale entre un lierre et un if. Les dimensions n’ont rien d’exceptionnelles (circonférence de 0,60m à 1,3m de haut pour le lierre) mais il est amusant de voir les deux espèces se mêler aussi gracieusement.

Pour compléter l’article vous trouverez d’autres photos et d’autres arbres du Jardin Godron mis en ligne par Sisley sur le site Arbres monumentaux.
Et pour ne pas rater la visite du plus joli jardin de Nancy, ci-joint ses horaires d’ouverture au public.

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8 réflexions sur « Le Jardin Godron, la perle de Nancy ! »

  1. Je ne manquerai pas de passer y faire un tour quand l’occasion de présentera.

    Effectivement comme pour les noisetiers les cornouillers échappent parfois aux inventaires! J’en ai un bel ensemble de 10 têtards dans la Meuse mais moins gros.

    Sinon pour les noyers noir, je pense qu’il y a facilement bien plus gros. Toujours dans la Meuse, j’ai un spécimen de 4.20m.
    En Bretagne, nous avions deux spécimens en bouquet de 5.30 m et 4.70 m, malheureusement tombés à quelques mois d’intervalle.
    Il y a aussi ce spécimen (5m de tour, 26 m d’envergure srce internet) du parc Debreuil à Melun dans le 77, vu lors d’une formation haubanage organisé par le CAUE77.

    A ce sujet, ce CAUE, grâce à A. Bornadot, organise régulièrement des formations et produit différents documents pour la gestion des arbres.
    http://www.arbres-caue77.org/

    • Un ensemble de cornouillers têtards, c’est vraiment original, ça fera surement parti des pépites de ton ouvrage sur les arbres de la Meuse. 🙂

      Effectivement, je me suis un peu trop enthousiasmé devant le noyer noir du Jardin Godron… Cet exemplaire de 5m de tour en Seine et Marne est vraiment magnifique ! Et dans l’inventaire des arbres du Gard, Yves Maccagno signale un noyer noir de 4,80m de tour de taille sur la commune de Bellegarde (sur un domaine privé non accessible semble-t-il). Celui du Jardin Godron reste malgré tout un bel arbre remarquable mais ne peut pas prendre le qualificatif de « colosse ». J’ai modifié l’article en conséquence.
      🙂 🙂 🙂

  2. Godron est très chouette et très « dense » aussi. On peu citer également un rare et magnifique Liquidambar orientalis, un Tilia argentea ‘Petiolaris’ et un exceptionnel Ginkgo biloba pleureur évoqué par G. Krüssmann dans son ouvrage de référence sur les conifères, excusez du peu !
    Pour le Juglans nigra, il y a un bel exemplaire de 4,40 m de tour devant le Palais Universitaire à Strasbourg.

    • J’ai loupé ce Ginkgo pleureur… Je l’avais repéré d’un peu trop loin et il m’avait semblé trop maigre en tour de taille pour le relever, mais je n’avais pas remarqué son port particulier. Bref, je n’ai pas le choix que de retourner à Nancy pour rendre visite à cet étrange ginkgo ! 😉 En existe-t-il d’autres en France dans cette forme « pleureur » ?
      Le Liquidambar orientalis n’est pas fréquent, mais on le retrouve aussi dans de très belles dimensions dans le Parc Lecoq à Clermont-Ferrand et dans le Jardin des plantes de Montpellier.

      Je note dans ma longue liste des « arbres à voir » ce noyer strasbourgeois, je ne suis pas encore allé vadrouiller du côté de l’Alsace…

      Merci pour toutes ces informations !
      🙂 🙂 🙂

  3. Oui en effet, c’est un très beau jardin. En plus des ligneux remarquables, on peut apprécier la visite de cet endroit assez intimiste en flânant entre les beaux parterres de vivaces et annuels bordés de buis taillés.
    Le jardin du Montet est bien plus vaste et malgré sa ‘jeunesse’ on peut y trouver des exemplaires dignes d’intérêt avec des collections ligneuses diverses et variées.
    Et pour ceux qui passeraient dans le centre de Nancy, n’oubliez pas le jardin du palais du Gouverneur, de la citadelle, du parc de St-Marie et du parc d’Orly.

    https://www.monumentaltrees.com/fr/fra/meurtheetmoselle/nancy/

    – – –
    Le noyer noir de Sablonceaux reste mon coup de coeur !

  4. Intéressant, cette présence du Liquidambar orientalis à Clermont Ferrand !
    Pour le jardin du Gouverneur à Nancy, j’ai eu l’occasion d’y pénétrer à l’automne en compagnie d’un groupe de la DDG (Deutsche Dendrologische Gesellschaft) guidé par un collègue du service des espaces verts. Il nous a précisé que le jardin est pour le moment fermé au public car il va être rénové dans les mois à venir.
    Frédéric

      • Lors de mon passage en juillet dernier, j’avais bien l’intention de visiter aussi le jardin du Gouverneur, mais effectivement il est fermé au public depuis déjà 2 ans(parait-il) et pour combien de temps… ?

        Pour le Copalme d’orient :
        Jardin des plantes de Montpellier :
        juin 2015 : circ130 = 3,57m – hauteur 24m
        43,61446°N 3,87235°E

        Jardin lecoq à Clermont-Ferrant :
        avril 2016 : circ130 = 3,00m – hauteur 17m
        45,77209°N 3,08953°E

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