Hérault : le dernier Arbre de Sully à bout de souffle…

Dans le sud de la France, l’orme a été préféré au tilleul pour symboliser les Arbres de Sully, plantés massivement dans nos villages sur ordre d’Henri IV.
Mais de nos jours, force est de constater que bien peu de villages français ont la chance d’avoir pu conserver un monument végétal vieux de 400 ans près de leur église… D’autant plus que la maladie de la graphiose a accéléré la disparition des derniers vieux ormes depuis les années 70.
A tel point qu’à la fin du XXème siècle, il ne restait plus que trois Ormes de Sully dans le département de l’Hérault :
– L’un à Poilhes près de Béziers, disparu tristement en 2010 dans l’indifférence la plus totale 🙁
– L’un au Caylar au bord du plateau du Larzac (son attribution à l’époque de Sully n’est pas officiellement avérée), disparu en 1987 et qui connait une seconde vie sous la forme d’un totem joliment sculpté par un artiste local (Michel Chevray) – article sur le blog à venir
– Et celui du petit hameau de La Clastre à St Maurice Navacelles… dernier survivant… mais pour encore combien de temps ?

En parcourant ces routes désertiques du Causse au volant de ma « Castor-mobile », j’ai un sentiment étrange, 1000 questions tournent dans ma tête face à ce paysage lunaire, tellement minéral… J’ai dû mal à imaginer partir à la rencontre d’un Orme exceptionnel, multiséculaire et dernier rescapé de nos villages Héraultais…
Et le doute s’accentue un peu plus en quittant la route départementale en direction du minuscule hameau de La Clastre…
Comment est-il possible de trouver ici l’un des derniers Arbres de Sully du sud de la France ?
Les raisons sont pourtant simples, presque évidentes, à condition de se mettre dans un autre contexte, à une époque pas si lointaine où la vie sur le causse et dans ses villages était bien plus active qu’aujourd’hui.
En effet, le hameau de La Clastre tenait un rôle important pour ces caussenards du bout du monde. En langue occitane, « Clastro » signifie le « presbytère ou la maison curiale », une maison près d’une église pour loger les prêtres. Avec sa chapelle, son petit cimetière et son calvaire, on comprend mieux la position de cet orme. Elle correspond parfaitement aux recommandations de Sully qui souhaitait qu’un arbre soit planté à proximité des principaux lieux de vie du village pour favoriser le rassemblement de la population et discuter des affaires municipales. Et l’aménagement du petit muret invite aussi les villageois à prendre place sous son houppier pour entamer des discussions.
Puis le temps a passé… les villages du causse se sont vidés et plus personne ne vient s’assoir au pied du vieil orme… ou si peu… Les derniers visiteurs sont peut-être ces randonneurs hagards à la recherche d’un peu d’ombre par une journée torride du mois d’aout. Même les automobilistes égarés s’empressent de rejoindre la direction du Cirque de Navacelles lorsqu’ils aperçoivent le panneau placé à son pied (cf photo)… Quelle ironie du sort ! En guise de panneau qui devrait signaler la présence de cet arbre exceptionnel, la municipalité a choisit d’indiquer la direction du Cirque de Navacelles, classé « Grand Site de France »… Est-ce une mesure délibérée pour éclipser ce « Grand Arbre historique de France » ? 🙁

Quel manque de respect ! Quelle frustration pour le Doyen du village, lui qui a été le témoin des 400 dernières années de la vie sur le causse !

Probablement affaibli par la maladie de la graphiose et son grand âge, son état de santé s’est fortement dégradé, en 2019 il ne reste qu’une « ruine d’Orme de Sully ». La moitié du tronc est arrachée mais il continue à s’accrocher à la vie et ses dernières branches reverdissent et fleurissent inexorablement à chaque nouveau printemps…
Je n’ai pas retrouvé sur le web de vieilles photos ou des cartes postales anciennes à l’époque où l’Orme de St Maurice avait encore toute sa vigueur. Sa stature devait être colossale puisque sa circonférence (mesurée à 1m du sol sous la plaie béante qui le défigure) est aujourd’hui de 7,10m… et honnêtement, il n’a pas du beaucoup grossir depuis le siècle dernier 😉

Alors chers lecteurs, Amoureux des beaux arbres, venez rendre hommage au dernier Sully de l’Hérault… avant qu’il ne devienne qu’une lointaine légende. Et n’ayez crainte de vous égarer, la municipalité a tout prévu ! Le grand panneau que vous avez sous le nez, celui qui vous a tant gêné pour prendre en photo le vieil Orme, vous remettra dans le droit chemin, celui du flot de touristes pressé de découvrir le Cirque de Navacelles… l’Autre merveille des grands causses !

Note 1 : Près de la chapelle, un vieux robinier mérite aussi d’être observé, ses dimensions en font actuellement le plus gros de son espèce actuellement recensé dans l’Hérault.

Note 2 : le vieil Orme n’a pas échappé non plus au célèbre chercheur d’arbres remarquables du Gard, Yves Maccagno, qui le signale dans son tome 4 au sujet des arbres remarquables limitrophes à son département de coeur.

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14 réflexions sur « Hérault : le dernier Arbre de Sully à bout de souffle… »

    • Je suis d’accord Guy qu’il vaut mieux parfois vivre et mourir caché en toute simplicité, mais ce n’est pas le destin d’un Sully ! Un Arbre de Sully a pour fonction d’unir les gens, faciliter les discussions et les palabres interminables sur la place du village… C’est un arbre qui doit faciliter les relations entre villageois, il doit remplir ce rôle social jusqu’à son dernier souffle et même au-delà en lui rendant hommage une fois disparu… notre pauvre Sully de St Maurice a perdu sa vocation… 🙁

    • oui c’est le destin de tous héraultais… de finir à « Poilhes » ! soit au Cap d’Agde, soit sur les Causses lol 😉

  1. Bonjour Castor,
    Un des plus gros ormes de France aussi peu mis en valeur ?! Quel dommage ! Il n’est peut être pas trop tard, il semble encore vigoureux pour l’instant au vu de son houppier encore assez fourni. Pourquoi pas un petit Label ? ; -)

    Sinon tu es resté mystérieux sur les mensurations du robinier a côté … : -)

    Merci pour ce partage !

    • Il est tout de même très très dégradé… difficile d’estimer combien de temps il continuera à reverdir à chaque printemps, mais les ormes n’ont pas une faculté de résilience aussi exceptionnelle que celle du tilleul ou du chataignier 🙁
      Il bénéficie d’un haubanage (assez rudimentaire) qui retient les dernières branches avant qu’elles ne s’effondrent.
      C’est sûr qu’il mériterait largement une labellisation par ARBRES, même si elle risque d’arriver à titre posthume…
      Pour son voisin le robinier, sa circonf de 3,20m environ, certes pas un record, mais est tout à fait honorable et mérite d’être signalée.
      🙂 🙂 🙂

  2. Je l’ai vu en août 1994. Un riverain expliquait sa résistance à la graphiose, au fait des promeneurs qui venaient uriner sur le tronc !

    • Avez-vous pris des photos à cette période (si lointaine avant l’ère des appareils photos numériques et des Smartphones 😉 ) ?
      Il était dans quel état 25 ans plus tôt ?

  3. Cette arbre est emblématique car son essence devient rare, bel hommage à Sully que de l’avoir baptisé ainsi.

    Cependant, malgré toutes les modifications génétiques et les nouveaux cultivars, : pour l’orme il n’y a toujours rien contre la graphiose ?…

    Si l’on s’éloigne un peu du sujet mais dans le même sens :
    Les ormes, tout comme les hêtres disparaissent peu à peu de nos forêts, de notre bocage. Pourtant si nombreux lors de l’époque de la » Gaulle chevelue »Le réchauffement climatique y serait-il pour quelque chose. La mortalité de jeunes arbres de ces essences(de 20 à 50 ans) est préoccupante.

  4. Il n’a certes plus sa grandeur passée, mais je l’aime bien ce vieillard, qui mériterait quelques égards… Dommage qu’il ne soit plus qu’une ruine de Sully abandonnée. D’ailleurs à propos de ruine abandonnée, ma ruine de peuplier Meusienne a fini sa carrière, il ne reste qu’un tronc mort mais plein de vie…

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