Le tilleul géant de Brieulles-sur-Bar, Ardennes

Le département des Ardennes est assez peu documenté du point de vue des arbres remarquables, c’est donc une zone de chasse qui m’intéresse tout particulièrement!

Une rapide prospection de l’Est du département m’avais permis de découvrir plusieurs tilleuls villageois d’intérêt non répertoriés à ma connaissance.

Le colossal tilleul à grande feuille (Tilia platyphyllos) de Brieulles-sur-Bar n’est toutefois pas un de ces anonymes. Il est cité dans plusieurs ouvrages et inventaires (ARBRES, Monnumental  Trees…), est représenté sur plusieurs cartes postales anciennes et est  parfois annoncé comme faisant partie de la grande famille des « Sully » (ou tout au moins planté sous Henri IV).

Le tilleul avec une troupe allemande durant la Première Guerre Mondiale-Collection Guy Bernard

La circonférence actuelle de son tronc de 9.90 m environ a 1.30 m ne vient pas en contradiction avec cette allégation, toutefois le fait qu’il abritait un petit calvaire (détruit durant la Grande Guerre par les bombardements allemands*) et sa situation isolé à la sortie Sud du village en un lieu nommé l’Orme (bizarrerie qu’il partage avec le tilleul de Régneville-sur-Meuse (55)), ne plaide pas pour cette hypothèse. Les arbres de Sully étant généralement plantés au cœur des villages.

Quoiqu’il en soit, notre arbre pourrait bien avoir 400 ans. Sa circonférence au début de siècle était, si l’on s’en réfère aux cartes postales anciennes, de 11,5 m, soit plus d’1m50 que maintenant. Mesure cependant difficile à confirmer (on ne connait pas la hauteur à laquelle elle fut prise) mais pas extravagante. La chute d’une branche a entrainé une partie du tronc, laissant un trou béant donnant accès aux entrailles du colosse!

Le terme « entrailles » n’est pas usurpé. Les différents traumatismes ont entrainé le développement de bois de recouvrement au niveau des blessures formant d’étranges excroissances en viscères. Quelques racines aériennes ont aussi profité de la décomposition du bois de cœur pour se développer.

Les mauvaises langues ont parfois laissé entendre que ce sujet était issu de la fusion de plusieurs tilleuls plantés côte à côte. Cette hypothèse est certainement lié au fait que le tronc n’était pas cylindrique mais « portait 7 côtés très accusés* ». Je manque de source mais j’ai déjà entendu cette théorie au sujet du tilleul d’Ivory-Bracon

Depuis un siècle, cet arbre à connu bien des vicissitudes. Il ne subsiste que trois de ses neuf branches maîtresses. Il ne faut toutefois pas croire que sa décrépitude laissait la population indifférente. Un colmatage des plaies avec du ciments et des briques fut tenté (ce qui avec le recul n’est pas à faire), et des piliers furent installées.

Malgré tout, une grosse branche côté chemin dû être coupée dans les années 80/90, elle menaçait d’arracher le tronc.

Aujourd’hui, il semble quelque peu laissé à lui-même, mais ne s’en porte pas plus mal. Il a une végétation dense et vigoureuse.

Donc un conseil, privilégiez le moment où il s’effeuille pour lui rendre visite, c’est dénudé qu’il dévoile tous ses charmes!

* Source : document local dont je n’ai pas la référence

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28 réflexions sur « Le tilleul géant de Brieulles-sur-Bar, Ardennes »

  1. Yannick, tu nous gâtes avec ce mastodonte !

    L’intérieur est « viscéralement » captivant. C’est un très bel arbre à voir.
    Je note que l’exagération de la deuxième carte postale qui tu nous présente, spécifiant 11m50 de circonférence, est raisonnable comparé à la troisième carte qui nous sort carrément 18m !!!

    Merci pour cette découverte 🙂

    • De tous les tilleuls que je connais, il est mon préféré, je suis allez plusieurs fois le voir!
      Il a vraiment une belle stature et sa situation isolée le valorise beaucoup et je le trouve tout aussi beau aujourd’hui que sur les cartes anciennes.
      Concernant les 18 m c’est exagéré, ou alors la mesure avait été faite au ras du sol, ce qui est possible…
      Le Castor est passé le voir, il nous donnera ses impressions!

      • Ça ne m’étonnes pas qu’il soit ton préféré, car on voit que tu as mis du cœur dans ton article 😉
        La mesure de 18m a peut-être été effectuée au ras du sol oui, à vérifier.
        Du coup, on attends les impressions du Castor 🙂

  2. Dans les Ardennes, à Regniowez , vous avez les restes d’un tilleul , planté sous Louis XV , près de la frontière franco-belge et près de la mairie , du prieuré du Père Feuillen , mais d’Hergé .

  3. Merci Yannick de nous montrer cet arbre magnifique, vétéran de l’est de la France.Seul et bien ancré dans la plaine il doit en avoir vu passer …

  4. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6564642q/f179.image
    sur le site gallica bnf dans Mémoires de la société d’agriculture commerce sciences et arts de la Marne René Dumont évoque les vieux arbres de la région de Reims et Epernay (51) en 1959 (A1 Tome 74 pages 133 à 138). Il signale notamment une rareté : le mariage de deux arbres un chêne et un hêtre ne possédant qu’un seul tronc puis se séparant au niveau des branches maîtresses. J’ignore s’il existe encore mais randonnerai prochainement dans le secteur à sa recherche Amitiés et encore bravo pour votre site! JLC

  5. Super reportage Yannick, richement illustré et documenté 🙂 🙂 🙂

    Un tilleul extraordinaire, absolument hors norme en tous points :
    – dimensions colossales (d’autant plus que les colosses sont très rares dans le nord-est) pour un pied unique ne résultant de la fusion de plusieurs tiges,
    – un bon état de conservation pour son age canonique
    – et une situation isolée bien dégagée à la sortie du village le rendant particulièrement photogénique.
    On se demande d’ailleurs comment il a pu être épargné par les tirs d’artillerie de la Grande Guerre et les tempêtes (tout particulièrement celle de 99).

    Son âge reste un mystère mais de toute évidence il est bien trop imposant pour être un « Sully » et se trouve être trop éloigné du centre du village. Peut-être avait-il sa place à l’origine près d’ancien cimetière ou d’un édifice religieux aujourd’hui disparu ???

    C’est l’un des plus beaux tilleuls que je connaisse, je le place dans mon Top 3 (ou peut-être le Top 5… 😉 ), il rejoint la catégorie des Tilleuls d’élite constituée du Tilleul de Grange Sauvaget (39), de Villes (01), de St Simon (15), de Réaumont (38) et de celui de Féternes (74) (et de Douvaine, joke à Tristan 😉 avec son excellent article du moment sur son blog mériteme).

    Concernant les mesures de ce Bibendum ardennais, un premier tour de taille m’a donné 10,04m au double décamètre avec tension automatique, puis une seconde mesure à 10,02m, celle que j’ai retenue. La hauteur mesurée au dendromètre suunto est de 19m.

    Du coup, peut-il prétendre au titre de plus gros arbre de la région Grand-Est ? C’est bien probable, même du côté des séquoias la barre des 10m est difficile à franchir dans la région.

  6. Et bien, tu lui as enfin rendu visite !!

    Joli article qui met bien en valeur cet ancêtre de la plaine qui a connu bien des évènements.
    Un beau travail d’archive, ça devait être quelque chose de l’admirer lors de son âge d’or.
    – – –
    Pour ce qui est des arbres des plus de 10 m de circonférence dans le Grand Est, il reste le séquoia de Lapoutroie dans le Haut-Rhin mais il n’est pas dans le meilleur des états :

    https://www.monumentaltrees.com/fr/fra/hautrhin/lapoutroie/10249_ruedusapin/

    Quelqu’un a-t-il des nouvelles de la Pouplie de Boult sur Suippe ?

    • Ma visite date de 3 ans environ! Tu m’en avais parlé et finalement c’est en le revoyant cité dans un bouquin que je m’étais décidé à aller le voir, finalement j’y suis allé 3 ou 4 fois!
      J’ai un peu exploré le secteur et trouve quelques autres sujets, bien moins gros mais intéressants tout de même.
      Quant à la pouplie, la première expertise a orienté vers un test de traction. Celui-ci a été effectué, il en découle que pour entrer dans un coefficient de risque de rupture faible du tronc et donc permettant le maintien de l’arbre, une réduction de la hauteur devra être effectuée.
      Celles-ci devrait toucher des partie déjà en déclin mais sera assez importante. C’est donc ne bonne et une mauvaise nouvelle à la fois…
      Je ne sais actuellement pas si l’intervention est programmée.
      Sinon le Castor devrait nous donner ses impressions, il est passé la voir.

      • Concernant La Pouplie, la bonne nouvelle comme le dit Yannick, ce sont les bons résultats mécaniques issues de la première expertise.
        Je suis passé le voir en début de semaine et effectivement on ne remarque pas de gros dépérissements dans son houppier. L’intérieur du tronc a fortement été touché par l’incendie mais on peut espérer que la partie vivante du bois ait été moins impactée… Wait and see, on verra dans les prochaines années si des dépérissements plus prononcés apparaissent dans son houppier géant (hauteur 39m).
        Le gros soucis avec la Pouplie est plutôt sa position dans le village… Bien que sur un terrain privé, il surplombe la petite rue assez fréquentée et menant au parc et à l’école du village… Pour le moment cette route est toujours barrée, mais il semble évident qu’elle ne pourra pas rouvrir sans que La Pouplie ait subit, au minimum, une taille pour sécuriser le passage.
        L’autre bonne nouvelle est que la municipalité semble très impliquée et très attachée à son colosse 🙂 🙂 🙂 On peut espérer que tout sera fait pour conserver le plus longtemps possible ce Peuplier hors norme !

  7. Merci pour ce bel article si riche sur ce géant.
    Question peut-être naïve; pourquoi n’est-il pas indiqué sur la carte?
    Et en fait! à cette occasion je m’aperçois que les trois chênes référencés pour les Ardennes ne sont pas non plus sur la carte.
    (si je savais le faire; je pourrais me proposer, car je sais où ils sont, mais je ne suis pas douée du tout)

  8. Eh les copains !
    Après toutes ces années de blog on arrive encore à trouver du colosse comme ça !
    Vous ne trouvez pas ça formidable ?
    Moi je kiffe

  9. Bouhhhh que de souvenirs et de temps de jeu dans ce tilleul (qu’on surnommait l’Orme) je l’ai connu des années 70 a aujourd’hui et il a sacrément évoluer. entre branches cassées par la tempête de 1999 (entre autre) et sa « cicatrisation » je n’ai pas pu rentrer dedans il y a quelques semaines de ça. merci malgré qu’on avait appris ça a l’école du village avec Mr Grégoire ou Mr Marteau, je ne sais plus. ça ravive la mémoire.

  10. Il a perdu une charpentière l’hiver dernier et celle-ci n’est toujours pas déblayée, elle le sera surement avec l’exploitation de la parcelle qui est imminente.

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