Les filaires de Labastide-Beauvoir (Hte-Garonne)

Dans le petit village de Labastide-Beauvoir, la charmante église en brique rouge, typique du midi toulousain, est orné d’un surprenant trésor végétal.
Mais n’espérez pas trouver ici une relique d’Arbre de Sully, il s’agit d’une présence végétale bien plus originale … qui pourrait bien faire de Labastide-Beauvoir un cas unique en France !

Ce n’est pas un, ni deux mais trois vénérables Filaires qui entourent la petite église. Cette espèce méditerranéenne, généralement de taille arbustive, atteint ici des dimensions exceptionnelles.
De la même famille que l’olivier, le filaire à large feuille est souvent confondu avec le chêne vert. Et tout comme ce dernier, il sort volontiers de son aire naturelle du pourtour méditerranéen pour s’installer de façon spontanée sur les coteaux secs et ensoleillés d’Occitanie. Une présence qui n’a rien d’exceptionnelle et de vieux exemplaires ont même été relevés dans le Lauragais mais aussi dans le Tarn (entre Toulouse et Albi comme à Ambialet…) et dans le Sud-Aveyron. En occitan, le filaire s’appelle « auder », un nom que l’on retrouve dérivé dans certains noms de lieu.
Mais le cas de Labastide-Beauvoir reste très particulier. Les trois filaires ne semblent pas ici naturels mais bien plantés autours de l’église il y a une centaine d’années en mélange avec des cyprès de Provence. Ils ont été mis en valeur depuis plusieurs dizaines d’années et donnent aujourd’hui une touche très originale au site. Ils font parti indéniablement du patrimoine local et figurent sur de nombreuses photos lors des cérémonies de mariages et baptêmes. On les confondait d’ailleurs régulièrement avec des chênes verts jusqu’au jour où ils ont intégré l’inventaire des arbres remarquables de Haute-Garonne et reçu le prestigieux label Arbre Remarquable de France en 2017.

Les deux filaires les plus impressionnants se ramifient rapidement en plusieurs tiges, ce qui complique la prise des relevés dendrométriques. Une mesure à la base du pied est dans ce cas, la donnée la plus pertinente à annoncer. L’un affiche une circonférence de 2,45m et l’autre de 2,55m à quelques centimètres au-dessus du sol en juillet 2019. Leur hauteur respective est de 10 et 11m.
Le troisième pied est forcément plus jeune et se présente sous la forme d’une seule tige bien distincte d’une circonférence de 1,45m à hauteur d’homme.
Leur état sanitaire n’est pas excellent, plusieurs blessures sur les tiges et à la base représentent une porte d’entrée idéale pour les parasites. L’un des pieds est d’ailleurs colonisé par un polypore ce qui trahit un état de pourriture déjà bien avancé.
Mais ce petit arbuste méditerranéen est un dur à cuire et peut vivre plusieurs centaines d’années. A ce propos, le filaire le plus célèbre est âgé de 400 ans et se trouve dans le Jardin des Plantes de Montpellier. Il est même l’Arbre emblématique de l’Hérault (cf. article).

Note : il existe deux espèces de filaires : le filaire à large feuille (celui présentant les dimensions les plus remarquables) et le filaire à feuille étroite (le Taradeau provençal) de dimensions plus réduites. Il est possible aussi de trouver un filaire intermédiaire entre ces deux espèces.

La Haute-Garonne fait parti des départements ayant fait l’objet de très peu d’articles sur nos blogs arboricoles. Jusqu’à présent, seuls deux arbres remarquables situés dans l’agglomération toulousaine avaient été présentés sur le blog du Krapoarboricole (l’Olivier millénaire de l’Union et le Micocoulier de la cathédrale, tous les deux honorés par le Label Arbre remarquable de France) mais aucun sur notre blog des Têtards…

Pourtant, le département ne manque pas de potentiel en Arbres exceptionnels et une Association locale (Arbres et paysages d’Autan) œuvre depuis de nombreuses années activement dans ce sens. Un inventaire participatif a même débouché sur la parution d’un ouvrage « A la découverte des arbres exceptionnels de la Haute-Garonne » (auteure Janine Cransac aux éditions Museo) en 2018.
A voir aussi le reportage de France 3.

D’autres départements restent très peu inventoriés sur notre territoire et cinq d’entre eux n’ont même jamais fait l’objet d’articles sur le Krapoarboricole ou les Têtards :
l’Aube (10), le Gers (32), la Haute-Marne (52), le Tarn-et-Garonne (82) et la Seine-St-Denis (Neuf-Trois).
Avis aux chasseurs d’arbres pour combler ces tristes lacunes ! Allez on se motive !!!

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12 réflexions sur « Les filaires de Labastide-Beauvoir (Hte-Garonne) »

  1. Belle présentation de ces arbres qui se rencontrent le plus souvent à l’état de buisson, au mieux d’arbustes, dans les garrigues.
    Mais tu dis que c’est féminin filaire ? 😉
    ah ! il faudrait des Castors Masqués, des Yves Maccagno, des Têtards Arboricoles dans tous les départements…. 😀
    (en fait je suis bien certaine qu’il y en a, mais ce sont de grands timides, je ne vois que ça pour expliquer leur silence)

  2. Bonjour et bravo le Castor,
    dans le Sud-Ouest, les filaires sont spontanés en de rares stations littorales DANS les Landes et Charente-Maritime.
    Les espèces à large feuilles et intermédiaires ont été plantées depuis 2 siècles dans divers parcs de Gironde, Landes, Charente-Maritime….
    Les filaires de Labastide-Beauvoir sont des filaires intermédiaires Phillyrea media ou P variabilis ssp media.
    Dans la littérature filaire s’écrit au masculin mais je l’ai vue écrite au féminin dans une flore ancienne. D’ailleurs les Anciens écrivaient de nombreux arbres au féminin!
    En espérant t’être utile.
    Jef

  3. Merci Pat et Jef pour vos commentaires 🙂
    Vous avez raison, c’est bien LE filaire, je ne sais pas pourquoi je suis parti dans le féminin… j’ai peut-être associé dans ma tête : filaire et fibre optique, lol, on est tellement connecté que ça se poursuit même en botanique !
    je vais corriger l’article en conséquence 🙂

    Pour l’identification précise de l’espèce, j’ai du mal avec l’espèce Filaire intermédiaire. Autant entre « à large feuille » et « à feuille étroite », la différence est bien visible, mais avec « intermédiaire » c’est tout de suite moins évident…

  4. Salut Castor, beaux spécimens!
    J’en ai rencontré quelques sujets en Bretagne qui semblent bien, malgré leurs origines, s’adapter au climat moins clément!

    Nous devrions bientôt avoir un saule barbu Haut-Marnais (ou Marnais, il est en limite) sur le blog…

    • Oui, tout comme le chene vert et d’autres espèces méditerranéennes, la Bretagne est une terre d’accueil appréciée par ces exotiques à l’accent chantant.
      D’ailleurs j’avais repéré un beau filaire à large feuille dans le jardin du Thabor (près des toilettes publiques) à Rennes, certainement assez âgé (mais on sait jamais avec toute cette pluie abondante, déroutante pour ces espèces habituées aux garrigues sèches).

      Hâte de découvrir ce saule marnais (barbu ???)… forcément plus maigre que celui de la Côte-St-André (38) 😉

  5. Castor, ton très bel article donne vraiment envie de partir dans le sud 😉 On pourrait le lire avec le chant des cigales en fond pour une ambiance au top !

    Superbes ligneux en tout cas. Jamais vu en vrai mais j’ai été très surpris de la ressemblance entre le filaire et le chêne vert, surtout au niveau de l’écorce.

    Pour les lacunes concernant les départements que tu as cité en fin d’article, aller, je me dévoue pour le Gers 😉

    Merci pour cet article !

    • Salut Aurélien

      content de t’avoir fait découvrir cette espèce aux charmes discrets trop souvent confondue avec un jeune chêne vert.
      Je suis sûr que tu peux en trouver sur les versants les plus secs et ensoleillé dans ton secteur… 🙂

      Si tu pars en vadrouille dans le Gers, c’est une chance (à condition de supporter une alimentation composée exclusivement de canard 😉 ) tu vas traverser une zone blanche en terme d’inventaire d’arbres remarquables. Mis à part 2-3 arbres vaguement mentionnés, tout reste à faire sur ce département.
      Il y a surement du potentiel dans les arbres champêtres et dans les vieux parcs de châteaux. Mais peu de chance de battre des records de hauteur avec ton drone…
      Bonne chasse gersoise 🙂

  6. Beaux exemplaires en effet. Je confirme aussi pour la distinction pas évidente entre Phillyrea media et P. latifolia. En l’absence de rejets, le fruit est le juge de paix (dixit Flora Gallica) :
    fruits ombiliqué (en creux) à l’apex -> P. latifolia
    fruits apiculé (courte pointe) à l’apex -> P. media
    On en trouve aussi de beaux exemplaires dans l’ouest (Jardin des plantes du Mans, Jardin public de Redon). La plante est rustique dans l’est avec un sujet d’au moins 80 ans au Jardin botanique de l’Université de Strasbourg.

  7. merci Frédéric pour ces précisions botaniques pour différencier ces deux Phillyrea, je ne les connaissais pas.
    Juste un petit complément de base qui permet de différencier immédiatement un Phillyrea d’un jeune chêne vert (dont la morphologie des feuilles est souvent très variable, fonction de la lumière, de l’âge…), hors période fructification : les feuilles de Phillyrea sont opposées tandis que celles du chêne vert sont alternées sur le rameau.

    • C’est « marrant » parce que j’aurais plutôt tendance à confondre le filaire avec l’olivier (redevenu sauvage en garrigue) qu’avec le chêne vert dont les feuilles sont « dentelées ». Une question de milieu je suppose.

  8. Salut Pat’
    celui qui ressemble beaucoup à un jeune olivier sauvage est le filaire à feuille étroite.
    Mais ce qui est souvent surprenant, c’est le changement d’aspect du chêne vert selon son environnement. Hors garrigue et zone méditerranéenne, ses feuilles sont totalement différentes (en fonction de la luminosité, de leur position dans l’arbre…) et ses tiges s’allongent démesurément… plus rien à voir avec son frère sudiste 🙂

    • oui c’est bien ce que je pensais 😉
      on a aussi une variété de chêne qui a des feuilles non dentelées, je n’en connais qu’un sur ma commune mais comme il est en lisière d’une vigne, il en a pris un sacré coup quand il a fallu faire de la place à la machine à vendanger… 🙁

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