Arbres remarquables en Forêt de Meudon (Hauts-de-Seine)

La Forêt de Meudon tient une place à part dans le cœur des franciliens. Elle est bien plus qu’un simple poumon vert dans l’agglomération parisienne. C’est aussi la Forêt Domaniale la plus proche de Paris. A ce titre, elle remplit pleinement son rôle de forêt récréative en offrant une large palette d’activités possibles que ce soit pour se ressourcer et ou pour s’évader en pleine nature. Mais une nature qui n’a plus rien de « sauvage », ce massif de plus de 1 000 hectares a été entièrement façonné et soigné par la main de l’homme depuis des siècles. Elle fait en effet parti de ces forêts royales d’Ile de France avec ses grandes allées forestières en étoile tracées au cordeau pour la pratique de la chasse à courre. Elle constituait une vaste réserve de chasse entre Paris et Versailles (l’ancienne Forêt du Rouvray), tout en restant la propriété du Château de Meudon.
Le patrimoine arboricole prend naturellement dans cette forêt historique tout son sens.
Je vous propose dans ce court article de découvrir la Forêt de Meudon à travers trois arbres vedettes, dont le destin est intimement lié à la présence humaine :
– Les Cèdres de Jussieu pour la touche d’exotisme
– Le Chêne des Missions pour le côté artistique
– Le Chêne de la Vierge pour sa fonction spirituelle

Débutons la visite de la Forêt de Meudon par sa touche exotique, celle qui s’affiche comme un fort marqueur de paysage : les Cèdres de Jussieu.
Ils sont plantés juste en bordure de la RN118, véritable saignée à travers la forêt. Un axe très fréquenté, bien connu des franciliens et dont les deux cèdres servent de repère visuel lors des bouchons interminables.
Ces deux arbres sont nommés également Cèdres de Villebon. Ils ont été plantés sur l’ancien Domaine du Manoir de Villebon, actuellement disparu et remplacé par un lycée hotellier. Le site a été célèbre pour ces deux moulins mettant en oeuvre un ingénieux système d’alimentation en eau mis au point par Louvois, Ministre de Louis XIV, pour alimenter l’étang de Villebon… mais tout ça c’était bien avant la plantation des deux cèdres… Puis l’ouverture d’une guinguette au début XXème (actuellement hotel 4* 😉 ) face aux cèdres a participé à accroître leur popularité.
On remarquera qu’ils ont échappé aux différents aménagements du site et surtout à l’agrandissement de la RN118 toute proche. La maison forestière, anciennement maison du fontainier, présente sur la carte postale ci-dessous a été détruite en 1972 alors que les cèdres en limite du futur tracé ont été conservés, par quel miracle ?!?!.


Cette carte postale du début XXème, nous apporte une information assez troublante en mentionnant : « Les Cèdres du Liban apportés par Jussieu ».
Est-il réellement possible que ces arbres soient en lien avec l’incroyable épopée de Jussieu ayant ramené deux petits cèdres dans son chapeau lors de son voyage en Angleterre? Une histoire aux multiples versions qui ont contribué à sa légende… Un excellent article sur le site de Jardins de France tente de retracer la véritable histoire du premier cèdre du Liban arrivé en France.
On retiendra que le seul cèdre provenant du voyage de Jussieu en 1734 est celui du Jardin des Plantes à Paris. L’autre cèdre de Jussieu aurait (probablement…) été planté dans le Parc du château de Montigny-Lencoup (77) et abattu lors d’une tempête en 1935 (l’effigie du cèdre est d’ailleurs sur le blason du village). Par la suite, l’histoire raconte que Jussieu s’est acharné à multiplier et diffuser les semences de son cèdre parisien à travers toute la France (un cèdre fructifie au bout de 25-30 ans, les premières semences d’origine françaises ont dû être propagées à partir de 1760-1765).

Il est donc très peu probable (pour ne pas dire impossible…) que ces deux cèdres aient un lien avec le voyage en Angleterre de Jussieu.
Existe-il un document de nos jours qui permet d’attester de la date de plantation des Cèdres de Villebon ? Je n’ai rien trouvé sur internet qui permet d’en savoir plus sur leur origine.
L’appellation « Cèdre de Jussieu » (tout comme celle « d’Arbre de Sully » pour les tilleuls) est assez courante et souvent utilisée à tord. Elle permet de glorifier un très vieil arbre dont la légende se perpétue de générations en génératons…
Puisque l’on ne connaitra probablement jamais l’origine des Cèdres de Villebon, on peut en revanche se référer à leur dimension pour en déduire une date probable de plantation. L’un des deux avoisine les 6m de circonférence, ce qui en fait l’un des plus gros cèdres d’Ile de France. Son âge doit être compris entre 150 et 250 ans et sa date de plantation pourrait se rapprocher de la période napoléonienne… d’étranges similitudes avec les célèbres cèdres du Parc de St Cloud (attenant à la forêt de Meudon), présentés par Guy sur notre Blog (ici).

Regardons de plus près nos deux cèdres légendaires. On découvre avec stupeur qu’un effet d’optique nous cache la triste réalité… L’un des deux, le plus gros, a été fortement amputé de sa tige principale. Il ne pourra pas se remettre d’une telle blessure, il faut admettre qu’il est en fin de vie. Je n’ai pas d’informations sur l’origine de la blessure… Probablement un accident climatique ?
Sa circonférence de 5,80m (sans défaut de forme pouvant influencer son tour de taille) est nettement supérieur à son voisin (4,40m).

Attention, il semble qu’il y ait une confusion dans le nom de ces arbres. Sur une autre carte postale on trouve l’appellation « Le Cèdre vert » pour désigner Les Cèdres de Villebon. Il s’agit forcément d’une confusion avec un autre cèdre situé en pleine Forêt de Meudon surnommé « L’Arbre vert ».

Changement de décor, avec une ambiance forestière pour la touche artistique de la Forêt de Meudon : le Chêne des Missions.
L’histoire de ce chêne est étonnante et n’a surement pas d’autres équivalents en France.
Plusieurs noms se sont succédés : Chêne Notre-Dame-des-Missions, puis Chêne des Missionnaires, il est appelé aujourd’hui Chêne des Missions.


En découvrant l’histoire du Chêne des Missions, certains crieront « Quelle supercherie! » alors que d’autres seront touchés par « le côté artistique » de la mise en scène, ou par son aspect mystique… peu importe, je suis sûr que personne ne restera insensible 🙂
La Forêt de Meudon est essentiellement feuillue et composée principalement de châtaigniers et de chênes sessiles sous la forme de belles futaies et d’épais taillis.
Ce chêne majestueux, est l’un des plus vieux et des plus imposants du massif. Il l’était déjà cent ans plus tôt, lorsque des Missionnaires de Meudon le repèrent en 1895. D’origine bretonne, les religieux devaient avoir sacrément la nostalgie du pays pour voir dans ce chêne l’occasion de reproduire une ambiance celtique. Bien décidés à donner une allure bretonne à ce bout de forêt, ils disposent quatre dolmens et un grand menhir en cercle autour du chêne majestueux.
De faux mégalithes pour reconstituer la culture celte et les cultes ataviques (chênes et pierres druidiques)… Un comble pour des hommes d’église !
Ces pierres ont été extraites dans les carrières et les coupes voisines. Mais un site web sur le Patrimoine breton en Ile de France mentionne que l’une des « dalles du dolmen provient de Kerhan à Saint-Philibert (Morbihan). Sa traction fut organisée par Zacharie Le Rouzic en 1896 jusqu’à Meudon ». 
Peu de temps après, et certainement pour sacraliser le site, une statue de la vierge est fixée sur le tronc. Voilà donc notre chêne druidique transformé en Chêne à la Vierge ! Il prend le nom de Chêne de Notre-Dame-des-Missions. Cette statue n’existe plus de nos jours, mais elle est visible sur l’une des anciennes cartes postales ci-dessous du début XXème siècle.
Récemment, un bel aménagement en bois (les Treize Ponts) permet de mieux mettre en valeur ce site historique et donne un accès aux personnes à mobilité réduite.
Le Chêne des Missions (ou des Missionnaires) reste aujourd’hui l’une des plus belles curiosités de la Forêt de Meudon et est très apprécié des visiteurs, mais pas seulement… Il est fréquent à la nuit tombée que ce chêne aux allures druidiques se transforme en théâtre de cérémonies étranges aux grandes dates du calendrier celte.

D’un point de vue dendrométrique, ce chêne sessile est tout aussi remarquable par sa taille en situation forestière : une circonférence de plus de 5m et une hauteur d’environ 30m.
Son état sanitaire semble globalement bon mais il serait intéressant de mieux examiner son houppier en feuilles pour détecter s’il ne présente pas des dépérissements dans certaines parties de la cime (signes d’attaques parasitaires ou d’un stress climatique possible).

Pour la touche spirituelle de la Forêt de Meudon, passage obligé au Chêne de la Vierge de Viroflay.
Petite précision géographique, ce massif forestier de 11OO hectares s’étend sur plusieurs communes entre les départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines.
A la différence des deux arbres précédents, le Chêne de la Vierge de Viroflay se trouve dans les Yvelines en limite Ouest de la Forêt Domaniale de Meudon.

L’histoire de ce Chêne vénéré diffère quelque peu selon les versions…
Retenons l’origine de cette histoire présentée dans ce rapport détaillé de la Forêt de Meudon :
« Le Chêne de la Vierge est situé à la lisière de Viroflay dans la forêt de Meudon. L’origine de ce nom trouve sa source dans le sacré, mêlant croyances païennes, superstitions et foi chrétienne.
Dans les années 1850, des aspirants d’origine celtique choisirent un beau chêne à l’ouest du bois de Meudon et y fixèrent une niche contenant une statuette de la Vierge sous le nom de « Notre Dame des aspirants missionnaires ». Ils prirent l’habitude d’y venir prier et chanter les jours de promenade. »
Puis en 1859, une grave épidémie de choléra fait des ravages parmi la population de Chaville et Viroflay. Le Curé implore la Vierge (la Paroisse est consacrée à Notre-Dame du Chêne) et l’épidémie cesse comme par miracle !
C’est le début de fréquentes processions devenant de plus en plus populaires au Chêne de la Vierge. Une statuette est installée en 1881 mais elle sera rapidement profanée et finalement remplacée par une statue en bronze.
En 1903, le Ministère de l’Intérieur interdit les processions religieuses au Chêne de la Vierge. Une dernière procession sera malgré tout organisée le 15 août 1914 lors de l’entrée en guerre.
De nos jours, le Chêne continue à recevoir de nombreuses offrandes et ex-votos en tout genre issus de pratiques individuelles.

Il est étonnant dans cette histoire de trouver de grandes similitudes avec celle du Chêne des Missions. Ce sont également des Missionnaires locaux (originaires de Bretagne) qui sont à l’origine de cette vénération en voulant propager des rites celtiques dans cette vaste forêt.

Attention à la confusion, il existait aussi un autre Chêne de la vierge sur la commune voisine de Chaville (également touchée par l’épidémie de choléra de 1859) mais aujourd’hui disparu et dont il ne reste que quelques représentations sur ces cartes postales anciennes.

Le Chêne de la Vierge de Viroflay est représenté sur de très nombreuses cartes postales  anciennes. Il est intéressant de comparer les différentes offrandes qui ont recouvert le Chêne au début du XXème (les photos ne sont pas classées par ordre chronologique).


Il est difficile d’estimer l’âge de ce Chêne vénéré. De toute évidence, il devait déjà être de belle taille en 1850 pour avoir été repéré par les aspirants missionnaires « celtiques ». De nos jours, son tour de taille dépasse largement les 5m, il est même légèrement plus gros que le Chêne des Missions. L’état sanitaire de ce chêne sessile semble bon.
Un arbre qui continue à marquer l’histoire locale et qui a été honoré par le Label national « Arbre remarquable de France » en 2002.

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8 réflexions sur « Arbres remarquables en Forêt de Meudon (Hauts-de-Seine) »

  1. Impressionnant ce « court » article !
    je ne comprenais pas pourquoi tu parlais DES cèdres au début.
    L’illusion d’optique est parfaite (t’es monté sur le dos d’une oie sauvage comme Nils Olgersson pour prendre les premières photos ?) jusqu’à ce qu’on découvre le piteux état du second 🙁
    En tout cas voilà des arbres très bien adaptés à leur environnement « semi-citadin », je suis épatée de voir de si beaux et gros arbres au milieu de voies si fréquentées et qu’on les respecte surtout !
    Quant aux chênes « celtiques » c’est amusant de voir que ce sont des hommes d’église qui ont initié ces rites à la limite du paganisme 😉
    Et c’était pas le mois de mai parce que t’aurais pu trouver du muguet dans le bois de Chaville… 😉

    • Merci Pat pour ton commentaire et ta fidélité au blog des Têtards 🙂

      C’est vrai que le terme « court » article n’est pas le mieux approprié… j’avoue mettre fait surprendre par ces 3 arbres de la Forêt de Meudon, je ne pensais pas qu’il y aurait autant d’informations et une histoire aussi détaillée pour chacun. Les 2 chênes sont super documentés sur le net, c’est rare de trouver autant d’infos.
      Ah ils sont forts ces bretons, même déguisés en « homme d’église », ils ne peuvent pas s’empêcher de continuer à propager leur pratique celtique 😉

      Par contre pour les cèdres c’est dommage que l’on n’ait pas plus d’infos sur leur origine.

      Pour les photos du cèdres, même si c’était la saison je ne suis pas monté sur le dos d’une oie (un castor sur une oie, non mais ça ne se fait pas 😉 ). Il y a une une petite passerelle qui enjambe la RN118 et permet une belle vue sur les Cèdres de Villebon. Elle permet d’ailleurs de continuer dans la forêt vers le Chêne des Missions (environ 15 min.)

  2. Bonjour
    si l’un des blocs a été transporté depuis St Philibert, c’est très certainement un granite hercynien de type Carnac qui ne doit pas être très difficile à différencier des pierres locales qui, d’après la carte géologique, sont la meulière dite de Brie (cette roche vacuolaire largement utilisée dans les constructions pavillonnaires de la banlieue parisienne) ou le grès de Fontainebleau. Etant confiné à plus de 300 km, je ne peux me livrer à cette expertise! dans le futur, peut-être!
    Tonton Georges parle également du bois de Meudon dans l’une de ses chansons: « Au bois d’Meudon, y’a des petites fleurs,… » ; ces petites fleurs ne seraient-elles pas le muguet dont parle, entre deux « galipettes », Pierre Destailles dans une chanson autrefois célèbre (le Bois de Chaville): « ce jour-là au bois d’Chaville, y’avait du muguet,… », Chaville étant contigu de la forêt de Meudon.

  3. Bonjour Castor,

    Effectivement, ce « court » article ne nous a pas laissé sur notre faim 😉

    Très belle illusion concernant les cèdres. J’ai été choqué de voir tes photo prises en hauteur car je me suis demandé si tu n’avais pas craqué pour un drone ! Mais en observant bien, j’ai compris qu’un pont – ou une passerelle du coup – t’avait aidé 🙂 Quelle ironie concernant ces cèdres : l’homme les aura toujours respectés alors que la nature en a condamné un !

    En tout cas, cet article est très riche et nous fait comprendre que beaucoup de recherches historiques ont été nécessaires. Merci de nous faire partager tout ça 🙂

  4. Merci pour vos commentaires 🙂

    @ Pierre Jégouzo : effectivement ce serait super intéressant de pouvoir vérifier si la pierre provient bien du site de Carnac. Il n’y a pas d’urgence, ça peut largement attendre la fin du confinement, le coronavirus n’a aucun effet sur le granit hercynien de Carnac, c’est sûr 🙂 Merci de nous tenir au courant !

    @ Eric : bonne idée de relancer une procession au chêne de la vierge. Si ça a marché avec le Choléra il n’y a pas de raison que ça ne fonctionne pas avec le Covid. Mais il me semble qu’ils n’ont pas prévu la case « Procession religieuse » sur les Attestations de déplacement… du coup ce ne sera pas facile de l’expliquer aux gendarmes si on se fait contrôler… peut-être en imprimant cet article, ça pourrait servir de justificatif ? 😉

  5. Belle investigation Castor! Il n’est jamais évident de démêler le fait historique de la légende ou de la tradition populaire, qui est souvent tenace même face à des évidences.
    Concernant l’origine des pierres, je ne suis absolument pas spécialiste, mais l’aspect du dolmen semble plus conforme à ce que l’on trouve à Carnac.

  6. A propos des 2 cèdres du Liban maintenant en bordure de la RN118, c’est la tempête de 1999, dans la nuit du 24 décembre qui a eu raison de l’un deux; son énorme tronc étant tombé sur la route du colonel Moraine.

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