Les laricios du sentier de Radule (Corse)

Lors de vos prochaines vacances sur l’île de beauté, vous avez décidé de partir à la rencontre de son arbre emblématique : le Pin laricio (U làrice).
Excellente idée ! Ce serait dommage de ne se limiter qu’à sa côte paradisiaque. Mais vous allez vous apercevoir rapidement que le Seigneur de la montagne corse ne se laisse pas approcher aussi facilement.
Sur les pentes rocheuses des plus hautes cimes, leurs silhouettes imposantes aux allures de vieux cèdres tabulaires se repèrent de loin… de très loin… à tel point que vous risquez d’avoir un sentiment de frustration de ne pas pouvoir approcher ces géants !
Alors pour vous, fidèles lecteurs des têtards, voici un petit itinéraire sans aucune difficulté qui vous permettra de découvrir de vénérables laricios dans un cadre magique réunissant tous les charmes de la montagne corse : bergeries, torrents, cascades…et peut-être même mouflons.

Accès au sentier de Radule par « le Fer à cheval »

Il faut monter haut (très haut ! on part de l’altitude 0 sur le littoral 😉 ) pour dénicher les peuplements emblématiques de Pins laricios. Dans les étages de végétation, il se trouve au-dessus du châtaignier et du Pin maritime et représente souvent le dernier étage de végétation arboricole de la montagne corse.
Les plus beaux massifs se trouvent en Forêt d’Aïtone, dans le Valdo Niello, Ghisoni, Bavella… à une altitude voisine de 1 000 m. Mais les vieux laricios solitaires, âgés parfois de 400 ans, vivent souvent dans les secteurs les plus inaccessibles entre 1 300 et 1 800 m d’altitude.
L’itinéraire que je vous propose de suivre se trouve près du Col de Vergio (le plus haut col de l’île) sur le versant sud du célèbre Monte Cinto. Dans cette partie haute du Valdo Niello, c’est le royaume du mouflon, un paysage de forêts claires où les coupes d’exploitation sont restées rares en l’absence de dessertes forestières.
Le Sentier de Radule, au départ du « Fer à cheval » (épingle sur la D84), a été identifié par l’ONF comme le « Sentier thématique du Pin laricio ». Il permet de découvrir son habitat naturel dans une zone mise en réserve. En effet, si la région du Valdo Niello est réputée pour son excellente qualité du bois, dans ce secteur, l’impact de l’homme est très réduit et permet de découvrir l’habitat du pin laricio dans des conditions naturelles. On peut retrouver éventuellement quelques traces de gemmage sur les plus vieux pins, signe d’une activité ancestrale de récolte de l’essence de térébenthine (comme cela se pratiquait régulièrement dans le massif landais).
Ce vieux peuplement de laricios présente aussi la particularité d’être en mélange avec le bouleau ce qui crée une dynamique qui lui est favorable pour son développement dans ces conditions montagnardes.

Le sentier de Radule emprunte en partie le GR20 et permet d’effectuer différentes boucles plus ou moins longues dans la Seigneurie des Laricios. L’itinéraire (départ possible aussi par le col de Vergio) est bien référencé et décrit sur plusieurs sites web (belle série de photos à voir). L’objectif est de rejoindre la Cascade de Radule, spot réputé pour la baignade en rivière (à l’instar des « piscines d’Aïtone » par le sentier des châtaignes de l’autre côté de Vergio).
Le sentier serpente sur un terrain peu accidenté et permet d’entrer rapidement dans le vif du sujet : les vieux laricios.
Un boisement clairsemé de très vieux pins aux larges houppiers tabulaires et mélangés en sous-étage à des bouleaux et des aulnes près des ruisseaux.
Ils sont dispersés de part et d’autre du sentier et couvrent toutes les pentes pierreuses de ce versant. Il sera en revanche délicat de s’écarter du sentier.
Leur âge peut être estimé entre 200 et 400 ans et leur tour de taille varie de 3 à 5m.
La Corse est un cas unique en France, il n’est pas possible de trouver ailleurs des pinèdes dans de telles dimensions…
Les hauteurs, voisines de 40m, sont toutes aussi impressionnantes et sont le reflet de la parfaite adaptation de l’espèce à ce milieu.
Il est curieux aussi de trouver du gui en abondance dans ces vieux houppiers (cf. photos).

Le laricio le plus imposant du sentier se trouve à une intersection de chemins avec le GR20. Sa circonférence à 1,30m est de 4,92m et sa hauteur de 41m. Un joli « bébé » mais encore éloigné des records déjà connus pour l’espèce dont certains pourraient dépasser les 6m de tour de taille…
Son état sanitaire semble excellent malgré la trace sur le tronc d’anciennes pratiques de gemmage comme le montre les photos ci-dessous.

Mais n’oublions pas que l’objectif de la balade est de rejoindre la célèbre Cascade de Radule, dont la réputation tient en grande partie à son emblématique vieux laricio près de la chute d’eau (le seul pin de l’île relevé sur les cartes topo de l’IGN).
Malheureusement, les conditions hivernales ne m’ont pas permis de m’approcher jusqu’au pied du Seigneur de Radule. Plusieurs torrents difficilement franchissables et l’épaisseur de neige sur les rochers ont fortement compliqué ma progression…
Très déçu, il était plus raisonnable de se limiter à une observation à distance. Décidément, je n’ai vraiment pas de chance avec ce pin mythique ! C’était la 3ème fois que je partais à sa rencontre, à chaque fois par un nouvel itinéraire. Lors de mes passages précédents je n’étais pas équipé pour prendre ses mensurations, dommage…
Côté dendrométrie, je dois donc me limiter à un panneau annonçant un diamètre surprenant de 1,90m (soit 5,90m de circonférence !) et une hauteur de 38m.
Un tour de taille qui me semble énorme, comparé aux autres pins rencontrés sur le sentier… C’est sûr, il faudra que je renouvelle la balade pour en avoir le coeur net 🙂

Note : un autre pin laricio spectaculaire a été décrit sur le blog du krapoarboricole par Sisley en 2008. Il se trouve dans une vallée voisine, dans la célèbre Restonica. Article.

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13 réflexions sur « Les laricios du sentier de Radule (Corse) »

  1. Un PIN LARICIO GéANT qui pousse les pieds dans l’eau tu torrent, INCROYABLE !
    INCROYABLE comme l’est la silhouette ésseulée de ce géant …

  2. Merci Castor pour cet article qui nous fait voyager. Le pin laricio est une belle essence et c’est super de pouvoir l’admirer dans son milieu naturel. Étonnant que du gui puisse coloniser aussi des conifères, je ne savais que c’était possible pas avant de te lire 🙂

    Même si ce n’est pas le plus gros de l’île, le laricio de 4m92 de circ est impressionnant. J’imagine ta frustration concernant celui de la cascade…quel « dommage » d’être obligé de revenir 😉

    Ah question, qu’as-tu pensé de leur état de santé global face au changement climatique ? Ils tiennent le coup ou … ?

  3. Merci pour vos commentaires 🙂

    Pour le gui, c’ets vrai qu’il est rare chez les résineux. On en trouve parfois aussi sur les vieux sapins et peut même devenir gênant dans certaines sapinières. Je ne sais pas s’il est est dangereux pour l’état de santé des laricios ?
    J’avais assisté à une scène étonnante plus bas dans le Valdo Niello, dans les grandes futaies de laricios. Sur une parcelle exploitée, un troupeau de vaches « errantes » en forêt (comme c’est souvent le cas à proximité des villages corses 😉 ) suivaient attentivement et bizarrement les moindre gestes des bucherons. En fait, dès qu’un arbre était abattu, toutes les vaches se précipitaient vers le houppier du vieux laricios pour y dévorer le gui !!! Ce qui était génant pour les bucherons qui devaient les faire fuire à coups de pierre pour pouvoir continuer à travailler sans danger (pour les vaches 😉 ) Une scène assez surréaliste et mémorable 🙂

    Pour l’effet du changement climatique sur ces habitats naturels de laricio, je ne connais pas l’impact. J’imagine que des études sont en cours…
    Il faut tout de même savoir que le centre montagneux de la Corse (surtout dans ce secteur du Valdo Niello) est très arrosé avec une pluviométrie comparable à celle des Vosges… mais avec une sécheresse estivale marquée.

    • Effectivement, drôle d’expérience avec ces vaches ^^

      Je posais la question concernant l’état de santé des pins noirs car dans la Vienne, j’en vois beaucoup dépérir voire mourir. Je ne sais pas de quoi mais le sylvestre, le maritime et le parasol semblent en bien meilleure forme. J’espère que ça ne concerne que ce département.

      • Surprenant ce dépérissement de pins noirs dans ton secteur… 🙁
        Pourtant les pins (dans leur globalité) devraient sortir comme les grands gagnants du changement climatique à venir par leur bonne résistance aux sécheresses et coups de chaud (enfin, jusqu’à un certain point…)

        • Oui Castor je suis assez surpris moi aussi faire ce constat alors que les pin noir sont réputés robustes. Yannick, tu as peut être raison concernant le champignon. Je sais qu’on peut voir les fructifications sur les cônes, je vais donc aller voir ça de plus près (après le confinement bien-sûr).

  4. C’est un régal de voir ces vieux pins! J’ai souvenir d’avoir rencontrer quelques colosses impressionnants, parfois morts, et souvent avec le pied noirci à cause des incendies. Ces vieux sujets ont un charme que les sujets de parcs n’ont pas!

  5. Fort intéressant cette palette de pins !!

    ça me rappelle mes premières années dans la grande quête, on était lancé sur le sentier y menant, mais force fut de constater que la pleine procession des chenilles était en cours et nous avons préféré rebrousser chemin. Comme pour Castor, ce pin de la cascade garde encore pour moi des mystères.
    Le caractère endémique de la sous-espèce est remarquable, une telle adaptation à l’environnement est un gage de prospérité et même si les paramètres changent indéniablement, ces arbres pourront encore profiter des zones inaccessibles de l’île et perdurer.

    http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/27149/RFF_1955_12_853.pdf?sequence=1
    ça laisse songeur

    – – – –
    as-tu déjà entendu parler du peuplement de houx de la forêt de Stella ? on parle d’un certain nombre de spécimens dépassant les 20 m jusqu’à 25 m pour des diamètres de 70 à 100 cm.

  6. Impressionnant ce laricio présenté dans la Revue Forestière et l’estimation de son âge laisse tout aussi rêveur… presque 1000 ans !!! ça semble assez incroyable.
    Je ne connais pas la forêt de Stella, ça me plairait bien de voir des houx dans de telles dimensions. Si j’ai l’occasion de trainer dans le secteur lors de mon prochain passage… Il y a tellement de choses à voir en Corse mais ces routes de montagne me découragent rapidement pour enchainer les déplacements.

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