L’Aubépine des Pèlerins (Tursac, Dordogne)

N’espérez pas trouver dans cet article de vénérables ligneux multicentenaires ou des dimensions records époustouflantes, pire, l’arbre que vous allez découvrir n’est même pas la vedette locale !
Pourtant, sa présence participe grandement à la légende et renforce le côté mystique du site qui fut l’un des pèlerinages les plus fréquentés de Dordogne.

Une histoire vieille de 600 ans qui a bouleversé la vie des habitants de Tursac, petit village du Périgord noir.
Tout débute en 1417 sur les coteaux de la Vallée de la Vézère.
Comme à son habitude, un paysan promène son boeuf en bordure de la vaste forêt. Ce dernier se met soudainement à creuser la terre à un endroit précis. Intrigué par la scène, son maître continue à creuser et découvre une source où repose une statue de la Vierge Marie ! Il n’en faut pas plus pour que débute la légende de Fontpeyrine.
La statue est transportée dans la paroisse du village, mais disparaît miraculeusement pour se retrouver à nouveau dans la source.
Une chapelle est alors construite à proximité de la Fontaine et voit affluer de plus en plus de visiteurs. Rapidement, des pèlerinages sont organisés.
En 1717, un petit oratoire (un édicule, pour reprendre le terme exact 😉 ) est construit au-dessus de la source et contient la statue miraculeuse.
Nouveau rebondissement le 12 juillet 1769, une terrible tempête ravage le Périgord. Mais le village de Tursac et Fontpeyrine sont épargnés… comme par miracle 🙂 Un signe évident de la protection de la Ste Vierge ! Les paroissiens font alors le vœu de venir en procession à la fontaine à chaque fête de la Visitation.
Durant la période trouble de la Révolution, l’oratoire et la chapelle sont saccagés. Les pèlerinages ne reprennent qu’à partir de 1869 après la restauration du site. La date du 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge Marie, est choisie pour les pèlerinages.
Le site prend le nom de Notre Dame de Fontpeyrine ( de « fons peregrini », la fontaine des pèlerins) et l’utilisation pieuse de l’eau miraculeuse a permis des guérisons attestées. On trouve d’ailleurs de nombreuses plaques d’ex-voto sur la façade de l’oratoire, dont certaines sont très récentes.
Les pèlerinages sont moins nombreux ces dernières années, le dernier grand rassemblement date du 2 juillet 2017 pour le jubilé des 600 ans de la légende.

Vous aurez remarqué que pour le moment il n’a toujours pas été question de notre belle Aubépine… mais patience, j’y viens…
En effet, un troisième élément vient ajouter sa part de mystère à cette légende.
Résumons, nous avons une fontaine guérisseuse, une statue miraculeuse mais aussi un étrange buisson d’aubépine au pied de la source.
Un buisson près d’une source… rien de plus banal, sauf que l’aubépine a une symbolique très forte.
Comme le précise, le panneau d’information placé près de la fontaine :
« Depuis l’Antiquité, l’aubépine symbolise l’innocence et la pureté virginale. N’est-ce pas l’image de la très sainte Vierge Marie qui est devenue la maîtresse des lieux ? »

L’aubépine est présente dans de très nombreuses religions, croyances et mythologie. Dans la religion chrétienne, elle est souvent associée à la Vierge Marie qui aurait trouvé refuge sous un buisson d’aubépine pendant sa fuite en Egypte.
Elle aurait également servi à tresser la couronne d’épines du Christ.
Symbole de fidélité au Moyen-Age pour les jeunes mariés, elle a aussi un pouvoir de protection contre la foudre.
Pour toutes ces raisons, l’aubépine était souvent plantée près des endroits de la vie quotidienne.
Petite similitude avec une autre aubépine célèbre : il était de tradition dans la Montagne Noire de planter une aubépine protectrice à proximité des fontaines comme c’est le cas dans le hameau de Cals dans l’Aude.
Mais selon la légende, celle de Fontpeyrine aurait poussé naturellement, ce qui accentue d’autant plus le pouvoir sacré du site.
Si l’histoire de Fontpeyrine est largement documentée et fourmille de détails, la présence de cette aubépine est en revanche rarement évoquée. Elle a pourtant toute son importance aussi bien symboliquement que pour l’esthétisme du lieu.
D’un point de vue dendrométrique, ses dimensions sont assez impressionnantes avec une circonférence d’1,45m mesurée à 1m du sol. Ce pied d’aubépine se divise rapidement en plusieurs tiges ce qui ne permet pas de prendre la mesure de sa circonférence à la hauteur officielle d’1,30m du sol.
Sa hauteur est d’environ 8m et son houppier forme un beau parasol au pied de la source, comme une invitation à profiter de la fraîcheur du site.
Son état sanitaire n’est pas excellent, un début de pourriture ronge progressivement la base du tronc et condamnera inévitablement la belle aubépine… à moins d’un nouveau miracle 😉
Mais soyons rassurés, à proximité, une autre aubépine plus jeune se prépare à prendre le relais. Ouf, la légende n’est pas prête de s’éteindre !

Face à cette belle aubépine, se pose inévitablement la question de connaitre son âge ?
Et avec si peu d’informations à son sujet, on ne peut que donner une estimation en se basant sur son développement actuel. Il faut tenir compte également des très bonnes conditions de croissance dont elle bénéficie; elle pousse les pieds dans l’eau (une source magique !).
Nous avons peu de références sur de vieilles aubépines qui pourraient servir d’éléments de comparaison.
On peut éventuellement la comparer avec la célèbre Aubépine de Cals à Lacombe (11) dont la circonférence est de 2,97m (mesure actualisée en juillet 2019). Elle pousse également près d’une fontaine et son âge a été estimé à 200 ans.
Celle de Fontpeyrine, avec un tour de taille d’1,45m, a une allure de jeunot en comparaison. Il semble donc peu probable que celle-ci soit très ancienne; elle a certainement moins de 100 ans.

Mais comme dans toutes les histoires légendaires, le rationnel a ses limites… Il reste encore un aspect très troublant au sujet de Fontpeyrine.
En observant cette carte postale du début 1900, on distingue à l’emplacement de l’aubépine actuelle, un buisson en tout point identique à notre belle aubépine.
Comment est-il possible qu’il s’agisse du même arbuste photographié 120 ans plus tôt ???
Voilà encore une part de mystère qui vient alimenter la légende de Fontpeyrine 🙂


Note 1 : sans vouloir casser le mythe, il faut préciser qu’une autre version de l’histoire de Fontpeyrine circule… Cette apparition « miraculeuse » de la statue de la vierge dans une source ne serait en fait qu’une fake news du Moyen-Age montée de toutes pièces pour faire oublier une pratique druidique qui se déroulait près d’un dolmen à proximité de Tursac.


Note 2 : de nos jours, un mince filet d’eau continue à couler de la fontaine. Ces propriétés miraculeuses ont toujours autant de succès mais pour se conformer aux exigences de notre époque, la mairie affiche également les résultats de l’analyse biologique de la source. Bonne nouvelle, cette eau miraculeuse est potable ! 😉

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8 réflexions sur « L’Aubépine des Pèlerins (Tursac, Dordogne) »

  1. Bonjour Castor,
    Merci pour cet article original où le contexte nous est très bien présenté 🙂
    Pour ma part, je suis convaincu que l’aubépine sur la photo historique est la protagoniste de ce récit…et elle serait donc plus que centenaire.
    C’est vrai que son tour de taille, bien que remarquable, est léger comparé à celui de Cals, mais sa hauteur est quant à elle plus importante !
    En tout cas, si on laisse de côté les critères physiologiques (âge et dimensions), cette aubépine est totalement remarquable esthétiquement parlant car, à mon sens, elle constitue un élément indisociable du lieu 🙂

    • Merci Aurélien pour ton commentaire 🙂

      Effectivement ce buisson sur la carte postale ancienne est très troublant… Est-ce qu’il pourrait s’agir d’un autre pied d’aubépine aujourd’hui disparu mais à l’apparence absolument identique à celle que l’on peut observer aujourd’hui ? Mystère…
      Il faudrait trouver d’autres cartes postales anciennes (ou moins anciennes) sous des angles différents pour creuser la question. Mais au fond de moi, je n’ai pas trop envie d’en savoir plus, ça me plait de laisser cette part de mystère 😉

      Oui elle joue un rôle évident dans l’esthétisme du lieu, surtout qu’elle a prend vraiment racine dans la source guérisseuse.
      Ce qui est étonnant, c’est qu’elle n’est quasiment jamais évoquée dans la multitude d’articles existants sur l’histoire de Fontpeyrine.

      • J’ai tenté de retrouver sa trace sur les photos satellites anciennes du Geoportail IGN. Il y avait déjà un ou plusieurs arbres à côté de la source mais il est trop difficile d’en tirer des constats à cause du manque de précision.

        Oui c’est dommage que cet arbre n’ait jamais été mentionné. Maintenant, avec ton article qui démontre le symbole que l’aubépine représente en ce lieu, ça va devoir changer 😉

  2. Un lieu bien intrigant fort en histoire !!

    Pour info, j’ai pu compter les cernes d’une aubépine sur laquelle était greffé un néflier.
    Les deux parties du troncs affichaient les mêmes circonférences autour de 1,6 m.
    Après comptage je suis arrivé à 120 ans en faisant une estimation avec moyenne de croissance car il manquait quelques cm au centre.
    Ce joli spécimen a malheureusement été abattu pour des mesures de sécurité sous une ligne haute-tension, alors qu’il ne faisait que 8 m..

    https://www.monumentaltrees.com/fr/fra/moselle/guerting/15570_prolongementdelarueduruisseau/

    • Merci Sisley pour ces précisions 🙂
      c’est original une aubépine greffée sur un néflier. La greffe était à quelle hauteur ?
      Vraiment navrant et absurde cet abattage à cause d’une ligne haute tension… 🙁

      • ça se fait assez couramment en fait dans les terrains plus délicats, par exemple pour des fruitiers de moyen développement (cognassier, certains Sorbus,..).
        La greffe était en haute-tige, environ 1,7 m.

        Il existe encore quelques exemplaires d’une chimère de genre dont fait parti le néflier de Bronvaux (+ Crateagomespilus dardarii). Suite à une greffe à la fin du XIX e siècle, un pépiniériste obtint un plant qui prit les caractéristiques de l’aubépine et du néflier.

        http://www.fruitiers-rares.info/articles13a16/article15-fantaisies-du-greffage-Charles-Baltet.html
        – – –
        Et oui, il y a eu une campagne d’Erdf il y a quelques années, ils avaient attendu longtemps avant d’intervenir sur des zones, mais comparé au dernier passage, je pense que les consignes ont été élargies..

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