Les 7 merveilles du Dauphiné… version arboricole !

La désignation des Sept Merveilles du Dauphiné remonte au Moyen-Age, à une époque où la population était fascinée par les curiosités naturelles extraordinaires souvent mêlées d’histoires et de légendes incroyables.
Une première liste, datée du XVIIème siècle, est établie par des auteurs et des personnalités locales fortement inspirés par le célèbre mythe antique.
De nos jours encore, les Septem Miracula Delphinatus (en latin ça fait tout de suite plus sérieux 😉 ) sont toujours d’actualité et représentent surtout un formidable attrait touristique pour le département de l’Isère.
Mais la désignation de ces Sept Merveilles, pour l’essentiel liées à des singularités géologiques, a souvent évolué et n’a pas toujours fait l’unanimité… Il aura donc fallu attendre cette période étrange de sortie de confinement, alors que chacun d’entre nous avait soif de redécouvrir béatement les trésors de son territoire, pour que le journal du Dauphiné Libéré prenne l’audacieuse initiative de proposer à ses lecteurs d’élire « les Sept Nouvelles Merveilles du Dauphiné ». Une initiative tout à fait honorable, à laquelle j’étais enthousiaste de participer jusqu’au moment où j’ai découvert avec stupeur la liste des 31 candidats au vote… Aucun monument végétal n’était proposé !!! Comment est-ce possible ???
Foi de castor masqué, il est temps de corriger cette erreur, cette infamie (!) et de montrer que les arbres aussi sont des merveilles naturelles du Dauphiné, au même titre que le Mont Aiguille ou que les 21 lacets de l’Alpe d’Huez !
Mais il faut reconnaître que l’exercice n’a pas été facile, car dans le monde des ligneux merveilleux il y a pléthore de candidats… Alors pour bien coller au sujet, il a fallu limiter la sélection aux seuls arbres poussant dans leur milieu naturel, sans tenir compte de ceux plantés par l’homme (donc exit le Tilleul de Réaumont, le Cèdre du Château de Sassenage, le Saule de la Côte St André…). Et d’un autre côté, il faut aussi privilégier ceux qui ont un lien fort avec la population locale; les arbres déclencheurs de fascination, d’adoration, associant des histoires et des légendes…
La zone géographique devait aussi être redéfinie. Pourquoi se limiter au contour actuel du département de l’Isère alors que les frontières d’origine de l’ancienne Province incluaient les trois départements de l’Isère, de la Drôme et des Hautes-Alpes?
Bref, vous imaginez que la sélection a été rude… Il a fallu faire de terribles sacrifices pour n’en retenir que sept… Voici ma proposition (susceptible d’évoluer !) désignant les Sept Arbres Merveilleux du Dauphiné.

# 1

Déroulons la liste des merveilles en commençant par l’arbre qui me semble correspondre le mieux à la beauté sauvage des paysages du Dauphiné, j’ai nommé : l’Arbre Taillé des Hauts Plateaux du Vercors.
Sa position est parfaite pour en faire un magnifique Ambassadeur du Dauphiné. Il est pile à la jonction entre les Alpes du Nord et les Alpes du Sud et à proximité du Mont Aiguille, monument emblématique de la Province.
Le Vercors détient la plus grande forêt naturelle de Pin à crochets en France. L’homme en a choisi un, cet arbre précisément, pour l’orienter et le rassurer dans cet environnement isolé de tout.
Fantastique arbre repère sur ce plateau désertique, il a guidé des générations de bergers et de voyageurs qui traversaient la plaine de La Queyrie dans des conditions montagnardes souvent hostiles.
Plus d’infos dans l’article qui lui a été consacré : ici.

L’Arbre Taillé des Hauts Plateaux du Vercors

# 2

Descendons le Vercors côté sud. Dans le Diois, un autre arbre emblématique a marqué la vie paysanne : le Châtaignier.
Celui de Chastel Arnaud est exceptionnel à plus d’un titre.
Ses dimensions tout d’abord, avec 9,50m de tour de taille c’est le plus gros châtaignier du Dauphiné… connu à ce jour.
Mais ce n’est pas sa seule singularité. Sa position isolée en amont du hameau des Bellieux lui donne aussi une prestance fabuleuse. Il se dégage du vieil arbre une énergie d’une puissance incroyable qui fascine tous les visiteurs. On est en présence d’un arbre vénéré qui fait l’objet d’offrandes et de nombreux signes d’adoration déposés à son pied.
Autre particularité, un paratonnerre a été installé juste à proximité pour le protéger des colères du ciel.
Son âge est estimé entre 500 et 700 ans et il a été récompensé par le prestigieux label « Arbre remarquable de France » en 2003.
Plus d’informations dans l’article du krapoarboricole : ici

Châtaignier des Bellieux à Chastel-Arnaud dans le Diois

# 3

Un autre arbre extraordinaire, dans la paisible vallée de l’Herbasse près de Romans-sur-Isère, fait lui aussi l’objet d’une adoration sans faille de la part de son propriétaire.
Il s’agit d’un Peuplier noir exceptionnel. Avec plus de 9m de circonférence, ce colosse est l’un des peupliers les plus monumentaux de France.
Son propriétaire estime qu’il est âgé d’environ 175 ans. Eh oui ! Le peuplier n’a pas la chance d’avoir une espérance de vie aussi longue que celle du chêne ou du châtaignier, il est très rare qu’il devienne bicentenaire. Mais en cent-soixante-quinze ans, la vie n’a pas toujours été un long fleuve tranquille pour le Colosse de l’Herbasse.
Il a connu les furies de la rivière, provoquant de terribles inondations, plusieurs tempêtes l’ont défiguré et il a été aussi victime de sa notoriété locale… peut-être la plus dangereuse… A ce propos, il faut savoir que le Peuplier de l’Herbasse est une véritable Star locale. Il fait parti des objectifs de balades du WE pour les riverains et sert aussi de point de ralliement pour de nombreuses célébrations ou plus simplement pour un pique-nique dominical.
Le propriétaire a toujours fait l’effort de laisser l’accès libre à son arbre-vedette et c’est tout à son honneur ! Il est conscient du caractère remarquable de son peuplier et en signe d’admiration, il lui a même laissé une petite dédicace à l’intérieur de son tronc telle une épitaphe sur la vieille carcasse du colosse.
Toutes ces preuves d’amour sont malheureusement gâchées par le manque de respect de certains visiteurs qui n’hésitent pas à venir en voiture jusqu’au pied du géant et laissent toutes sortes de « petits souvenirs » indésirables à proximité…

Plus d’infos dans l’article qui lui a été consacré : ici.

Le Peuplier colosse de l’Herbasse

# 4

Le voyageur qui s’aventure dans le sud du Dauphiné découvre des paysages radicalement différents. Tout un nouveau monde s’ouvre à lui. L’ambiance est franchement méditerranéenne, on entre dans le royaume de la garrigue, du chêne blanc, du chêne vert et des cades par milliers !
Mais ne tombons pas dans les clichés habituels, les joyaux de la Drôme provençale ne se résument pas aux seuls champs de lavande et à l’olive noire de Nyons… Un autre vrai trésor naturel se cache au fond d’un vallon rocailleux au pied du Ventoux.
En effet, sur le territoire de Reilhanette un chêne pubescent présente des dimensions rarement observées en Méditerranée. Son tronc tout bosselé, tourmenté après plusieurs siècles passés dans cette garrigue sèche affiche un incroyable 7,30m de circonférence.
Mais sur l’un de ses profils, il présente aussi les stigmates de la dure réalité de la vie sauvage. Le vieux chêne est balafré de haut en bas par une antique blessure due à la foudre. C’est sûr, cette « vieille écorce » est un dur à cuire !
Dans l’état actuel de nos inventaires, il serait l’un des plus gros chênes blancs de France.

Le Chêne blanc de Reilhanette

# 5

Le territoire de la Province du Dauphiné est immense.
Les hautes montagnes du sud-est sont couvertes par des mélèzins aux couleurs flamboyantes à l’automne et au vert tendre au printemps.
Naturellement, j’aurai dû retenir un mélèze géant pour représenter ce secteur du Dauphiné, mais il m’a semblé plus opportun de privilégier un site absolument extraordinaire dont la notoriété est reconnue dans toute l’Europe : la spectaculaire thuriferaie de St Crépin, près de Guillestre.
Il faut découvrir ce peuplement séculaire de Genévriers thurifères par l’ancien chemin muletier des Guions et savoir que la présence endémique de cette espèce n’est réservée qu’à quelques sites très localisés dans les Alpes méridionales. Dans ce contexte, chaque pas est un véritable émerveillement et le bout du sentier mène à un spécimen absolument hors norme (plus de 6m de circonférence) nommé « l’Eléphante » ou localement « la Mère » car probablement à l’origine de l’ensemencement d’une grande partie du peuplement.
Les botanistes pensent que l’Eléphante serait millénaire… et il serait même possible qu’elle ait quelques centaines d’années de plus (à ce stade on ne compte plus le nombre des bougies 😉 ) !

Plus d’infos dans l’article qui lui a été consacré : ici.

L’Eléphante, genévrier thurifère de St Crépin

# 6

Attention, à ce stade de la compétition on ne peut pas se permettre de présenter un autre Outsider. Il faut revenir aux fondamentaux, à l’essence même qui constitue la forêt dauphinoise. Place désormais à l’emblématique Sapin de montagne, Roi des Forêts !
Et dans cette catégorie pourtant si bien fournie, je n’ai eu étrangement aucune difficulté à choisir un digne représentant du genre Abies.
Les deux Sapins « Henri IV » du Massif de Belledonne ressortent de toute évidence comme les sapins les plus extraordinaires du Dauphiné.
Leur surnom de Sapin Henri IV, sans aucun lien avec les Arbres dits de Sully, vient de leur âge canonique estimé à 400 ans. Ils auraient donc germé vers 1600 sous le règne d’Henri IV.
Il faut savoir que dans ces rudes conditions montagnardes, à près de 1500m d’altitude, il est très rare qu’un sapin dépasse l’âge de 300 ans.
Ces deux sapins ont des aspects très différents malgré leur âge similaire. On distingue le « Sapin Henri IV Gouraud » (à cause de sa branche latérale lui donnant un air de ressemblance avec l’emblématique Cèdre Gouraud marocain) dont les dimensions sont exceptionnelles (5,70m de circonférence), du « Sapin Henri IV du Rocher » dont le pied englobe un bloc rocheux et aux dimensions plus modestes. Ce dernier a malheureusement été victime d’une tempête en 2016 qui l’a en parti défiguré.

Plus d’infos dans l’article qui leur a été consacré : ici

Les Sapins Henri IV de la Forêt du Bout

# 7

Nous voici arrivés au bout de liste des 7 merveilles du Dauphiné et je suis sûr que vous vous demandez si je n’ai pas oublié l’arbre le plus célèbre de la Province ?
L’arbre le plus photographié des Alpes, l’arbre aux mille articles de Presse, le seul arbre au monde à avoir sa page Facebook suivis par 2 000 followers…
Bien-sûr que non, je n’aurai pas osé commettre ce sacrilège !
Clôturons la liste avec le célébrissime Chêne de Venon , Le Phare de Grenoble, le Chêne des neiges, celui qui domine sur sa colline toute la vallée du Grésivaudan.

Plus d’infos dans l’article qui lui a été consacré sur le blog : ici

Le Chêne de Venon

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6 réflexions sur « Les 7 merveilles du Dauphiné… version arboricole ! »

  1. Ma foi, je valide ces sept merveilles 🙂
    Au début, j’ai cru que tu ne mentionnerais pas le chêne de Venon parce qu’il était planté par l’homme. Etant surement le plus jeune des 7 sept « arbres merveilleux », j’ai pensé qu’il aurait pu être implanté là comme repère, mais non ^^ et tant mieux car pour une merveille, c’en est une !
    Je ne connaissais pas le Chêne blanc de Reilhanette, il est vraiment balèze ! Curieux qu’il n’ai pas d’article…

    • Bonnes remarques Aurélien 🙂
      Concernant le Chêne de Venon (tout comme le châtaignier des Bellieux) il est possible qu’il soit planté par l’homme… mais je n’en sais pas plus. Le plus important dans la sélection était surtout de ne conserver que des arbres poussant dans leur milieu naturel et d’écarter ceux (exotiques ou non) plantés dans les parcs ou en conditions urbaines.
      Par contre le chêne de Venon (environ 250 ans) n’est pas le plus jeune de la liste, c’est le Peuplier de l’Herbasse (175 ans) le benjamin 🙂

      Pour le chêne de Reilhanette, c’est ma rencontre la plus récente, mon grand coup de cœur de cette fin d’année. Effectivement pas d’articles sur le web, par contre il était enregistré sur Arbres monumentaux mais avec deux grosses fautes monumentales : en tant que chêne pédonculé (et non chêne pubescent) et surtout mal positionné sur la commune voisine dans le Vaucluse et donc en région PACA. Alors en tant que vengeur masqué, il était important de corriger cette erreur et de le repositionner dans son Dauphiné natal 🙂

      • Ah autant pour moi, le chêne n’est pas le plus jeune. Après si on considère la vieillesse par essence, le peuplier, est peut-être le plus vieux des 7 arbres pour le coup ! ^^

        Oula, ca ne se fait pas de grappiller l’arbre d’une région comme ça ! C’est du vol !
        Un bel article devrait aider replacer l’église au centre du village 😉

  2. Ouah ! Superbe boulot encore une fois Castor !
    On voit bien que les arbres sont partie prenante de l’Histoire d’un territoire au même titre que des monuments plus minéraux on va dire…
    Bravo !

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