Régis vient rebattre les cartes dans la course aux géants!
Tout commença en 2009 alors qu’en quête de deux spécimens dans ce coin de Moselle, je me référais aux annotations du Club de marche vosgien et Ign qui marque certains arbres le long des sentiers. Je rencontrais donc le fameux chêne du Kaiser qui en passant va être labellisé dans les semaines à venir et deux Douglas qui me parurent pour le coup très hors normes (j’avais encore peu de recul sur les potentiels en hauteur des grands arbres).
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En me promenant le long du chemin forestier j’observai néanmoins un fort pourcentage d’arbres de grandes tailles, notamment des Douglas, mélèzes et sapins blancs, mais à cette époque je n’avais malheureusement pas d’outils me permettant de les mesurer et je restai sur une donnée approximative de 50 m.
Les années passèrent et j’obtins un télémètre laser qui me permit d’affiner pour conclure que le Douglas mesurait 57 m, un record pour le département. Suivirent encore des saisons et mon obsession des dendro-mesures gagna du terrain, inconsciemment je savais que j’étais passé pas loin de quelque chose. C’est en décembre dernier que je décidais de m’y atteler une nouvelle fois, car entre temps j’avais glané une info de taille, un Douglas avait été mesuré à 64 m dans les mois précédents. Donc en terrain plus ou moins connu j’évoluais en suivant un circuit récemment crée par le club de marche avec pour thématique sur les arbres remarquables. Je repassais devant le duo de Douglas et quelle ne fut ma surprise car 400 m plus loin en suivant une courbe je débouchais sur un peuplement qui ne pouvait être autre que ma destination. 400 m qui m’ont séparé toutes ces années d’un spot d’exception, 37 sapins de Douglas au fond d’une petite combe dont l’origine de la plantation remonterait à la période de l’annexion allemande vers 1875-80. Je commençais donc les mesures sur l’arbre indiqué et je compris rapidement qu’on allait prendre de l’altitude, 60,61,62,63,63.5 = 63,5 m , 4,35 m de tour (à 1,5 m du sol) et un fût libre de 21 m, un exemplaire hors norme ! J’essayais toutefois de faire des prises alentours, ça tournait dans les 58 à 60 m et en venant un mélèze fut estimé autour de 50 m. Les conditions de lumière décroissante et les km restants me poussèrent à continuer mon chemin car je voulais boucler le circuit.
Restant avec ces mesures en tête, j’en publiai toutefois la majorité sur différents sites et quand Aurélien me contacta pour avoir des infos sur ces données dernièrement inscrites, il m’incita je dois le dire à décrocher mon télémètre et reprendre la route !
Déjà maintenant on peut parler d’un périple payant. Pour l’ultime étape rien ne devait être négligé, je pris la route forestière depuis son début et je procédais avec méthode jusqu’au lieu-dit.
Première étape, une petite combe (C1 sur le plan) (je ne sais pas si c’est le terme exact, un renfoncement étroit qui rentre dans le massif, d’une dénivelée d’environ 50 m sur environ 300 m de long) où le mélèze, je pense qu’il s’agit de l’espèce dite d’Europe, avait été repéré. Pour ces mesures en terrain accidenté, ça n’est jamais aisé, j’utilise quand ça n’est pas possible d’avoir deux visées, un repère sur le tronc (marquage au scotch, certain prennent une mire télescopique qui n’est pas pratique à transporter) et pour résultat final j’obtins 52 m pour 2,02 m de circonférence. Un record national pour l’espèce mais en regardant dans les territoires étrangers à 200-300 km à la ronde on observe qu’en Allemagne le plafond actuel est à 53,80 m. ça n’est toutefois pas loin des maximales en dimensions car la plupart du temps ces arbres culminent autour de 40 m.
Mon œil fut attiré dans le fond du paysage par des cimes pointues fort reconnaissables, un petit peuplement de Douglas, j’entrepris la descente et ne fut guère déçu du spectacle, 9 exemplaires de 0,90 à 1,10 m de diamètre et des tailles vertigineuses, le premier fut certifié à 62,5 pour 3,15 m de tour m, le second que j’estimais le plus haut avait 63,2 m pour 3,07 m de tour. D’après des comptages sur une souche, j’estimais les arbres à 100-115 ans.
Très prometteur pour la suite, je poursuivis vers une seconde combe (C2 sur le plan) adjacente où un ensemble de résineux abritait quelques mélèzes, je m’arrêtais sur un surprenant individu, 51 m et un tronc rectiligne sans branches sur 27 m. Décidément quel potentiel dans ce bout de forêt ! (non illustrée)
Le cœur à l’ouvrage je suivais le chemin dominant ces reliefs gréseux où débute la formation des Vosges du nord et qui continue vers la proche Allemagne (3,5 km à vol d’oiseau) avec le Palatinat, des formations gréseuses avec des altitudes moyennes de 350 à 450 m pour un sommet français de 582 m et j’atteins la troisième combe ciblée (C3 sur le plan) , nommée ‘Sperbendell’.
Celle-ci abrite comme indiqué précédemment un peuplement de 37 Douglas assez dense et dont le plus imposant mesure 63,5 m. Voulant en avoir la certitude, je commençais donc une série de mesures mais là encore le relief et la promiscuité des arbres ne rendit pas la tâche facile, néanmoins j’en repérai un atteignable plus en contre bas et après un petit dégagement pour le pointage, de quelques rameaux buissonnants, le déroulement fut le suivant, 62,63,64,64.5.6.7.8 = 64,8 m et oui qui l’eut cru, deux records en 3 mois. Cet arbre se trouve au bout de la parcelle en contre bas du chemin et a une circonférence de 3,47 m. Pour se faire une bonne idée il faudrait un survol en drone car c’est relativement difficile contrairement à la première combe de se rendre compte des hauteurs. C’est à dire qu’a l’heure actuelle, la mesure certifiée la plus grande est de 64,8 m mais il se pourrait donc que cela dépasse de quelques décimètres la valeur trouvée.
Les spécimens en question ont des diamètres de troncs compris entre 0,6 et 1,2 m avec une moyenne de 1 m alors que le plus gros atteint 1,38 m.
Tous ces peuplements sont issus d’une sylviculture autrefois expérimentale, car toutes les placettes ont judicieusement été localisées et plantées. En effet à chaque fois il s’agit de zones exposées presque au plein nord avec de faibles luminosités une bonne partie de la journée et une humidité suffisante. En visualisant les plantations d’origines, on s’imagine bien des peuplements très denses soumis à une très forte concurrence d’où aujourd’hui de telles dimensions, la situation est optimale pour donner des géants.
Pour la combe 2 on arrive assez bien à visualiser l’ensemble du petit groupe et comme l’on se situe environ à 45 m au-dessus du fond, l’impression est bonne pour se rendre compte des hauteurs.
Il ne faut pas oublier pour autant que ces parcelles sont majoritairement entourées de feuillus avec des dominantes en hêtre et chêne sessile accompagné de charme, châtaignier et pin sylvestre. Les résineux introduits sont l’épicéa commun, le sapin blanc qui se trouve naturellement plus au sud dans le massif, le Douglas, le mélèze et quelques thuyas occidentaux.
Aujourd’hui on est en présence de Douglas dits mûrs et donc en partie exploités et oui, n’oublions pas qu’au début le but de la manœuvre c’était pour en récolter des bois de grande valeur.
La majorité est cependant conservé et géré durablement même si l’on peut ajouter qu’actuellement d’après une source locale des acheteurs chinois rechercheraient des grumes de gros diamètres pour en faire des sépultures (une grume évidée) car les qualités de non putréfaction de son bois sont très bonnes.
En conclusion, cette présentation expose les plus grands arbres mesurés à ce jour de la partie nord du pays et les plus grands mélèzes de France, bien qu’il faille ajouter que l’Allemagne voisine détient les records pour les mêmes espèces à environ 230 km au nord-est pour le mélèze en 2013 et 130 km au sud-est pour le Douglas avec 67,1 m en 2019 et qui n’a que dans les 108 ans !
Ce sont certes des mesures qui impressionnent mais je garde avant tout l’objectif d’inventorier et ajouter des données pour tout type de ligneux, indigène, exotique, de la strate arbustive aux sommets de nos contrées.
Je tiens également à remercier la commune de Haspelschiedt et le club vosgien pour leur implication dans la réalisation du circuit découverte ainsi que l’Onf qui leur a permis d’utiliser les balisages.
A une prochaine fois pour de nouvelles aventures dans le Grand-Est.
Bonjour Régis !
Merci pour cet article très précis et bien illustré (pas facile de photographier ces géants). Le nord-est abrite des arbres atteignant des hauteurs exceptionnelles, et pas que les douglas et les mélèzes apparemment 😉
Donc, si je récapitule, on a :
– Un mélèze de 52m de haut et 2.02m de circonférence
– Un douglas de 62.5m de haut et 3.15 m de circonférence
– Un douglas de 63.2m de haut et 3.07m de circonférence
– Un douglas de 64.8m de haut (!!!) et 3.07m de circonférence
Sauf erreur de ma part, et sous réserve d’autres découvertes, le mélèze devient le champion national incontestable et les deux plus hauts douglas que tu as mesuré prennent les deuxièmes et troisièmes places sur le podium des plus hauts arbres de France ! Bravo ! Que les investisseurs chinois passent leur chemin sur ce coup là.
Régis, une question : penses-tu que ces arbres peuvent encore grandir ?
Impressionnant…
Super découverte Sisley, bravo !
🙂 🙂 🙂
Une nouvelle brochette de douglas à plus de 60m et dont l’un qui vient froler le record national, wahou !
Avec toutes ces nouvelles références de hauteur depuis le début d’année, ça donne vraiment le vertige. Je n’arrive plus à suivre le classement, il faut Aurélien que tu remettes à jour la « frise des géants » avec ces nouvelles données.
On doit être à plus de 10 douglas de plus 60m en France, mais est-ce qu’on a une autre espèce qui a franchit la barre mythique des 60m sur notre territoire ?
Ce groupe de douglas forestiers mosellans ressemble beaucoup à la situation des arbres géants de Ribeauvillé en Alsace.
http://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/2013/05/06/a-propos-des-geants-du-piemont-alsaco-vosgien-vallee-de-st-marie-aux-mines-ribeauvillehaut-rhin/
Il faudrait que tu nous précises Sisley, ta méthode de mesure de hauteur depuis le sol pour plus de précisions.
En tout cas, j’ai comme l’impression qu’Aurélien va aller promener son drone dans le Grand Est dès la fin du confinement 😉
Salut Castor,
Maintenant que je connais les mesures de Sisley sur ces nouveaux champions, je dois certes remettre à jour la « frise des géants ». J’ai comme l’impression qu’il pleut des records en ce moment !!!
Une chasse aux géants dans le nord-est, pourquoi pas si Sisley me paye l’apéro 😉
Bonjour à tous et merci.
C’est effectivement un secteur qui devait être plus amplement détaillé et exposé à tous.
Pour la croissance en hauteur, je ne sais pas trop, encore récemment j’ai vu qu’un Douglas progresse régulièrement jusqu’à environ 150 ans donc pour certains il y aura peut-être un ralentissement..
Pour la barre des 60 m, mise à part les sapins de Vancouver, je n’ai pas d’infos pour la France. Certains résineux dépassent le seuil mais on doit rejoindre l’Europe centrale et plus loin, toutefois je ne désespère pas de dénicher des places comme ces dernières qui abritent des micro-espaces très propices.
Pour les prises de mesures, j’ai dû utiliser pour certains des captures en deux points de la cime au pied et pour d’autres j’ai installé un témoin sur le tronc car le pied n’étant pas dégagé on ne pouvait y voir clair et j’ai procédé en deux étapes, de la cime au témoin et du témoin au pied à l’aide d’un mètre semi rigide.
Je précise que j’utilise la technique conventionnelle qui identifie le point médian de la base de l’arbre. Cela demande des fois à s’y prendre à plusieurs reprises car les terrains sont accidentés et ça n’est pas toujours facile de se repérer. On peut avoir des différences de l’ordre de 15 à 20 cm.
Et oui, le scoop serait un survol en drone. ça n’est pas forcément évident car on est à cheval entre des zones militaires et le parc des Vosges du nord et soumis à des restrictions de vol.
Il y a quelques semaines est paru un article relatant de la combe 3, il y est question des grandes hauteurs et du potentiel de l’espèce.
Seulement en fin de texte, un référent a.r.b.r.e.s. explique qu’en Allemagne des sujets approchant 80 m ou plus peuvent se trouver. Je trouve dommage de mettre à tort et à travers des chiffres qui ne sont pas vérifiés, en tout cas, le plafond européen se trouve au Royaume-uni avec 68,4 m en 2017, donc éventuellement autour de 69 m aujourd’hui si la flèche n’a pas eut de dommage.
J’ai un peu fouiller sur le net et j’ai seulement trouver une courbe montrant que pour un individu âgé de 100 ans, la fourchette moyenne de hauteur est comprise entre 42 et 62 m, donc ça ne nous avance pas trop.