Réédition de l’article suite au piratage.
« Pour vivre heureux, vivons caché »…
Un adage qui pourrait s’appliquer à merveille à ce vénérable Mûrier.
En effet, il a fallut batailler dur pour retrouver sa trace. A tel point que j’ai même pensé un moment qu’il lui était arrivé malheur…
Pourtant, les informations dont je disposais me semblaient largement suffisantes pour partir à sa rencontre : un mûrier de 400 ans, labellisé par ARBRES dans le village d’Aubusson d’Auvergne.
C’est donc en toute confiance que je me laissais guider par mon GPS vers ce minuscule village du Livradois. Mais lorsque Catherine m’annonça de sa voix langoureuse « Vous êtes arrivés… » (mon GPS me propose aussi en option la voix de Jacques, mais elle est nettement moins agréable), je me retrouvais au milieu d’un carrefour totalement dépourvu d’arbres. Quelle surprise !
En poursuivant mes recherches à pied dans les petites rues du village, une certitude se dessinait : il n’y avait pas le moindre Morus à Aubusson ! Dans un dernier espoir, je questionnais quelques habitants sur la présence hypothétique d’un arbre exceptionnel, mais en vain.
Étrange tout de même pour un arbre ayant reçu un label en 2002…
J’étais alors prêt à me résigner à cet échec et accepter de rentrer bredouille lorsque la Factrice m’interpella : « C’est vous qui recherchez un vieil arbre ? Allez sonner à cette porte, le Papi connait toute l’histoire du village !».
Et Bingo ! Effectivement, ce Papi était la mémoire vivante de la commune. Il m’orienta immédiatement vers le hameau de Puymillier, à tout de même deux kilomètres du centre du village, où se trouvait le Mûrier du Chevalier.
C’est bien caché entre deux corps de ferme que ce magnifique Mûrier coule des jours heureux depuis… depuis… très longtemps ! Justement à ce sujet, des petites incohérences historiques rendent la détermination de son âge plutôt délicat.
Mais commençons par un relevé précis de ses mensurations afin de mieux apprécier les dimensions exceptionnelles ce Mûrier noir (Morus nigra).
En juin 2015, sa circonférence prise à 1,3m de hauteur est de 4,18m. Un chiffre presque record et à mettre en relation avec un tronc ne présentant aucun défaut de forme.
En revanche, il s’est complètement creusé au fil du temps et la présence du vieux cerclage tout rouillé a du éviter qu’il éclate littéralement (c’est souvent le terrible destin des mûriers).
Sa hauteur par contre n’a pas trop de sens puisqu’il a été taillé à de nombreuses reprises.
Sur le petit panneau placé au pied du mûrier, deux hypothèses sont avancées pour estimer son âge.
La première vient d’une légende : un valeureux chevalier l’aurait planté au retour d’une croisade. Bien que le Mûrier noir ait été introduit dans le Sud de la France depuis l’Antiquité (le Mûrier blanc est plus récent), j’ai tout de même du mal à croire à cette légende. Effectivement, après vérification sur Wikipedia, la dernière croisade (la Huitième) s’est achevée vers 1275. Le valeureux chevalier, même en trainant sur la route du retour, aurait donc planté son Mûrier il y a plus de 700 ans ! Un âge difficilement plausible, ce qui me fait penser que l’on peut raisonnablement écarter cette piste.
La seconde hypothèse (d’où vient-elle ?) serait que le Mûrier a 400 ans et donc contemporain à Henri IV. Il pourrait s’agir alors d’un Arbre de Sully. Ce serait tout de même très surprenant, non seulement parce que le Mûrier n’était pas une espèce choisie traditionnellement comme arbre de Sully (le Tilleul et l’Orme étaient préférés) mais aussi parce que 400 ans, ça fait tout de même très, très vieux pour cette espèce. Les Mûriers dépassent péniblement l’âge de 150 ans. Lorsque le Mûrier devient centenaire le tronc a la fâcheuse habitude de s’éclater ce qui le fait passer de vie à trépas… à moins que des rejets prennent le relais sur la souche éclatée.
Jetons un œil dans nos archives de bloggers arboricoles pour savoir si des mûriers aussi vieux ont déjà été recensés.
Parmi les plus vieux mûriers, on peut évoquer celui de St Raphaël sur le littoral varois.
J’ai eu l’occasion de passer le voir en aout 2015 et mesurer sa circonférence : 4,60m à 1,3m de hauteur.
Il se trouve dans le parc d’une maison de retraite (quel beau destin !) et fait l’objet de beaucoup d’attentions. Son tronc est complètement creusé et il ne reste plus beaucoup de parties vivantes. En 2014, une réduction de son houppier a été réalisée avec beaucoup de soin, des supports ont été ajoutés et les blessures du tronc soignées. Un article sur le Krapo avait été rédigé en 2011.
Sa date de plantation n’est pas connue précisément mais elle se situerait aux environs de 1840, ce qui lui fait un âge de 175 ans.
Bien que les conditions de croissance ne soient pas les mêmes, les dimensions et la physionomie de ce vieux mûrier sont assez similaires à notre Mûrier du Chevalier.
Toujours dans notre cher Krapo arboricole, un autre très vieux Mûrier avait été présenté en 2011.
Il s’agit cette fois d’un Mûrier de Sully à Villes-sur-Auzon dans le Vaucluse.
Sa circonférence de 6,50m ne peut pas être retenue comme une mesure fiable car le tronc a éclaté et se trouve partagé dès sa base en deux tiges.
Son âge serait donc de 400 ans… Mais est-on vraiment sûr que ce Mûrier soit contemporain du Roi Henri IV ? Nous avons déjà évoqué ce problème avec des Tilleuls dits de Sully et dont la physionomie n’était pas celle d’un arbre âgé de quatre siècles.
J’ai beaucoup de doutes sur l’âge véritable de ce Sully du Vaucluse… et l’intime conviction que notre Mûrier du Chevalier n’est pas non plus aussi vieux…
J’ai du mal à croire qu’il ait plus de 200 voir 250 ans… Mais ce ne sont là que des hypothèses.
La vérité ne sera certainement jamais connue, alors finalement je me plais à rêver à cette légende du valeureux Chevalier rentrant de la dernière croisade sur son cheval blanc et plantant dans son petit village auvergnat une bouture d’un arbre fascinant rencontré en Orient…
Bonjour, je viens de visiter Trigance dans le Var. il y a un grand murier blanc dans le village dont le tronc commence sérieusement à s’éclater.
Si vous avez des photos à nous envoyer, passez par la page de contact.
Merci pour l’info.