Le Séquoia géant du Château de la Chèze au Cheylard, Ardèche

« 10 mètres de tour »… « 10 mètres de tour »… « 10 mètres de tour »…
Ce chiffre raisonne dans ma tête depuis ce matin.

De passage en Ardèche, je ne manquais pas de jeter un œil à la carte de Tristan afin de visualiser les arbres remarquables localisés dans le secteur.
Jusqu’à présent, très peu ont été identifiés en Ardèche. C’est surprenant pour un département aussi forestier et possédant une profonde tradition rurale.
Sur les quelques repères présents sur la carte, l’un d’entre eux captive toute mon attention.
Et pour cause, il s’agit d’un séquoia géant dont le tour de taille dépasserait les 10 m. Ce n’est pas un chiffre record pour cette espèce. En France, une poignée d’entre eux dépasse les 10m et le plus gros flirte même avec les 13m !

Mais pour le jeune chasseur d’arbres vénérables que je suis, je n’ai jamais rencontré un arbre atteignant le chiffre symbolique des 10 m de circonférence.
J’étais impatient d’aller rendre visite à ce colosse !
Mais quelques surprises allaient pimenter ma visite…

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Le Séquoia du Château de la Chèze avait fait l’objet d’une petite présentation sur  le site sequoias.eu.

Les coordonnées GPS du géant n’étaient pas très précises, mais une fois dans le charmant village ardéchois du Cheylard, il suffit de lever les yeux pour localiser l’imposant Château de La Chèze : une position écrasante du château au-dessus du bourg.
La silhouette du giganteum se distingue aussi aisément… ouf, il est toujours présent !
Mais une pensée terrifiante me traverse l’esprit : et si ce domaine était privé et que l’accès me soit interdit ??? Comment ne pas y avoir pensé avant !

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Le doute est rapidement levé en arrivant sur la colline. Le domaine du château (11 hectares) est bien ouvert au public et a même fait l’objet de belles installations pour profiter de la situation exceptionnelle du site.
La splendeur actuelle du Château de la Chèze est le résultat 20 années d’effort de restauration. Ce très vieil édifice a été construit aux alentours du 13ème siècle et a été habité de façon permanente jusqu’à la seconde guerre mondiale. En juillet 1944, les Nazis y mettent le feu. Le château est ravagé. La commune du Cheylard rachète alors tout le domaine en 1946 et entame les travaux de restauration et d’aménagement du parc.
Depuis que le Château a retrouvé toute sa splendeur, les travaux de restauration porte sur le jardin à la française.
Mais regardons de plus près la partie boisée du domaine. Sur cette butte rocailleuse, le sol est superficiel. Les conditions de croissance sont difficiles et la hauteur des arbres et arbustes plafonnent rapidement à une hauteur très modeste.
Trois arbres se distinguent de la végétation naturelle et attirent le regard des promeneurs :
– un Cèdre de l’Atlas âgé de 150 ans avec une circonférence d’environ 4,5m, ce qui reflète bien les conditions difficiles de croissance. Au même âge, dans des sols riches et profonds on peut trouver des cèdres de plus de 6m de tour de taille.
– un Séquoia géant à peine séculaire affichant une circonférence de 4,9m à 1,3m du sol et présentant une grosse blessure sur le tronc.
– et un Séquoia géant colossale, la vedette du Domaine !

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Mais en s’approchant  de l’arbre tant convoité, je ressens un pincement au cœur…
Nul besoin d’être arrivé à son pied pour s’apercevoir que son état de santé est très inquiétant.
L’arbre souffre. Son houppier est bien dégarni… De toute évidence, ce géant ne peut pas vivre normalement avec si peu de branches vertes.
Pourtant aucune grosse blessure apparente ne semble être la cause de ce dépérissement. La succession des sécheresses des dernières années sur ce sol bien maigre, en est très certainement la cause.

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Après ce triste bilan de santé, passons aux choses sérieuses.
Le moment de vérité est arrivé !
Je sors mon double décamètre à enroulage automatique, bien décidé cette fois-ci à l’utiliser dans sa fonction « double » et non pas « simple » décamètre…
Ce giganteum a un fort empattement à la base, à l’image d’un pied d’éléphant. Je positionne donc à 1,5m de hauteur mon ruban. Je prends soin de bien m’aligner en faisant le tour du tronc. Mon coeur s’accélère en voyant les chiffres défilés…7m… 8m… 8,5m… 9m… et… zut ! me voilà au point de départ ! Argh quelle déception, il était pourtant annoncé sur le site séquoia.eu à 10,5m à 1,5m du sol.
Je descends alors le décamètre à 1,3m du sol et recommence mon tour de piste… 9,6m ! re-zut! Je suis déçu, je n’aurai pas atteint le chiffre symbolique des 10m.
Je me positionne à la base du tronc et mesure finalement un tour à 13m. Une mesure intéressante pour montrer la forme de l’arbre mais qui ne peut être retenue pour sa circonférence.

Malgré cette mesure décevante, il reste le plus gros arbre que j’ai pu rencontrer.
Jusqu’à présent, je n’avais vu que deux arbres dépassant les 9m de circonférence : le Tilleul Sully de Réaumont en Isère avec 9,1 m et le Châtaignier des Bellieux à Chastel-Arnaud dans la Drôme avec 9,4 m.

La mesure de la hauteur réalisée au dendromètre électronique annonce un timide 28m, à mettre en relation avec la pauvreté du sol (la hauteur des arbres est le reflet de la fertilité du sol). Cette hauteur plutôt modeste lui donne un aspect trapu. Avec un tel tour de taille, on aurait pu s’attendre à une hauteur voisine des 35m.

Positionnement géographique : 44°54’23″N, 004°25’50″E – Altitude 550m.

Le Séquoia géant du Château de la Chèze a une autre particularité intéressante.
Sa plantation en 1865 par le propriétaire de l’époque en fait l’un des plus vieux Séquoia français. Il a donc tout juste 150 ans (en considérant qu’il ait eu un an au moment de sa plantation).
Pour positionner notre « champion », voici un petit rappel des dates clés de l’histoire des Séquoias (source wikipedia) :
– il y a 200 millions d’années apparition sur Terre des Séquoias.
– 1833, Joseph Reddeford Walker en expédition à travers la Sierra Nevada mentionne et décrit pour la 1ère fois un Séquoia géant. Mais sa découverte n’est pas officialisée.
– 1850, John M. Wooster est le second européen à découvrir l’espèce. Sa découverte n’est pas non plus officialisée.
– 1852, August T. Dowd, annonce officiellement la découverte d’un Séquoia géant baptisé « Discovery Tree ». Il sera abattu en 1853 (pas l’oncle August, mais l’arbre !).
Août 1853, les premières graines sont expédiées en Europe (Gourdie Hill, Écosse).
– 1855, le 1er séquoia géant est planté en France (10 ans avant celui du Château de La Chèze)
– de 1852 à 1950, un tiers des forêts naturelles de Séquoia sont coupées.

Je quitte l’endroit avec une impression mitigée sur cette visite.
Le site est bien aménagé et magnifique avec une vue panoramique sur les montagnes ardéchoises. La restauration du château a permis de lui redonner toute sa splendeur.
Mais concernant la « Vedette du Parc », son dépérissement accéléré va le conduire à une mort rapide. Pour éviter tout risque d’accident du à la fréquentation du public, son élimination est prévisible dans les toutes prochaines années.

Un Séquoia qui n’atteindra surement jamais les 10m de circonférence…

Localiser sur la carte ici

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5 réflexions sur « Le Séquoia géant du Château de la Chèze au Cheylard, Ardèche »

  1. Je pense que l’on a tous eu ce genre de déconvenues! D’où l’intérêt de vérifier les dimensions, je pense notamment au tilleul d’Ivory annoncé à 17 m alors « qu’il n’en fait » qu’un peu plus de 12 m, idem pour le platane de Fervaques…
    http://krapooarboricole.wordpress.com/2008/02/13/venerable-tilleul-jurassien/
    Les cartes postales anciennes aussi mentent souvent, ou alors ce sont les dimensions au ras du sol…
    On m’a parfois signaler des arbres en les comparant à des sujets vénérables bien connus, mais dans la plupart des cas les dimensions étaient largement inférieures (de plusieurs mètres) au sujet de référence! Une exception, celle d’un chêne que l’on m’a signaler l’an dernier, en m’annonçant qu’il était proche de celui de Concoret soit plus de 9 m, (je n’y croyais pas). Résultat, 9,01m (je tiens au p 0.01 m!) soit le champion, en ruine, d’Ille-et-Vilaine, non répertorié jusque là!

    Quoiqu’il en soit, ce séquoia est quand même sacrément impressionnant, son bel empattement y est certainement pour beaucoup, et paradoxalement sa relativement faible hauteur aussi, cela lui donne un aspect massif!

  2. Déjà corrigé et mis à jour, une belle réactivité du site sequoia.eu, bravo !
    Je suis un peu gêné d’avoir mis en évidence une erreur de prise de circonférence, ces 10,5m annoncés étaient trop optimistes.
    Le site sequoia.eu reste toutefois une belle référence sur ces géants californiens avec une mine d’informations bien utiles pour tous les amoureux de la nature.
    Bonne continuation !

  3. Aha, les vieux arbres se serrent la ceinture 😀
    Entre les mesures annoncées et celles relevées, la différence est parfois énorme.
    Ces arbres n’en déméritent pas moins, ils sont géants !
    La photo de 1900 est intéressante, on dirait un daguerréotype !
    Bravo pour ce travail de recherche sur ces vieux bonhommes !

  4. Bel article pour un spécimen de gros volume !

    Si ça peut te rassurer, j’ai mesuré des centaines d’arbres et le plus gros que j’ai pu voir fait 9,86 m. Donc même pas un individu de plus de 10 m 🙁
    Et le comble c’est que j’ai aiguillé pas mal de personne en visite vers des arbres bien plus gros entre 10,5 et 15 m, donc je ne vous explique pas la frustration de ne pouvoir que les admirer en photo..

    Mais je sais que ça viendra un jour ou l’autre.

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