Dinan est l’une des plus belles villes de Bretagne. Avec ses remparts, tours de défense, maisons à pans de bois, hôtels particuliers ou églises, elle possède un riche héritage légué par des générations d’hommes durant un millénaire. Parmi ce patrimoine, celui associé aux arbres est peu connu. Car, malgré son apparence minérale, Dinan est une ville verte, réputée depuis le XVIIIe siècle pour ses Promenades. Afin de mieux vous faire connaître, ces formations arborées, je vous propose un extrait de l’article que j’ai écrit dans le dernier Pays de Dinan (Tome XXXIV – Dinan, une ville d’arbres et d’histoire).
Le Tour des remparts de Dinan (Promenades des Petits et des Grands-Fossés, Jardin anglais et Promenade de la Duchesse-Anne), la Promenade de la Fontaine-des-Eaux et le Tour des prairies de Léhon ; plus de 3 kilomètres de mails d’arbres furent plantés au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Il faut s’imaginer que ces allées aient pu être admirées par près de dix générations de Dinannais. Ces formations arborées anciennes sont originales, car peu communes.
Le Tour des remparts de Dinan
Les Promenades des Petits-Fossés (au sud-ouest) et des Grands-Fossés (au nord) sont indissociables de la contrescarpe. Cet élément de fortification, édifié entre 1476 et 1488, résulte de l’élargissement des anciens fossés en une douve profonde. Les matériaux d’extraction ont formé, en périphérie des remparts, un cordon de terre imposant, servant de première ligne de défense : la contrescarpe. Au fil des siècles, l’ouvrage défensif est abandonné et se transforme en lieu de promenade, offrant un des meilleurs panoramas sur les remparts de la ville. En 1746, Charles Duclos, écrivain, académicien et maire de Dinan, décide d’aménager cette promenade en la nivelant et en la plantant d’une double allée d’ormes. Progressivement, les travaux prennent de l’ampleur et, à la fin du XVIIIe siècle, la quasi-totalité des promenades est aménagée. A l’exception de quelques sections sur les remparts, plus des deux tiers des pourtours de la ville fortifiée sont plantés de mails d’arbres.
Aujourd’hui que reste-t-il de cet héritage ? Si la trame existe encore, elle a subi, à compter de la fin de la révolution industrielle, de nombreux mitages.
En 1879, rue Thiers, une première section des alignements de la contrescarpe est abattue, afin de relier la ville à la gare. En 1930, une brèche est ouverte place Duclos, afin de construire un théâtre-cinéma : Le Celtic. En 1955 et 1967, malgré le classement des promenades de la contrescarpe sur la liste des monuments naturels (1932), une partie des Grands-Fossés est réduite, afin d’élargir les voies de circulation ou de créer des places de stationnement. Plus récemment, en 1991, la requalification de la place Duclos nécessite l’abattage d’une section de la Promenade des Petits-Fossés.
La Promenade de la Fontaine-des-Eaux
La Vallée de la Fontaine-des-Eaux fut plantée à la même époque. Dans un ouvrage consacré au sujet, Charles Montécot mentionne que si les vertus de la source sont, sans nul doute, connues bien avant le XVIIe, ce n’est qu’à compter du XVIIIe siècle que les premiers aménagements furent créés. Il précise, en effet, qu’à cette époque l’accès n’est pas aisé et les lacets terreux de la vallée de l’Argentel ne facilitent pas la venue des buveurs d’eau minérale. En 1764, la communauté de Dinan sollicite une aide des Etats de Bretagne « afin de faire faire un chemin communal pour y accéder ». Une subvention, délivrée en 1766, permet la réalisation des premiers aménagements. Une plantation d’un mail d’ormes est, notamment, réalisée sur l’esplanade de la Fontaine.
Plus tard, dans les années 1820, un chemin baptisé « Promenade de la Fontaine-des-Eaux » sera créé de La Ville-Préciaux à La Ville-Goudelin. Il sera planté d’une double allée de tilleuls.
Lieux de déambulation, de causerie, de rêverie, ces nouveaux espaces publics sont fréquentés et fort appréciés. Ils deviennent propices aux rassemblements et aux manifestations festives. L’arbre renforce la fonction sociale des lieux. A l’image des platanes de places de village dans le sud de la France ou des arbres à palabres africains, il forme la clé de voûte de ces promenades. Au cours du temps, plusieurs auteurs soulignent leur importance. Un album du pays de Dinan, de 1863, décrit les promenades en ces termes : « Il est, à droite du faubourg Saint-Malo, une avenue ombreuse plantée de frais tilleuls, s’avançant sur un espace de mille mètres, au milieu de champs couverts de blonds épis et des fleurs du blé noir. Si nous voulons lire ou rêver, si nous voulons nous livrer aux douces causeries, choisissons de préférence cette voie charmante, que l’édilité dinannaise fit tracer de 1817 à 1822. Sous ce dais de feuillée, que la Providence dresse au temps des primevères, le gai pinson jette à la brise sa folle musique, le rossignol ses délicieuses roulades. »
Comme pour le Tour des remparts de Dinan, cette Promenade a subi dans le courant du XXème siècle de nombreux mitages. Avec la disparition de la source, le prestigieux mail d’ormes, situé au pied de la fontaine, est abattu. Parallèlement, une partie de l’alignement de tilleuls disparaît, notamment à partir de La Ville-Préciaux.
Toutes les modifications apportées à ces promenades ne passent pas inaperçues auprès des Dinannais. Le mitage de certaines portions suscite de vives émotions. Comme l’évoque l’article de Didier Lechien dans Le Pays de Dinan 2010, entre « contrescarpistes » et « anticontrescarpistes », les échanges sont parfois rudes et les Dinannais se mobilisent à plusieurs reprises. Ces débats illustrent l’appropriation et l’attachement à ces espaces publics arborés que René Pierre, journaliste à l’Union malouine et dinannaise qualifiait, en 1914, d’« intangible ».
Parallèlement, les alignements d’ormes, victimes de la graphiose, ont été remplacés par des tilleuls et des platanes . Ces replantations sont accompagnées d’un changement de gestion : d’une conduite en port libre, les alignements sont régulièrement taillés. Les promenades perdent alors de leur prestance (voir photos plus haut).
Aujourd’hui, bien que l’ensemble des promenades ait perdu de leur sublime, la trame reste. Elle constitue toujours un lieu de déambulation fréquenté. Plus de 250 années après le lancement des premières plantations, nul doute que Charles Duclos apprécierait de redécouvrir une majeure partie de ces alignements.
Un bel article, superbement documenté, du beau boulot Mickaël, bravo !
J’avais traversé Dinan il y a quelques années, mais sans toutes ces informations je n’avais pas porté un regard arboricole sur cette très jolie ville (la plus belle de Bretagne, vraiment ?).
Super article, tu as du passer du temps aux archives!
Les alignements de marronniers et de platanes de la sous-préfecture ont-ils une corrélation avec ces promenades, le bâtiment date du XIXe?
Merci Castor et Yannick
En fait l’ensemble de l’article est le fruit d’un travail, réalisé en 2013- 2014 sur les arbres les plus remarquables de Dinan. Il n’aurait pu voir le jour sans l’appui de Loïc-René Vilbert, bibliothécaire. C’est notamment grâce à lui, et à son équipe, que de nombreuses archives autour des arbres de Dinan ont été (re)découvertes. Je vous tiendrai au courant mais ce travail devrait déboucher sur des manifestations au courant du printemps.
Pour les allées d’arbres de la sous-préfecture, il n’y a pas de lien. Elles auraient été plantées vers 1860 par Henri Flaud, industriel et maire de Dinan. Quelques années auparavant, il avait fait construire un hôtel particulier (Chateauganne), devenu actuellement la sous préfecture.
Mickaël, voila un article qui dévoile tout l’intérêt des alignements, promenades, et autres mails plantés le plus souvent sur l’emplacement d’anciens remparts.
(Verneuil-sur-avre dans l’Eure est entourée sur pratiquement tout son périmètre d’une double rangée de tilleuls, dont certains pourraient friser les 200 ans )
Merci Guy pour la comparaison avec Verneuil sur avre. C’est intéressant parce que dans l’ouest de la France, j’ai beau cherché, je ne vois pas beaucoup de cas similaire à Dinan. Je suis content de connaître un autre cas où des plantations ont été effectuées à l’emplacement d’anciens remparts.
Sinon, il serait plus juste de ne plus employer le mot alignement mais il faudrait plutôt le remplacer par le mot allée. C’est le terme employé initialement et d’ailleurs une grande majorité de pays européens utilisent encore (Angleterre, Suède, Allemagne…) ce mot dans leur langue « En français dans le texte »
Pour plus d’infos, voilà un lien vers un rapport très intéressant de Chantal Pradines sur les allées d’arbre dans le paysage => http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/heritage/landscape/reunionconf/5econference/CEP-CDPATEP-2009-15-TreeAvenues_fr.pdf
Un très beau documentaire qui aurait dû mentionner les sources, notamment la reproduction du plan de 1811 et divers articles puisés dans le livre : Dinan et son Histoire, la Fontaine-des Eaux, ed La griffe du Temps, paru en 2012, par Charles Montécot.