Le robinier de la Livraie à Celle l’Evescault, Vienne

Comme certains articles peuvent en attester sur le blog des Têtards, le département de la Vienne abrite sur ses terres des arbres tout à fait exceptionnels. Si certains étaient déjà connus par le biais de divers inventaires locaux, d’autres ont été très récemment remarqués, et c’est ainsi qu’au Sud-ouest de Poitiers, dans le pays des « Six Vallées », je vous propose de découvrir un énorme fabacé dont les dimensions vont bousculer les données établies connues pour cette essence en France.

Bien loin du centre-ville de Celle-l’Evescault (commune sur laquelle est implanté notre arbre), c’est dans le parc du château de la Livraie que je pars, dans le but, initialement, de recenser quelques séquoias pour compléter l’inventaire de France accessible sur sequoias.eu. Entouré de champs dans une vallée traversée par la Longève qui coule d’ouest en est dans le parc, le cadre est paisible et ressourçant. C’est ainsi que Mme MORIN, la très sympathique propriétaire des lieux, éleveuse de moutons, a décidé, pour continuer à mettre en valeur ce beau domaine de proposer gîtes et chambres d’Hôte au sein du Château dont les fondations datent du XVIIème siècle.

Un parc où la nature s’exprime.

Au vu de ses activités qui lui laissent peu de temps libre, le parc arboré est entretenu très succinctement, laissant la nature y prendre son aise et les arbres s’y développer librement. Madame MORIN me raconte que les tempêtes auraient eu raison de quelques arbres, dont un gigantesque sapin d’Espagne. Fort heureusement, il reste encore plus de trente essences différentes, la plupart d’entre elles auraient entre 100 et 150 ans environ. Voici quelques exemples ci-dessous :

Cependant, le sujet qui nous intéresse ici, manifestement, semble bien plus ancien. Lorsque je l’ai aperçu de loin en plein hiver, j’ai cru qu’il s’agissait d’une ancienne souche de séquoia mort. La propriétaire qui connaît très bien son parc m’a aussitôt repris : « Ah non, ça c’est un robinier ! ». Très surpris, je dois le reconnaître, je constate en m’approchant, qu’une partie de l’écorce visible confirme les dires de Madame MORIN.

Le fût est comme « éclaté », poussé de l’intérieur par de vigoureux rejets qui semblent prendre naissance au cœur de l’arbre. La face nord-est du tronc, plutôt jolie, légèrement cannelée, présente une écorce sans défaut majeur avec un empattement moussu.

La face sud-ouest, littéralement ravagée, montre un tout autre aspect. En grande partie morte, on y aperçoit une faille béante où bois et lierre s’entrelacent.

Côté hauteur, les branches culminent à 15 mètres environ ce qui n’est en rien exceptionnel, mais la circonférence du tronc va, quant à elle, attirer davantage mon attention. Vous vous doutez-bien, chers lecteurs, que ce que j’avais pris pour une souche de séquoia ne pouvait pas être une brindille. Madame Morin, très intéressée, m’aide à mesurer le tour de l’arbre avec le mètre ruban.

Verdict : 5m80 à 1m30 du sol

Dans la Vienne, le record de circonférence établi était détenu par le robinier du château d’Ayron, présentant, à l’époque, un tour de taille notable de 3m80.

En France, le vénérable robinier de la place de St-Michel-de-Chabrillanoux, dans l’Ardèche, recensé par le « Castor masqué », affiche une jolie circonférence de 4m42.

A côté, le pachyderme que je viens de rencontrer semble venir d’une autre planète… ou plus vraisemblablement d’un autre âge.

Si l’on se réfère au robinier du square René Viviani à Paris, planté par Jean ROBIN en 1602 et reconnu comme le plus vieux sujet de son espèce en France, son acolyte de Celle-l’Esvescault est une fois et demie plus gros ! Notre protagoniste serait-il le plus vieux représentant de son espèce en France ??

Un arbre peut-être moins vieux qu’il n’y paraît

Ne tirons aucune conclusion hâtive !

On a l’habitude de dire que la hauteur d’un arbre lambda varie comme suit : l’arbre grandit, puis rétrécit en fin de vie, le tronc, lui, ne peut que croître en largeur et ne rétrécit pas. Mais en fait, l’inverse de ce principe peut se rencontrer. D’ailleurs, ce fabacé me fait mentir car justement, il a perdu une partie de son tronc (le tas de bois, derrière moi sur la photo ci-dessus, en atteste). Mais cela est très rare, et pour en revenir à l’âge, les paramètres environnementaux comptent énormément lorsqu’on souhaite déduire l’âge d’un arbre. Une terre riche, un climat propice, une bonne exposition solaire et un bon apport en eau entre autres, peuvent considérablement influer sur les dimensions qu’un arbre va atteindre.

Dans le cas présent, je n’ai pas pu analyser la qualité du sol et je n’ai pas de données climatiques plus favorables qu’ailleurs à vous livrer. Toutefois, l’arbre est plutôt bien exposé au soleil et profite de la proximité de la Longève qui coule à une vingtaine de mètres. A 80 mètres des berges de la Seine, il est difficile de croire que le robinier du square René Viviani, en retire des bienfaits directs. Et de conclure qu’on ne peut guère comparer deux arbres de tailles différentes dans deux environnements différents.

Il faut tout de même noter qu’un autre robinier se trouve à quelques mètres de notre nouveau champion français, plus haut et plus proche de l’eau mais, si le tronc n’est pas ridicule, il est autrement moins épais (environ 3 m de circonférence).

Un autre robinier, au premier plan à gauche, présente un joli tour de taille (environ 3m)

Pour terminer, je tenais à remercier Madame Morin pour son chaleureux accueil, sa gentillesse, sa disponibilité et ses précieuses informations. Un beau parc préservé avec beaucoup de bienveillance qui mériterait peut-être un label E.A.R. (Ensemble Arboré Remarquable), tant il y a à proximité de cet exceptionnel robinier des arbres qui valent le détour (voir galerie plus haut).

A suivre …

Merci à Martine Rouquat pour la mise en forme de l’écriture.

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6 réflexions sur « Le robinier de la Livraie à Celle l’Evescault, Vienne »

  1. wouah quelle pépite dans ce bel écrin arboré Aurélien !
    Chapeau bas à toi pour la découverte ainsi qu’à Mme Morin pour la préservation de ce parc.

  2. On bat de records chez les têtards, ton robinier est vraiment hors norme! Le spécimen du Castor est largement surpassé, et tout cela confirme que des pépites arboricoles sont toujours à découvrir.
    Je te rejoins concernant l’évaluation de l’âge .
    Encore bravo pour cette trouvaille, il faudrait peut-être créer une nouvelle catégorie dans le blog, celle des champions !

  3. Merci pour commentaires !

    @Pat : Oui Mme Morin est, je le répète, très bienveillante vis à vis des arbres de son parc qu’elle connaît par cœur. Il est difficile de la prendre à défaut sur sur une essence d’arbre.

    @Yannick : C’est vrai qu’à ce jour, ce nouveau champion n’a pas d’adversaire en France niveau circonférence, mais en faisant un tour sur le site Arbres Monumentaux.com, on constate que dans d’autres pays d’Europe, il existe des robiniers plus gros encore !

  4. Les records sont faits pour être battus ! Si une poignée de chercheurs d’arbres comme nous trouvons encore de gros sujets, c’est qu’il y a certainement de nombreux colosses inconnus!

  5. Une super trouvaille Aurélien ! 🙂 🙂 🙂
    Tu mets la barre très haut avec ce Robinier, bien au-delà de ce que j’aurai pu imaginer.
    Les Robiniers de plus de 3m de circonférence ne sont pas fréquents, ceux de plus de 4m sont exceptionnels mais celui-ci avec presque 6m de tour de taille est un véritable extra-terrestre.
    Qu’est-ce qu’il mange pour pousser si vite ??? Encore une source miraculeuse ?lol !

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