Après son livre Arbre(s), Roger Maudhuy vient de publier un nouvel ouvrage sur les arbres guérisseurs. De la lecture en perspective pour qui souhaite approfondir les liens qui nous unissent avec les arbres.
C’est devant un arbre que l’homme préhistorique s’est agenouillé pour la première fois. L’arbre fut son premier temple, la demeure de ses premiers dieux. Le culte de l’arbre est universel, on retrouve les mêmes rites, les mêmes croyances, les mêmes usages en Algérie et en Patagonie, en Papouasie et au Liban, au Vietnam et au Congo, en Ukraine et à Madagascar…
C’est vrai aussi pour nos ancêtres gaulois puis gallo-romains, et l’un de nos plus grands folkloristes, Paul Sébillot, n’hésitait pas à écrire dans son Folklore de France : « Des trois grands cultes naturalistes qui existaient en Gaule avant le christianisme, celui des arbres était peut-être le plus populaire.»
L’Église a lutté contre ce culte. Ses évangélisateurs ont coupé ou brûlé des milliers d’arbres, comme saint Martin, ou saint Nicolas. De concile en concile, Elle a jeté menaces, anathèmes, taxes et pénitences. Charlemagne lui-même a fermement condamné ce culte, et a fait couper Irminsul, l’arbre sacré des Saxons.
Parmi les milliards d’arbres que compte la France, ils ne sont que quelques milliers à avoir été distingués par l’homme, qui les a vénérés. On leur a demandé de guérir les fièvres et les maux de tête, les coliques et les maux dentaires. On leur a demandé de rendre les femmes fécondes, de donner du lait aux mères et aux nourrices. On leur a demandé de donner la puissance aux hommes, de protéger les voyageurs et les jeunes
couples, de guérir vaches ou chevaux…
Ils sont encore quelques centaines, aujourd’hui, à faire l’objet d’un culte aux rites curieux, aux pratiques souvent clandestines, sinon secrètes.
C’est l’arbre aux loques de Cussac, du Pré-d’Auge ou de Hasnon, ou des malades vont demander la guérison de leur mal, et laissent sur les branches, ou cloués au tronc, des habits qui rappellent leur mal : une chaussette pour celui qui souffre des pieds, un soutien-gorge pour la dame qui a mal aux seins, un serre-tête pour les migraineux, des masques chirurgicaux contre la Covid-19… Chaque année, le propriétaire du chêne du Pré-d’Auge retire les vêtements laissés par ces croyants d’un autre genre, et chaque année il en trouve plus de 300.
C’est l’arbre aux clous de Haguenau, de Corancy ou de Provins, où des personnes qui ont mal aux dents vont « clouer » leur mal à l’arbre. Quand il fut frappé par la foudre, le tilleul de Soleilmont avait reçu plus de 70 000 de ces clous qui transfèrent la maladie à l’arbre. Et aujourd’hui encore, on voit des clous tout neufs, brillants, sans la moindre trace d’oxydation, autant de preuves que la croyance reste vivace.
C’est l’arbre qui féconde les femmes en mal d’enfant, l’arbre qui régénère les dépressifs ou les personnes sortant d’une chimiothérapie, qui guérit les chiens ou les chevaux…
Jamais un livre n’avait été consacré à ces arbres guérisseurs. Au bout de plus de trente années d’enquêtes partout en France, mais aussi en Belgique, au Luxembourg et en Suisse romande, Roger Maudhuy a sélectionné plus de 200 de ces arbres vénérés, et il nous en conte l’histoire, le culte, les pratiques. Et on ne s’étonnera pas de constater que des rites en vigueur en Picardie ou en Bretagne se retrouvent au fin fond de la pampa argentine ou au cœur de la grande forêt congolaise, en plein centre de Vienne ou sur une île du Dnipro.
Un des deux préfaciers, le Pr Jean-Hugues Blondel, vice-président de la Société de Mythologie française, écrit : « Je crois bien qu’il n’y avait que Roger Maudhuy pour mener à bien cette œuvre gigantesque, inaugurale, et nous livrer en un livre qui fera date dans l’histoire de la mythologie française l’histoire et les histoires de ces arbres qui guérissent. Jamais plus on ne pourra écrire sur les arbres sans s’inspirer des enquêtes d’un chercheur qui a été sacré ‘’Maigret du folklore’’. »
Les Arbres qui guérissent, de Roger Maudhuy, aux Editions Métive. 290 pages, format 27 x 19,3 cm, plus de 300 illustrations. 25,00 €, chez votre libraire.