Retour en territoire breton avec le chêne aux Loups de la forêt de Courrouët, qui croît depuis plusieurs siècles au carrefour de deux chemins qui matérialise la limite entre la commune de la Chapelle Bouexic et la commune de Mernel.
C’est un chêne sessile dont le tronc court de 5,75m de tour, se divise rapidement en plusieurs cimes. Celles-ci montrent de forts signes de dépérissement : le roi de la forêt est couronné de bois morts.
Les branches latérales, quand à elles, s’étalent encore largement au-dessus du chemin malgré un élagage quelque peu agressif des plus basses, qui gênaient le passage. Il n’en reste que de longs chicots secs. Côté forêt, c’est l’ombre des jeunes arbres qui a entraîné leur mort.
Cette architecture typique d’un arbre isolé, indique qu’il a poussé dans une clairière, ce qui attesterait pour partie son histoire d’arbre repère.
En effet, le nom de « chêne aux Loups » viendrait du fait qu’il aurait été le point de ralliement des chasseurs de loups.
Le Chêne Vert, son autre nom certainement dû à la verdeur du feuillage des chênes sessiles, aurait donc été le témoin des nombreuses chasses aux loups organisées durant le 18ème et le 19ème siècle, afin d’exterminer ce grand prédateur, dont le dernier représentant breton aurait été tué en 1884 (ou 1906). On y aurait exhibé les dépouilles des animaux tués.
Toutefois cette histoire n’est pas, à ma connaissance, formellement avérée. L’autre origine possible de ce nom est donnée par Robert Bourdu dans son livre Arbres de mémoire (page 89) :
Des arbres aux loups
…C’est pourtant par une confusion sémantique que « l’arbre à leu » est devenu « l’arbre à loup ». En effet, le mot alleu (et tous ses dérivés, allodial, allodialité) apparait dans la toponymie des campagnes. Michel Devèze rapporte dans son livre La Vie de la forêt française au 16ème siècle, » qu’en pleine féodalité, la propriété libre a subsisté sous le nom d’alleu : mais elle est rare, les forêt des alleutiers sont certainement très peu nombreuses… ». Ainsi les propriétés relevant de ce droit se raréfiant et les arbres enclos dans ces domaines ou les bornant prirent le nom « d’arbres alleus ».
Cette deuxième hypothèse, à laquelle je n’accordais pas particulièrement d’intérêt, m’a parue soudain tout aussi valable. En effet, lorsque j’ai cherché à le localiser précisément, je me suis rendu compte que notre arbre est en limite de communes. Ne se pourrait-il pas que cette limite ait été autrefois celle d’un alleu?
Question qui restera sans réponse pour le moment, faute d’avoir engagé des recherches supplémentaires…Aujourd’hui, le chêne aux loups, après avoir échappé à l’abattage en 2000 (voir l’article de presse), coule des jours paisibles. Il a donné son nom à un circuit de randonnée et on a installé une table de pique-nique sous sa frondaison. Ce ne sont donc plus les chasseurs de loups qui s’y rassemblent, mais les randonneurs rassurés de ne plus risquer de se faire dévorer…
Yannick
Bel arbre, bel article, beau travail de recherche.
Bravo et merci.
Un bel arbre digne de la forêt de Brocéliande !
Les photos sont extra, celles avec toi impressionnent par la force que dégage le chêne…
L’humilité est de rigueur devant un tel ancêtre.
Un maître article pour un maître arbre.
Vraiment bien documenté et illustré. Merci Yannick.
C’est assez rageant de voir que cet arbre n’a été sauvé que par manque de combattant, par dépit finalement. Il ne s’agit pas d’une vraie décision prise avec le coeur, ça c’est clair. L’arbre peut donc « mourir de sa belle mort »… LOL … Il a le temps de tous nous enterrer 😉