C’est par une belle journée estivale (tellement rare cette année…), que j’ai fait ma plus belle découverte de l’année…
Depuis ce jour, je porte un nouveau regard sur tout un groupe d’espèces, celui des érables.
Depuis la basse vallée du Rhône, j’ai traversé la garrigue à chêne vert puis monté vers les pins maritimes, traversé l’épaisse châtaigneraie ardéchoise, les plantations de pin laricio, pour finir dans la sapinière au col de la Chavade à presque 1 300m d’altitude.
Je continuais ma route sur ce plateau aux paysages ouverts, si caractéristiques du Massif-Central aux allures de Margeride ou d’Aubrac.
En longeant la ligne de partage des eaux, je me dirigeais vers la source de la Loire.
Au bout de la route, j’aperçois une large silhouette isolée sur la rive gauche du « fleuve »…
Je pense à un gros frêne… peut-être même un « frêne colosse ».
Mais la silhouette se précise et je comprends qu’il s’agit d’une tout autre espèce, celle d’un énorme érable.
Ce sont des espèces que j’affectionne tout particulièrement.
Les érables ont souvent une présence très secondaire dans les formations végétales. Les érablières sont plutôt rares. Il s’agit souvent au mieux d’un bouquet de quelques pieds sur des zones d’éboulis en montagne ou en bordure de ruisseaux en mélange à d’autres espèces. Quant à l’espèce ‘monspessulanum’, sa présence se révèle essentiellement à l’automne, en ponctuant la garrigue de magnifiques tâches flamboyantes.
Il est extrêmement rare de rencontrer des érables surdimensionnés (supérieures à 3m de tour à la base).
Je m’empressais donc de sortir ma panoplie du parfait « Têtard Reporter » pour valider des mesures hors du commun :
La circonférence à 1,2m (sous la bosse) en juillet 2014 est de 5,15 m et de 3,25 m pour le second pied. La hauteur totale de la plus haute tige est de 22,5m, mesurée au dendromètre électronique.
L’état sanitaire semble bon, je ne détecte aucun signe d’attaque apparente de champignons ou d’insectes ravageurs. Je n’y trouve pas non plus de blessures dues à la foudre, ce qui est surprenant pour un arbre isolé en montagne.
Sa situation géographique à moins de 10 km de la source le place sur un terrain privé (facile d’accès) sur la commune de Sagnes-et-Goudoulet (07).
GPS : 44°16’57″N 004°11’08″E – Altitude 1150 m.
L’identification précise de l’espèce me pose toutefois quelques problèmes…
Les caractères de l’arbre me font penser immédiatement à un érable à feuilles d’obier (Acer opalus). Mais cette espèce est plus fréquente sous la forme d’un petit arbre, pionner des zones d’éboulis de montagne du sud-est de la France, que d’un arbre aussi majestueux…
A cette altitude et dans ces conditions de croissance, je me mets à hésiter avec un érable sycomore. Mais l’écorce un peu crevassée et surtout la forme des feuilles plus rondes sont des caractères plus spécifiques à ‘opalus‘.
Si vous avez l’occasion de lui rendre visite, je serai intéressé de partager vos avis sur la détermination précise de cet érable…
A une cinquantaine de mètres de ce vénérable, se trouve tout un bouquet d’érable de belles dimensions, dont certains doivent atteindre les 3m de tour. Ils sont de la même essence.
Mais depuis mon arrivée sur les lieux, mon regard s’est fixé de l’autre côté du fleuve, sur sa rive droite…
A environ 200m, je distingue une autre silhouette imposante. Pourrait-il s’agir d’un autre « érable colosse « ?
A cette distance, je pense plus raisonnablement à un gros frêne.
Mais pas question de partir sans en avoir le cœur net !
J’enfile mes bottes et me dirige vers la Loire.
Wahouu, le fleuve s’est vite élargi depuis sa source et le courant est déjà fort.
Je repère un endroit où de grosses pierres devraient me faciliter le passage.
La traversée se complique rapidement et ce qui devait arriver, arriva : l’eau passe au-dessus des bottes !
Arghhh, décidément la vie de « Têtard reporter » n’est pas un long fleuve tranquille !!!
Je m’empresse de vider mes bottes sur l’autre rive et continue en petite foulée vers mon objectif… Il s’agit bien d’un autre érable remarquable !
Mais son état de santé est plus préoccupant. Une forte attaque de champignons lignivores ont colonisé son tronc jusqu’à une hauteur de 2m. Des signes de faiblesse se font déjà sentir dans son houppier.
Ses dimensions, plus modestes que son voisin, restent néanmoins exceptionnelles :
La circonférence à 1,3m en juillet 2014 est de 4,6 m et la hauteur totale de 26m.
Changement de commune, il est sur Usclades (07) à 1155 m d’altitude.
GPS : 44°47’01″N 004°11’03″E.
Il y a de toute évidence du potentiel dans ce secteur encore peu parcouru par nos Reporters.
Le temps me manque et je regagne ma voiture en étant bien décidé à revenir explorer cette contrée.
Sur la route, il me semble distinguer d’autres silhouettes imposantes…
La source de la Loire serait-elle une terre propice aux vénérables ?
Tu nous gâtes!
Contrairement à l’Italie, il y a assez peu de beaux érables à se dévoiler en zone de moyenne montagne en France (faute de les chercher?) et encore moins en plaine, alors avec plus de 5 m de tour c’est vraiment hors normes!
Leur structure laisse penser que ce sont d’anciens têtards, ce qui ne serait pas étonnant dans ce genre d’endroit. Je serais curieux de dénombrer les arbres remarquables ayant subi ce mode de taille, et pense qu’il y aurait une proportion non négligeable surtout dans les essences autochtones!
Enfin, pour ne rien gâcher l’endroit semble particulièrement agréable!
Je ne savais pas qu’il y avait de beaux érables en Italie. Pourtant ce n’est pas un pays réputé très forestier.
La frontière est à moins de 2 heures, ça me donne envie d’aller y faire un tour…
Ceux dont j’ai connaissance ne sont pas très proches de la frontière, il se situent dans les Abruzzes. Dans son livre, « grandi alberri d’Abruzzo »,
http://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/2013/03/10/grandi-alberi-dabruzzo-francesco-nasini/
Francesco Nasini présente des érables sycomores forestiers (anciens têtards pour certains) de la province d’Aquila de dimensions impressionnantes (7.10 m pour le plus gros) ainsi que des hêtres de plus de 8 m!
Il y en a aussi en Sicile qui semble extrêmement riche en vieux arbres…
En plus de ses dimensions impressionnantes cet arbre est vraiment superbe! Comme le dit Yannick, tu nous gâtes !
Et ce cadre! Je n’ai jamais eu l’occasion de visiter ce coin de France, mais le lieu a l’air enchanteur, et propice à de belles découvertes.
ça semble un très bel ouvrage. Des sycomores de 7m de circonférence, ça laisse rêveur !
Les Abruzzes, ce n’est pas juste de l’autre des Alpes… j’y étais passé il y a une dizaine d’années en allant à Rome (pas avec les cloches !) et c’est vrai que l’endroit est très sauvage et je me souviens surtout des belles châtaigneraies qui donnaient aux paysages des airs de Cévennes.
Quelles découvertes, ça laisse pantois !
Il faut parfois savoir mouiller le maillot (et autres) pour dénicher certains vénérables ligneux 😉
J’ai moins de soucis avec mes ifs de cimetière, ce sont pas les endroits les plus sauvages de France lol
Je vous ai aussi gardé deux belles pièces marocaines, qui se dévoileront bientôt 🙂
D’autres auraient pu venir les rejoindre, mais il y a eu de nombreuses crues accompagnées d’éboulements dans le Haut-Atlas ces derniers mois. Par conséquent plusieurs sites m’ont été rendus inaccessibles, frustrant après 3h de taxi dans la montagne…
Mais un voyage extraordinaire sur le plan global, avec de belles rencontres et un dépaysement total.
Je suis impatient de voir tes trouvailles marocaines !!!
les routes marocaines sont toujours pleines de surprises… et propices aux rencontres !