« Le Tronc », plus gros châtaignier cévenol

Le châtaignier est l’arbre emblématique des Cévennes. L’arbre à pain qui a nourri des générations de Cévenols depuis son introduction vers l’an mille.
D’ailleurs, les vieilles châtaigneraies marquent toujours le paysage du sud Massif-Central. Mais les très vieux châtaigniers sont moribonds, très dégradés et disparaissent progressivement. Ces vieilles châtaigneraies deviennent de plus en plus rares.
Si l’on souhaite rendre visite à l’un des patriarches, le plus gros actuellement répertorié, il faut se rendre aux abords d’un minuscule hameau au nom évocateur : « le Tronc »… tout un programme !

En effet, pour se rendre au « Tronc » c’est une aventure en terre lozérienne, une expédition au fin fond des Cévennes !
Certains choisissent de traverser la région à pied avec un âne sur les traces de Stevenson mais pour ceux qui préfèrent un moyen plus rapide, il faudra affronter les minuscules routes sinueuses de la châtaigneraie cévenole jusqu’au village de St Maurice-de-Ventalon. Puis ce sera le début d’une descente vertigineuse dans Le Valat du Cougnet, l’un des nombreux Gardons de la région, jusqu’au hameau perdu du « Tronc ». La dernière approche ne pourra se faire qu’à pied ou à dos de mulet (j’insiste sur ce moyen de transport qui peut paraitre surprenant, mais c’est de cette façon que j’ai rencontré tout une famille de Hollandais venue rendre visite au vieux châtaignier).
Le patriarche se trouve dans une très vieille châtaigneraie en contre-bas du hameau. Une petite parcelle encore productive et bien entretenue qui a l’avantage de bien mettre en valeur ces fruitiers pluri-centenaires.

Ces vieux castanhiers prennent parfois l’aspect de vénérables oliviers au tronc court, tourmenté et creux d’où émergent au sommet quelques vigoureux rejets porteurs des fruits providentiels.
L’arbre le plus imposant de la parcelle, que l’on nommera « Le Tronc », a la réputation d’être le plus gros châtaignier de Lozère. Voilà un titre honorifique qui m’a rapidement fait oublier les désagréments de l’accès routier. A son pied, j’étais impatient de dérouler mon décamètre et découvrir la performance du champion même s’il est difficile avec ces vieux arbres biscornus de prendre des mesures précises de circonférence.
En juillet 2016, son tour de taille à 1,3m en amont de l’arbre est de 10,60m.
Une autre mesure à la base du tronc affiche 10,25m. Et au plus étroit à 0,5m du sol, le décamètre frôle encore les 10m (9,97m précisément).
Effectivement, en franchissant la barre mythique des 10m de tour, ce châtaignier entre bien dans la catégorie des « bibendum » et il semble peu probable de trouver plus gros dans ce secteur des Cévennes. Son plus proche concurrent serait le châtaignier ardéchois de l’Hermet dans le Vivarais, mesuré en janvier 2015 à 10,70m de circonférence à 1,3m mais dont une partie du tronc a été emportée par un incendie.
Si celui de l’Hermet est millénaire (selon une légende populaire…), quel âge pourrait avoir « Le Tronc » ? Le lozérien est légèrement moins gros et semble moins marqué par les stigmates du temps. Dans son état actuel, il parait plus jeune que l’ardéchois. S’il était millénaire, il daterait alors des premières introductions du châtaignier dans les Cévennes vers l’an mille… ce qui est très peu probable. Il est plus raisonnable d’estimer son âge à environ 500 ans… à plus ou moins 100-200 ans !!!
Ces vieillards garderont toujours une grande part de mystère… c’est ce qui fait aussi tout leur charme ! D’ailleurs, le patriarche semble faire l’objet d’une vénération localement, j’ai retrouvé plusieurs offrandes disposées à son pied. Un tel monument végétal ne peut susciter que l’émerveillement… et stimuler l’imagination. Cette étroite ouverture dans son tronc biscornu ne ressemble-t-elle pas à une porte magique s’ouvrant sur un autre monde?

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10 réflexions sur « « Le Tronc », plus gros châtaignier cévenol »

  1. Encore de beaux vieillards !
    Je me demande si ils ont été recépés: pour leur donner une mise à fruit, pour ramasser les bogues plus facilement, pour éviter que les branches fassent éclater le tronc sous le poids des ans ??

  2. Ça fait plaisir de voir des vieillards des Cévennes, car comme l’Ardèche, ce sont des pays de châtaigniers, mais finalement on trouve assez peu d’informations sur de très gros et vieux spécimens.
    Je trouve ça assez surprenant, je ne sais comment on peut l’expliquer, peut-être à causes des conditions climatiques assez rudes qui ne permettent pas aux arbres de grossir beaucoup (en Ardèche certain petits châtaigniers de 3 m pourrait avoir 200/300 ans d’après des producteurs rencontrés sur place), soit que l’on renouvelle plus les vergers de châtaigniers, ou alors il n’y a pas assez de chercheurs d’arbres dans ces zones…
    En tout cas, on voit que ces arbres ont été taillé relativement récemment, à savoir si cela les aide à survivre…

    • Je n’ai pas l’impression que les conditions de croissance soient si rudes. La pluviométrie est abondante, même si elle est mal répartie. Les sols sont pauvres et assez superficiels mais l’absence de calcaire est un facteur favorable pour la croissance des arbres.
      Globalement ça pousse bien dans les Basses Cévennes, d’autant que le châtaignier est une espèce à croissance assez rapide, bien supérieure à celle du chêne. J’ai beaucoup de doutes que des châtaigniers de 3m de circonférence soient si vieux (200/300 ans)…

      • Je me refère à ce que m’ont dit des producteurs ardéchois…Peut-être ne sont-ils pas forcément très fiables sur leur estimation… Mais clairement, les dimensions moyennes des arbres variaient pas mal en fonction des versants de la colline où j’ai prospecté, ce qui n’est pas étonnant en soit. Le versants sud présentait des arbres plus petits que sur le versant Est, et cela ne semble pas forcément du à une différence d’âge des arbres (même s’il y en a peut-être une), leur aspect laissait supposer une croissance lente pour ceux du sud, de là à savoir s’ils avaient 200 ans..J’aurais dû regarder des souches.
        Mais je ne serais pas particulièrement étonné qu’ils soient vieux, car pour avoir regarder pas mal de souche de chênes et de châtaigniers par chez moi, j’ai parfois été très surpris de l’âge (dans les deux sens) de certains sujets, des arbres d’aspect et de dimensions proches présentaient des écarts importants d’âge, malgré une implantation assez similaire…

        • Oui tu as raison Yannick, le versant a son importance surtout pour la profondeur de sol. Il faudrait tenir compte également de sa position topographique, de son implantation en haut ou bas de versant… sans oublier l’effet de l’existence d’une source à proximité (elles sont nombreuses dans les Cévennes). D’ailleurs, le « Tronc » se trouve à proximité de l’une d’entre-elle (miraculeuse comme à Vals ?). Une position qui a du bien favoriser sa croissance.
          Tellement de facteurs qui vont influencer la croissance des arbres… et la mémoire des hommes qui se perd rapidement au-delà des générations et qui finit par transformer les vieux arbres, en arbres de légende 🙂

          Tu es passé dernièrement en Ardèche ?
          Tu as du faire de belles découvertes, le territoire est riche en beaux arbres. Es-tu passé voir les érables de la Grange de Blaye ?

  3. Une bien drôle d’expédition !!

    Comme vous je suis étonné par leurs formes, à voir les diamètres de base des anciennes charpentières on dirait qu’il y a encore quelques décennies on avait a faire à des arbres de bien plus grande ampleur.
    Si c’était pour autre chose que d’enlever du bois mort ou des parties endommagées, je ne saurai dire. En tous cas, il y a peu d’espèces qui présentent une telle résilience !

  4. Ici nous avons un chataignier dont le tronc fait 14 m de circonférence a + de e 1m du sol.
    Nous avons récupéré un morceau d’une branche tombée pour la mettre en valeur près du chemin de randonnée.

  5. Aux dernières nouvelles (…) le châtaignier aurait été introduit en Cévennes à l’Age du fer au moment de la conquête romaine (cf tourbière des Nassettes sur le mont Lozère)… Ensuite il y a eu des épisodes d’inflation puis de déflation de l’étendue de la châtaigneraie… Mais, en tout cas, à l’an 1000 il avait déjà une petite ancienneté… Cf Diagramme (illustration) « On peut y voir (p 71) que des pollens de châtaignier y apparaissent abondamment autour de 2000 BP (before present), date correspondant à la période de la conquête romaine. » Maurice REILLE Docteur ès Sciences, Maitre de Conférences à l’Université Laboratoire de Botanique Historique et Palynologie – https://www.arbres-lozere.fr/wafx_res/Files/NOUVELLES-LECONS-DE-PALYNOLOGIE.pdf

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