Par Daniel Papin et Aurélien Goëffic
Il y a des mois de cela, attelé à recenser les séquoias des alentours de Poitiers (Vienne), j’étais tombé sur une vieille carte postale du château de la Mothe-en-Poitou à Ligugé datant de 1907, où figurait clairement un joli séquoia géant. Il n’en fallut pas davantage pour que Victor Peruchon et moi-même nous présentions au château où une charmante propriétaire nous accueillit. Organisatrice d’évènements au sein de sa propriété (http://www.chateau-de-la-mothe-en-poitou.fr), elle ne tarda pas à nous confier qu’elle tenait beaucoup à ses arbres, notamment à son couple d’araucarias, les « chouchous » du parc, à son sophora du japon et aussi à son cyprès chauve. A l’époque, nous n’étions là que pour le séquoia mais ayant mesuré le cyprès chauve à la volée ce jour là, je réalisai après coup qu’il s’agissait d’un arbre remarquable. Alors j’y suis retourné, accompagné cette fois de Daniel Papin, délégué de l’association A.R.B.R.E.S. dans le département de la Vienne, qui saurait mieux que moi considérer les essences de ce parc et avec qui nous allions découvrir pas moins de trois arbres remarquables.
A peine entré dans le parc du château, la « vitrine » se compose d’un bel ensemble de douglas, d’un imposant cèdre et Daniel qui regarde dans tous les sens remarque un joli châtaignier mort, entouré de rejets dont certains vivants, certains morts, témoignent selon lui de la difficulté de cette essence à s’adapter au réchauffement climatique. Un peu plus loin vers le château, encore des beaux arbres! Tulipiers de Virginie, catalpa, araucaria, érable sycomore … et un vénérable sophora du Japon planté sur une bute qui lui saute aux yeux. Ça tombe bien car après avoir de nouveau obtenu l’accord de la propriétaire pour faire le tour de son parc, nous commençons par la Fabacée qui, au passage, est originaire de Chine !
D’un âge inconnu, il n’est malheureusement pas en bonne santé. Le tronc est tellement creux qu’on pourrait se faufiler à l’intérieur et quelques branches sont dépérissantes. Surprise, une anastomose (phénomène rare) se remarque entre le collet et une charpentière. Aller, nous mesurons la circonférence et c’est un joli 4m50 qui se dévoile à 1m30 du sol. Daniel est d’accord, il s’agît d’un arbre en tout point remarquable.
Et d’un !
En chemin vers le cyprès chauve situé en contrebas, nous passons devant le couple d’araucarias qui, s’ils n’ont rien d’exceptionnels de par leur taille, ont quand même de l’allure.
Arrivés en bas, nous nous arrêtons en lisière de forêt où des troncs de séquoias sempervirens, des ifs, des charmes et un calocèdre étrangement incliné à 45° attirent notre attention. Mais c’est l’imposant taxodiacé proche du ruisseau qui va réellement nous surprendre. A 5 mètres de haut, une grosse charpentière se sépare du tronc mais la quasi totalité de celle-ci est tombée lors d’un coup de vent en 2016 selon la propriétaire. Heureusement, la santé de l’arbre ne semble pas affectée. Daniel observe même un phénomène d’absorption du côté de la branche tombée par le reste du tronc, et des pneumatophores « bourgeonnantes », signe de bonne santé. Il remarque aussi des plumes, ça et là, appartenant à une buse variable qui, selon lui, pourrait nicher dans l’arbre. Au-delà de ces détails, c’est la hauteur et surtout l’énorme tronc ovale qui retient notre attention avant tout.
Verdict : 5m96 de circonférence à 1m30 du sol et 35m de haut.
Du costaud ! Sans doute le plus gros de la Vienne et parmi les plus gros de France… de quoi faire pâlir son voisin le séquoia géant qui, censé être bien plus imposant, ne le surpasse que légèrement avec 6m78 de circonférence et 38 mètres de hauteur !
Sur la photo ci-dessous, prise en automne, on peut voir le cyprès chauve doté d’un magnifique feuillage flamboyant à droite… et le séquoia à gauche qui devient tout à coup plus discret. On le savait, ce cyprès chauve de Louisiane s’impose lui aussi comme un arbre remarquable.
Et de deux !
Rassasiés de découvertes, nous nous dirigeons vers l’accueil du château en remontant la pente raide qui longe un autre bois et, en chemin, la question fatidique est posée sur un « banal » cèdre qui dépasse de la canopée : Liban ou Atlas ? Comme pour trouver la réponse, je m’approche du bois pour tenter d’apercevoir le tronc qui, en vérité, ne m’aiderait en rien à déterminer quoique ce soit puisque c’est surtout le port et le feuillage de l’arbre qui permettraient de trancher. La curiosité est un vilain défaut qui, dans ce cas, va s’avérer bénéfique puisque c’est une belle cépée qui apparaît alors. Aussitôt, nous pénétrons dans le bois et rendus au pied de l’arbre, Daniel et moi découvrons un spécimen à l’architecture tentaculaire qui comme tous les cèdres de cet aspect, en impose et créé cet effet « waouh ».
Nous remarquons cependant que quelques charpentières ont péri. Comme le prouve une ancienne carte postale, ce cèdre était là bien avant la forêt qui l’entoure et a dû perdre ses branches basses à cause des autres arbres qui, en grandissant, ont fini par priver de lumière les charpentières les plus modestes. Le colosse mesure finalement 8m70 au plus creux (à environ 20 cm du sol) et 9m50 à 1m30 (entre les charpentières). La propriétaire fut alors très surprise puisqu’elle ignorait qu’un tel arbre se cachait dans cette forêt. Et de trois!
A présent, on est en droit de se demander comment autant de beaux arbres se sont retrouvés dans ce même parc. La réponse est apportée par Virginie Jules du CAUE de la Nièvre, en relation avec Daniel, qui nous informe que le domaine du château de la Mothe-en-Poitou a été aménagé par le paysagiste Paul de Lavenne, comte de Choulot (1794-1864).Ce parc est en effet listé à la fin de sa théorie sur l’art des jardins.
A savoir, le comte de Choulot a réalisé en France plus de 280 plans et parcs notamment dans la Nièvre et ses départements limitrophes. Pas étonnant donc, d’y trouver autant de pépites!
En bref, le parc du château de la Mothe-en-Poitou est un beau cadre végétal, aujourd’hui protégé par une propriétaire bienveillante, très attachée à ses arbres, que nous remercions pour son accueil chaleureux. Avec trois sujets exceptionnels sur un même lieu, Daniel Papin a décidé d’envoyer à l’association A.R.B.R.E.S. une demande de labellisation pour « ensemble arboré remarquable ». Pour finir, voici une belle photo d’un feu d’artifice lors d’un événement en contrebas du château où on peut deviner le cyprès chauve en « tenue d’été » juste à gauche de là où sont tirés les feux.
Voila une demande de labellisation qui ne manquera pas d’intéresser l’association ARBRES .
Belles découvertes !
Guy.
Un bien beau domaine ! Il est étonnant qu’un tel cèdre est pu être inconnu de ses propriétaires.
C’est toujours excitant de tomber sur un colosse oublié, enfoui dans les fourrés. J’imagine votre surprise en découvrant le tronc !
Salut Aurélien,
Quel plaisir de lire l’un de tes nouveaux articles !
Une belle brochette d’arbres remarquables qui entrent absolument dans la catégorie des arbres colosses.
Pour le sophora et le cyprès chauve, ils sont dans les dimensions maximales de ceux que j’ai pu rencontrer (Sophora de Béziers et Cyprès chauve de l’Arboretum de Baleine).
Pour le cèdre, je suis moins impressionné, bien qu’il soit dans des dimensions exceptionnelles, sa forme en bouquet fausse un peu son tour de taille hallucinant. C’est bien d’avoir pensé à le mesurer au plus étroit près du sol.
J’adore aussi le duo d’Araucarias, as-tu pris leurs dimensions ?
Tiens nous au courant de la suite de demande de labellisation !
En tout cas, bien joué, supers trouvailles ! C’est encourageant, il reste tant d’arbres fantastiques à découvrir caché dans les grands domaines privés…
Merci pour le partage !
🙂 🙂 🙂
@Guy : Oui j’espère que la demande sera validée. On ne sait jamais, comme on découvre de nouveaux arbres sans cesse, les critères de remarquabilité doivent être revus à la hausse en conséquence ; -)
@Yannick M. :
C’est vrai que c’était sympa de découvrir le cèdre. Franchement de loin, il ne payait pas de mine mais comme tu dis, il ne faut pas hésiter à se promener et à emprunter des routes improbables car des fois ça paie !
@Castor Masqué
Haha ! Il faudrait comparer ce cèdre à celui du château de Sassenage ; -) On ne s’en rend pas compte sur la photo mais en vrai, il fait son effet quand même.
On a pas mesuré les araucarias mais je pense qu’ils font dans les 2m50 de circonférence et 20m de haut environ.
Pour finir je ne manquerai pas de vous informer pour la labellisation : -) mais ça va prendre du temps, l’association est vraiment débordée !
Des araucarias de 2,50m de circonférence, ce sont déjà de « beaux bestiaux de concours » et avec leur forte présence paysagère, ils représentent des pièces maitresses dans cet ensemble arboré remarquable 🙂
As-tu rejoint l’Association ARBRES ? De mon côté, je pense y adhérer pour l’année prochaine mais pour le moment je manque un peu de temps pour m’investir dans cette bonne cause…
Bravo Aurélien!
Bel article qui se termine en apothéose par un bouquet final…
@Castor : Tu me mets le doute ! C’est vrai que j’ai rarement eu l’ocasion de rencontrer cette essence. Je crois en avoir vu un plus gros au château hanté du Fougeret (http://fougeret.blogspot.com/2018/01/quand-on-descend-tout-en-bas-du-parc.html), c’est peut-être pour ça que je n’ai pas eu le réflexe de mesurer ceux de la Mothe en Poitou…
Pas le choix, je vais demander à la propriétaire si je peux retourner les mesurer 😉
Pour adhérer à l’association A.R.B.R.E.S., j’y songe sérieusement. Pour le moment, je me concentre sur l’inventaire des séquoias de la Vienne qui touche à sa fin 🙂
J’ai comme l’impression que tu vas rapidement enchainer ensuite sur l’inventaire des arbres remarquables de la Vienne, ce serait dommage de ne se limiter qu’aux séquoias 😉 😉 😉
Pour ta visite arboricole du « Château hanté » du Fougeret, je te préviens tout de suite que Yannick ne donne aucune prime de risque pour réaliser nos reportages, il décline toutes responsabilités en cas de morsures de chiens ou de vampires, c’est à tes risques et périls… à toi d’équiper ton décamètre de gousses d’ail pour ne pas être dérangé pendant tes mesures !
😉
Ah je ne sais pas. Même si c’est absolument passionnant, je crois que tu en es le témoin, un inventaire des arbres remarqubles prend beaucoup de temps ! A voir…
Haha ! Si les propriétaires du Fougeret acceptent de m’accueillir à nouveau, avec un peu de chance, je tomberai sur l’esprit de la personne qui a planté l’araucaria et je lui demanderai la date de plantation exacte ! 😀
Quel bonheur de pouvoir se promener dans un tel domaine.
Petite précision concernant le couple d’araucarias, celui de droite mesure 1m97 de circonférence pour 13m de haut et celui de droite mesure 2m19 de circonférence pour 12m de haut (mars 2019)(circonférences relevées à 1m30 de hauteur).
Du coup, qu’en pensez-vous ? Remarquables ou non ?
*Celui de GAUCHE mesure 2m19 de circonférence pour 12m de haut.
Salut Aurélien,
je manque de références en matière d’Araucaria (il est très rare dans le sud est), mais j’ai l’impression qu’avec un tour de taille supérieur à 2m, on entre directement dans la catégorie des « gros » Araucaria.
Mais c’est surtout sa présence paysagère en duo près du château qu’il le rend absolument remarquable. C’est la signature paysagère du domaine de la Mothe en Poitou
🙂
Bonjour.
Très intéressant comme parc.
Bravo pour le calocèdre, on a passé un niveau !!
Pour les araucarias, je pense qu’au delà de 2,20 m on peut facilement les classer.
C’est un arbre qui d’emblée est très esthétique, et sera à l’évidence mis en avant.
Celui de Fougeret m’a l’air intéressant, de par sa hauteur, on peut déjà estimé qu’il est plus âgé.
Bonjour nous aimerions savoir à qui il faut s’adresser pour recensé un séquoia géant en Côte d’or. Peut être avez vous un nom ou un téléphone pour nous aiguiller?
Merci