Surprises provençales entre Camargue et Alpilles

Bien peu d’arbres remarquables ont été recensés en basse vallée du Rhône et d’une façon générale sur l’ensemble du département des Bouches-du-Rhône.
Comment est-ce possible ?
A croire que ce joli territoire baigné de soleil serait une terre hostile à la pratique de notre sport favori, la chasse aux arbres remarquables… et qu’il serait impossible de sortir de la trilogie : sieste / apéro anisé / pétanque ?

Halte là ! Stop aux clichés ! Il est temps de redonner un peu de fierté arboricole à tous les Marseillais 🙂 🙂 🙂
Au-delà de 2-3 arbres vedettes, vraiment exceptionnels, comme le Platane de Lamanon, Le Quillé de Miramas ou encore les Cyprès de Caderot… de fabuleuses surprises restent à découvrir et provoqueront à coup sûr l’effet « waouh » aux chasseurs d’arbres les plus exigeants.

Platanes, Pins d’Alep et Cyprès sont bien les espèces qui offrent le plus gros potentiel de remarquabilité dans le département des Bouches du Rhône. C’est une évidence !
Mais dans cette terre de caractère où le végétal doit lutter en permanence pour sa survie contre des éléments aussi hostiles que le mistral, la sécheresse, les incendies ou l’urbanisation, qui aurait pensé qu’un vieil orme rescapé ou même un simple lierre obstiné pourraient aussi se révéler extraordinaires ?

Direction la plaine de la Crau pour découvrir la 1ère surprise.

Et honnêtement, ce n’est pas franchement l’endroit où l’on s’imagine trouver un arbre hors-norme : une plaine immense, aux allures de steppe aride, dédiée aux troupeaux de moutons depuis la nuit des temps et entrecoupées de haies « brise-mistral » pour l’introduction plus récente de cultures fruitières. C’est pourtant dans cet environnement que pousse depuis près de 400 ans l’un des ormes les plus remarquables du sud de la France.

C’est un orme célèbre, souvent cité dans la littérature mais dont j’ai eu énormément de mal à retrouver sa trace sur le terrain. Il se cache en effet sur la très vaste commune de St Martin de Crau (NDLR les communes camarguaises sont les plus étendues de France) et je n’ai fini par le dénicher qu’après ma 3ème tentative de prospection dans le secteur.
Il trône fièrement devant un vieux mas, bien à l’écart d’une petite route vicinale.
C’est un ensemble de 3 pieds issus d’une souche certainement très ancienne.
En mars 2017, la plus grosse tige mesure 4,30m de circonférence à 1,3m de hauteur et 3,80m pour la tige placée à côté. La circonférence à la base des deux pieds est de 6,80m.
L’état sanitaire est très dégradé mais une 3ème tige, plus jeune, semble assez saine.
La propriétaire est consciente du caractère exceptionnel du vieil orme; elle est aussi très soucieuse de son état de santé, bien qu’il n’y ait plus grand chose à faire pour améliorer son état actuel…
Cet orme a été relevé dans l’inventaire (très discret…) mené sur les départements des Bouches-du-Rhône et du Var en 2001. Et la semaine précédent ma visite, un spécialiste de l’INRA d’Orléans était même passé examiner cet orme exceptionnel rescapé de la maladie de la graphiose.
D’après un comptage des cernes sur une grosse branche effondrée, le vieil arbre aurait entre 380 et 400 ans… il serait né à l’époque d’Henri IV !
Il est intéressant de constater également que d’autres ormes se sont installés de façon naturelle, spontanée, à plusieurs endroits de la propriété.
Je ne suis pas parvenu à identifier de façon précise le nom de l’espèce, à cette saison, il n’est pas évident de différencier un orme champêtre d’un orme diffus.

A noter aussi, juste de l’autre côté de la petite route vicinale, un majestueux chêne pubescent au tronc court de 4,90m de tour de taille à 1,30m de hauteur et de 4,72m au plus étroit à 1m du sol. Sa hauteur, mesurée au dendromètre suunto, est de 16m.


Changement de décor, quittons la plaine de la Crau pour nous enfoncer désormais dans le massif des Alpilles, magnifiquement tourmenté par des blocs et des falaises calcaires… mais dans un environnement tout aussi compliqué à conquérir pour les végétaux !

Le site des Caisses de Jean Jean (quel drôle de nom !) présente une particularité géologique : deux barres rocheuses se rejoignent pour former une cuvette protégée du vent. Une situation rare et repérée depuis bien longtemps par nos ancêtres… On y trouve d’ailleurs les traces d’un oppidum vieux de 2500 ans. Ce site archéologique est inscrit aux monuments historiques depuis 1937. Cette information est importante car d’un point de vue juridique, la zone de protection s’étend également sur une périphérie de 500m. Bingo ! c’est justement dans cette zone qu’un lierre extraordinaire nous offre un spectacle d’une rare beauté !
Le lierre a une faculté incroyable à coloniser tous types de support.
Parmi les lierres remarquables, on distingue donc :
– ceux qui partent à l’assaut des falaises (groupe des alpinistes)
– ceux qui escaladent les troncs d’arbres (groupe des forestiers)
– ceux qui transforment les poteaux téléphone en « arbres à lierre » (groupe des PTT)
– ceux qui envahissent les habitations en ruine (groupe des squatteurs).
Notre lierre « Jean Jean » fait parti du groupe des alpinistes et même des virtuoses de la grimpe en falaise !
Il couvre une surface impressionnante de la paroi rocheuse sur une hauteur de 16m (sommet de la crête rocheuse) et sur une largeur maximale de 12m. Mais il a surtout le bon gout de prendre la forme d’un cœur géant posé sur la paroi. Cette curiosité de la nature donne un charme indéniable et attire les randonneurs à pied ou à cheval. Le Parc naturel des Alpilles propose même un itinéraire de promenade pour découvrir le site.
En examinant de plus prêt ce lierre alpiniste, on s’aperçoit en fait qu’il y a 5 pieds (dont 3 plus imposants) à la base de la paroi qui se réunissent plus ou moins avant de partir à la conquête de la falaise.
En janvier 2017, la mesure du plus gros des pieds de lierre est de 0,46m de circonférence à 1,20m du sol. Une dimension plutôt faible pour un lierre vénérable mais qu’il faut mettre en relation avec les conditions de croissance particulièrement difficiles.
Au delà de son incroyable aspect esthétique, ce mur végétal joue aussi et surtout un rôle majeur dans la biodiversité du site. Il sert de refuge et de nourriture à une myriade d’insectes et d’oiseaux.
A noter aussi que deux autres lierres, aux allures moins impressionnantes, couvrent la paroi rocheuse au niveau des voies d’escalade en direction du parking.

Pour aller plus loin dans la découverte des facultés incroyables de conquête du lierre, je vous recommande la lecture des deux derniers numéros de La Hulotte (n° 106 et 107) qui lui sont intégralement consacrés. Vous y retrouverez le « Lierre Jean Jean » présenté en photo comme l’un des champions des lierres alpinistes. Et vous pourrez même reconnaitre une photo issue de l’article sur le lierre du Château de Vuzé (79) présenté par Y@nick sur notre blog… Quel honneur d’être publié dans la revue mythique de La Hulotte, félicitations 🙂 🙂 🙂

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8 réflexions sur « Surprises provençales entre Camargue et Alpilles »

  1. Belles découvertes en effet dans ces lieux où ne poussent que des cailloux roulés par le Mistral ! (chuis vilaine)

    Ta 1e photo va rendre Van Gogh jaloux (et moi aussi) 😉

    Oui j’avais vu ce lierre chez la Hulotte, mais n’avait pas réalisé qu’il se trouvait là… y’a un petit cade à côté qui pourrait en prendre de la graine pour devenir aussi imposant que celui de Castelnau 😉

  2. Pourquoi cet orme est il mutilé de la sorte ? C’est un véritable cauchemard !
    Et sur quoi se fonde t on pour dire qu’il est rescapé de la graphiose ? Tout ça est un peu léger comme information. Ça serait bien d’en savoir un peu plus.
    Cordialement
    Louis dubreuil

  3. Bonsoir Castor,

    Belles trouvailles ! Peut-être un orme de Sully ? 😉 et très beau lierre !
    J’ai aussi vu dans le livre « Arbres d’exception » de Georges Feterman, qu’il existe dans les bouches du Rhône un ensemble de cyprès-chauves remarquable à Marseille dans le parc Borely. En aurais-tu entendu parler ?

  4. Le lierre est… vraiment remarquable en effet ! Je vais me mettre en quête de ces N° de « La hulotte »
    Une question qui ne porte pas sur l’orme à l’honneur dans cet article mais sur les platanes; je suis à la recherche d’un conte entendu lorsque j’étais (beaucoup) plus jeune. Il mettait en scène un enfant qui, pour je ne sais plus quelle raison, « grattait » l’écorce de l’arbre. On peut classer ce conte dans les « contes étiologiques » (contes du pourquoi) parce qu’il expliquait l’origine des « plaques » de l’écorce du platane…
    Quelqu’un pour m’aider dans cette recherche ?

  5. Merci pour tous vos commentaires 🙂

    @ Pat’ : la 1ère photo date un peu (vers 2005), c’est surtout le coucher de soleil qui est remarquable plus que le cyprès voisin. C’était dans les Alpilles vers le Moulin de Daudet… l’une des merveilles du département 🙂

    @Louis : je n’aipas plus d’information sur cet orme et je pense que sa propriétaire qui m’accompagnait lors de ma visite n’en sait pas plus … Mais il faut relativiser un peu, il s’agit d’un vieil orme de 400 ans dans des conditions méditerranéennes difficiles… et s’il a échappé jusque là à la graphiose (il est fort probable qu’il ait subit plusieurs attaques de cette maladie qui a pu l’affaiblir ces dernières années), son état est forcément très dégradé. Il aurait été intéressant d’avoir l’avis de la personne de l’INRA qui était passé la semaine avant moi. Juste à titre de comparaison si on regarde les rares vieux ormes en méditerranée, on s’aperçoit qu’ils sont aussi très dégradés :
    – dans l’Hérault : celui de Navacelle est moribond, celui de Poilhes (cf article) est mort ces dernières années
    – dans l’Aude : celui de Villesèquelande semble en relative bonne santé grâce à un ingénieux système de perfusion de pesticides pour lutter contre la maladie (cf article)
    – dans le Gard : plus aucun vieux ormes recensés
    – dans les Pyr Orientales : celui du Mas Larrieu (centenaire) est mort subitement en une saison
    – en Lozère : celui du Causse à St Pierre de Triv. est dans une situation très particulière et ne peut pas être comparé
    – côté PACA, le seul qui fait référence est celui de Gorbio dans le 06, âgé de 300 ans il semble lui en relative bonne santé
    Tout ça pour dire, qu’il est déjà exceptionnel qu’un orme de 400 ans soit toujours vivant en zone méditerranéenne… 🙂

    @ Aurélien : l’attribution à « Sully » n’est pas évidente, c’est souvent un raccourci un peu rapide dès que l’on trouve un vieux tilleul villageois ou un vieil orme… les preuves pour affirmer qu’il s’agit bien d’un Sully ne sont pas facile à réunir. Cet orme pourrait avoir l’âge d’un Sully, mais sa situation excentrée du village met le doute pour lui attribuer l’étiquette d’ « Arbre de Sully ».
    Oui le Parc Borély compte quelques très beaux arbres dont ces cyprès chauves près de la pièce d’eau (avec pneumatophores) mais aussi un beau ginkgo et un cèdre du Liban. Je n’y suis pas passé depuis longtemps, ils sont sur ma liste des arbres à mesurer à mon prochain passage 😉

    @Geneviève : je ne connais pas ce « conte étiologique », peut-être qu’un lecteur de passage sur notre blog pourra vous renseigner.

    • je ne sais pas si mon message envoyé depuis mon tel est passé !
      Mon commentaire est le suivant : cet arbre remarquable a fait l’objet d’un élagage drastique totalement inapproprié et inacceptable. Sans doute le propriétaire a-t-il cru bien faire, selon les conseils d’un pseudo professionnel qui a « sécurisé » la ramure en supprimant la quasi totalité des charpentières. Bien entendu les branches coupées ne vont plus risquer de tomber ! Mais l’arbre est définitivement mutilé et enlaidi. De plus, toutes les plaies qui ont été créées sont autant de portes d’entrées béantes pour les champignons et lignivores divers. Il est exclu d’espérer que l’arbre puisse reconstituer quoique ce soit de significatif et qu’il puisse recouvrir ses plaies ou cloisonner suffisamment vite pour se protéger. C’est un vrai travail de sagouin qui devrait logiquement être considéré comme un délit puni par la loi, si cette dernière était bien faite ! Mais la propriétaire serait fondée d’intenter une action en justice contre le « professionnel » qui a fait le travail sans l’avertir de ses conséquences sanitaires. Une expertise assez simple à faire permettrait de définir les dommages et intérêts que lui doit l’entreprise : un tel arbre pouvant atteindre des valeurs à 6 chiffres, l’avenir de l’entreprise pourrait être sérieusement compromis !
      Un vieil arbre pluricentenaire doit être respecté et traité avec la plus grande attention, uniquement par des entreprises spécialisées dans la gériatrie arboricole. Toutes les tailles (même petites) sont en général nuisibles et ont des conséquences négatives à plus ou moins long terme. Si une branche ce casse, il y a même des spécialistes qui préconisent de laisser les cassures en l’état, sans chercher à rectifier. On peut avoir des approches moins dogmatiques, mais les actions doivent à la fois préserver l’esthétique de l’arbre, assurer la sécurité (on ne coupe pas mais on peut haubaner si il y a un risque mécanique) et la santé. Il faut en particulier une prophylaxie rigoureuse : désinfection obligatoire des outils, même entre deux branches ou coupes différentes. Un très vieil arbre avec les stigmates liés aux vicissitudes de sa longue vie est toujours préférable (et beaucoup plus beau et vénérable) à un arbre mutilé définitivement comme ce malheureux orme. C’est une véritable honte d’avoir traité cet arbre comme ça.

      Quand à la graphiose dont cet arbre aurait soit disant réchappé après avoir été infecté, c’est une fable difficile à croire ! Par contre on connait partout des ormes très vieux qui n’ont jamais été atteints : sans doute sont-ils vieux parce qu’ils sont génétiquement plus résistants à toutes sortes d’agressions, dont le ceratocystis. Peut être que la résistance de ces arbres tient à une faculté meilleure que les autres à cloisonner, donc à se protéger de la propagation interne des lignivores fongiques ou bactériens.
      Ce qui m’a interpellé dans le texte de présentation de cet arbre, c’est que rien n’a été dit sur le traitement qu’il a subi : on a l’impression que le rédacteur a trouvé ça « normal », la taille drastique étant sans doute vue comme une opération banale et/ou comme un moindre mal. Mais ce sont des idées reçues qu’il faut combattre vigoureusement, surtout au sein du milieu des amoureux des arbres : « plus jamais ça ! » doit être le slogan partagé par tous les lecteurs de ce magnifique blog des Têtards ! Nous aimons les arbres, respectons les, défendons les.
      On peut faire les mêmes remarques concernant les vieux platanes qui apparaissent dans les pages suivantes : leur mort par le chancre coloré n’aurait-elle pas pu être provoquée par les élagages drastiques et criminels qu’ils ont subis ? il y a en effet deux modes de contamination : manque de prophylaxie lors des opérations de taille, travaux dans le sol autour des arbres. Dans ce dernier cas la contamination se fait au niveau des racines touchées par du matériel de travaux publics (une simple pelle à main suffit, une seule spore du champignon suffit !) qui n’a pas été désinfecté. Il y a un arrêté ministériel qui rend obligatoire cette désinfection sur tout le territoire national pour les travaux à proximité des platanes. Ne pas le respecter est puni par la loi !
      Quand à la contamination des platanes du canal du Midi, elle est liée au fait que les racines des arbres sont à nu sur les berges immergées (l platane est un arbres de ripisylve à l’origine), donc exposées, et qu’elles sont souvent victimes de chocs causés par les bateaux (les racines intactes ne laissent pas passer les spores…).

      Cordialement

      Louis, ingénieur paysagiste, membre de la SFA

  6. Tu aurais pu attendre la Saint Valentin pour présenter ton lierre en cœur!

    Concernant l’orme, l’intervention est effectivement drastique. Toutefois, il serait intéressant de savoir si les parties qui ont été coupées étaient encore en vie au moment de l’intervention. Si tel est le cas, c’est effectivement catastrophique pour l’arbre et lamentable.
    Par contre, s’il n’y a eu que des parties mortes de retirée, le résultat est visuellement choquant mais plus « neutre » pour l’arbre.

  7. Ce genre de coupe est souvent perpétrée par des gens ignares qui pensent provoquer une « régénération  » des vieux arbres. C’est totalement stupide et criminel. Et même si les charpentieres étaient fatiguées rien ne justifie un tel traitement. Encore une fois c’est vraiment désespérant.
    Ça mériterait de rechercher qui a fait ça pour lui pourrir sa réputation…..d’autant plus si il s’agit d’un professionnel connu !
    Louis dubreuil

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