Accrochée à mi-pente d’une vallée verdoyante, l’actuelle église de Évegnée-Tignée date de 1695. C’est plus ou moins depuis cette époque (ou un peu avant) qu’un tilleul lui fait de l’ombre… au sens propre comme au sens figuré! En effet, ce tilleul est connu dans toute la province (et au-delà) pour sa position incongrue encastré dans le mur de cimetière!

Comme l’indique Benjamin Stassen dans le livre La mémoire des arbres – Tome 1, Jean Chalon – le plus célèbre dendrologue belge – rapporte qu’en 1880, les habitants s’opposèrent à l’abattage de l’arbre pour élargir la route qui passe à côté. Le livre cite d’ailleurs l’arbre dans un chapitre le reliant à l’exercice du pouvoir du fait de sa présence à côté de l’église (c’était généralement là qu’était planté les « arbres de justice »). Rien ne confirme cette hypothèse, mais je peux en tout confirmer qu’il n’a par contre aucun lien avec la tradition des arbres à clous: je n’ai pas observé le moindre clou planté dans le tronc, sur aucune de ses faces.

L’église a été classé comme monument le 25 janvier 1935 et le tilleul a été classé comme site 24 juillet 1936 (au sein d’une zone circulaire d’environ 15m de diamètre centré sur l’arbre, conforment à la législation de l’époque).

Toutefois, aucune source n’explique pourquoi cet arbre pousse dans un mur…

Concernant son état sanitaire, l’arbre est creux depuis longtemps. Sa ramure a fait l’objet de plusieurs tailles sévères (une première en 1992 lors de la restauration de l’église et une seconde plus récemment) et d’un étançonnage. Il semble toutefois bien s’en remettre. Comme dit dans le paragraphe précédent, je n’ai pas remarqué la présence du moindre clou dans le tronc. Et justement, en se glissant dans l’ouverture du tronc, qui s’ouvre sur les tirants dans la ramure, on découvre l’intérieur tapissé de bois mort mais encadré de bois vigoureux. Il n’y a rien à signaler: il semble en bonne santé.

Concernant ses mesures, je dois admettre que je n’ai pas su le mesurer, pour deux raisons: premièrement, du fait de son emplacement, il faut le mesurer par « au-dessus », côté cimetière. Or, en faire le tour à ce niveau est impossible côté trottoir (situé plus de 2m plus bas). Deuxièmement, approché de l’arbre côté cimetière n’est moralement pas à faire: une pelouse de dispersion a été aménagé autour. Marcher dans l’herbe ne serait pas correct…

Je dois donc m’en remettre à d’autres sources. Globalement, toutes renvoient vers une mesure estimée de « 5m » en 2001. J’ai toutefois trouvé deux mesures plus précises: le livre Arbres remarquables de Belgique indique 4m45 de diamètre et 21m de haut en 1978; le site Monumentaltrees.com indique une mesure de 4m83 à 1m30 en 2015 (https://www.monumentaltrees.com/fr/bel/liege/soumagne/8617_chapelledevegnee/). L’arbre semble donc continuer sa croissance en dépit de ses tailles et son emplacement limité. L’estimation de 350 ans généralement donnée semble donc plausible.

C’est donc un arbre en bonne santé qui nous est parvenu en dépit de ses vicissitudes. Il mérite son statut de monument (dendrologique et insolite) au côté de l’église d’Évegnée-Tignée.

Ps: si une statue de la vierge du XVème siècle dans l’église fait l’objet d’un pèlerinage très local, il était impossible de parler de la localité et de l’église sans en citer une autre: la Sedes Sapientiae dite Vierge d’Évegnée-Tignée. Cette Sedes – vierge assise tenant le Christ sur ses genoux, faisant d’elle le « trône de sagesse » –  date de 1050-1070, ce qui en fait une des très rare sculpture en bois du XIème siècle conservée en Belgique. Elle fut découverte en 1909 dans le jubé de l’église et est aujourd’hui exposée au Grand Curtius à Liège. Depuis 2019, elle est classée « Trésor de la Communauté Française », l’équivalent d’un classement comme monument à titre d’objet en France: https://patrimoineculturel.cfwb.be/patrimoines-en-fwb/inventaire-du-patrimoine-mobilier-protege/pcmdetail/fwbpci-fiche/179/