Retour en Belqique, avec un article de Renaud, sur des charmes étrangement passés sous les radars des inventaires.
Récemment, je suis tombé sur une photo* prise vers 1935 d’une potale** dans le Pays de Herve – le paysage culturel compris entre Liège, Verviers, les frontières néerlandaises et allemandes. On pouvait y voir un crucifix encadré de deux charmes soudés dans lesquels avaient grimpé des enfants.
Crédit et autorisation de https://www.arvia.be/
Là où elle m’a particulièrement sauté aux yeux, c’est que j’avais déjà photographié ces arbres il y a des années, en avril 2012, mais sans réussir à les replacer depuis lors. La page internet donnant un nom de lieu – « Sonkeu » à Melin – j’ai su enfin retrouver l’adresse. L’anonymat de ces deux charmes soudés est remarquable (d’autant que c’est un des trois seuls cas où des arbres soudés entourent un potale, avec le chêne-potale de Roanne-Coo*** et la Rodje Creû de Tavier) : aucun guide touristique, aucun livre sur les arbres remarquables et aucun site internet ne les mentionne!
La rue du Sonkeu est une rue déconcertante, au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans le cul de sac : en 800m, on passe d’une grand-route bordée de grandes surfaces commerciales, à une rue bordée de maisons 4 façades des années 70 à aujourd’hui, puis finalement des fermes du XVIIème siècle autrefois isolées. Et là, au bout du chemin, les deux charmes trônent autour de leur crucifix sur leur balcon qui s’ouvre sur les prairies du Pays de Herve… Mais en fait non, depuis ma dernière visite, la prairie derrière les arbres a laissé la place à un vignoble. Pire, si les fermes sont toujours là, les charmes sont désormais encerclés de vergers de fruitiers.
Comparaison avril 2012 et septembre 2024 :
Les deux charmes se trouvent face au n°16 Rue Sonkeu. Ils ont grandi, mais la forme n’a pas changée. Une analyse plus poussée permet de voir qu’ils sont soudés plusieurs fois. Les troncs, noueux comme tout bons charmes qui se respectent, portent quelques plaies profondes suite à des pertes de branches. Ils sont toutefois globalement sains.
Un clou est visible sur la face sud du plus gros arbre. Toutefois, la présence d’agrafes laisse supposée que ces éléments métalliques sont les reliques d’une signalétique plutôt que des ex-voto sur un arbre à clous (ce qui aurait été possible comme il y a un crucifix). Les branches basses confirment qu’il s’agit de deux individus de charme commun (Carpinus betulus).
Niveau mesures, seul le site WalOnMap donne des mesures en 1999 (face au crucifix, le plus gros est à gauche) :
1999: 230cm et 180cm;
2024: 240cm et 192cm.
Les deux charmes poussent donc aujourd’hui doucement. La
photo de 1935 donne quelques indices pour les dater : l’arbre de gauche mesurait un peu plus d’un mètre de diamètre à l’époque. Il était donc approximativement centenaire à l’époque et bicentenaire aujourd’hui. La photo monte aussi qu’il a subit une taille en têtard de ses extrémités vers 1900. Difficile de dire si cette taille a eu une influence sur sa croissance.
Voilà donc deux charmes insolites qui sortent de l’anonymat…
**: (Belgicisme) Niche, sur un socle ou dans un mur, contenant une statue pieuse.
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Super article! Sur Facebook, suis tombé sur un autre duo de charmes soudés accompagnant une croix à Anthisme province de liège.
Crédit : Denis Laconte https://www.facebook.com/photo/?fbid=122174008190139295&set=gm.3269208186549871&idorvanity=355240434613342
Et bien Yannick, tu es tombé sur la « Rodje Creû de Tavier » dont je parle dans le 2ème paragraphe (et qui se trouve bien sur la commune de Anthisnes). Je garde ce/ces charme(s) de côté car ils occupent une place particulière dans mes souvenirs: je les ai vu pour la dernière fois le dernier weekend avant le lockdown de la pandémie de Covid.
Je n’avais pas fait le rapprochement. En Bretagne, il existe aussi un charme à deux troncs dans un jardin. Les deux axes se rejoignent pour n’en former qu’un très élancé, qui supporte une belle cime très régulière.