Le Village de Sixt-Fer-à-Cheval, dans le haut-Giffre, est surtout connu pour son abbaye et ses paysages grandioses (cirque du fer-à-Cheval, cascades), mais la commune abrite un autre joyau méconnu[1] :
un Tilleul séculaire.
Situé en plein cœur du village cet arbre classé[2], un Tilleul à grandes feuilles, serait âgé de plus de 400 ans, voire 500. Possible mais difficilement vérifiable.
Une expertise dendrochronologique[3] réalisée cette année n’a pu conclure qu’à un âge minimum de 157 ans, faute de pouvoir compter tous les cernes de croissance.
Côté archives: un article de « l’indicateur de la Savoie » du 17 octobre 1896 parle du « Tilleul séculaire » ; Achille Raverat écrit, en 1872 : « …au devant, étend son ombrage un tilleul âgé, dit-on, de plus de quatre cents ans… » ; on peut lire en 1865 sous la plume d’Adolphe Joanne : « La place est ornée d’un tilleul aussi beau que celui de Samoëns » ; en 1821 F.J Martin écrit : « Sur le devant de l’abbaye est une place ombragée d’un beau tilleul » ; de vieilles lithographies du milieu du XIXè siècle (image ci-dessus) montrent un arbre déjà imposant[4]…
… Nous pouvons en déduire un âge en tous les cas supérieur à 200 ans. Certainement bien davantage (estimation personnelle > entre 270 et 420 ans)…
Bien qu’encore imposant avec ses 5,55 mètres de circonférence cet arbre n’est plus que l’ombre de lui-même.
Ayant subi une forte intoxication au sel de déneigement[5] ce tilleul dépérit depuis 2005, année où les premiers symptômes du mal ont été décelés[6]. Dès l’hiver 2005/2006 un périmètre de non-salage a été établi autour de l’arbre, mais cela n’a pas empêché son déclin.
De grosses chutes de neige à l’hiver 2011/2012 entraînent la casse d’une branche de grosse section. La nouvelle expertise[6] réalisée dans la foulée se fait désormais alarmiste et conclue ainsi: « dans la mesure où cet arbre n’offre plus aucune vitalité ni aucune capacité à réitérer de nouveaux tissus vivants, aucune alternative à l’abattage n’est envisageable pour garantir sa tenue mécanique et la sécurité des lieux. ». Se basant alors sur cette conclusion la municipalité décide de lancer rapidement, début 2012, une procédure officielle afin d’abattre le vieux Tilleul.
La démarche n’est pas si simple car cet arbre étant classé la demande doit être validée par l’inspection des sites. De plus l’État et la mairie semblent s’opposer sur l’après abattage: le maire rejetterait l’idée d’une replantation, quant aux services officiels leur position serait la suivante: aucun abattage ne sera autorisé s’il n’est suivi soit d’une replantation, soit de l’installation d’un élément rappelant l’existence de cet arbre (informations à confirmer).
Il semblerait, pour des raisons de priorités budgétaires, que ce projet soit temporairement reporté (cela ne signifie toutefois pas l’absence d’abattage entre temps)…
Statu quo depuis 2012. Le Tilleul quant à lui, au fil des différentes tailles sanitaires, a perdu son houppier d’origine. Désormais le vieil arbre ressemble à une sorte de Totem tricéphale. Apparence qui ne manque pas d’une certaine beauté, mais ne rend pas hommage à sa splendeur d’antan.
Après cette chronologie objective des événements, quelques remarques personnelles qui n’engagent que moi:
Si je ne contredis pas l’expertise sanitaire (je ne dispose pas des connaissances pour le faire et n’en ai, de toute façon, pas l’intention), la lecture de la conclusion du dernier rapport, proclamant «l’absence d’alternative à l’abattage», me laisse dubitatif.
Pourquoi abattre cet arbre?
Deux arguments sont avancés > 1) il est « mort » (sic) , 2) il est « dangereux »
1) Certes l’arbre est mal en point et peut-être condamné à moyenne échéance. Toutefois, et j’ai pu le constater en ce mois de juin, l’arbre est toujours vivant et présente plusieurs bouquets de feuilles d’apparence saine. Je sais que cela n’est pas forcément signe de rémission, mais il serait intellectuellement malhonnête de prétendre que l’arbre est « mort » (comme j’ai pu l’entendre et le lire), et de se servir de cet argument pour précipiter son « démontage »[7] !
Pourquoi ne pas laisser à cet arbre une chance, si maigre soit-elle, de récupérer? Et s’il est réellement condamné, pourquoi ne pas l’accompagner ; lui permettre de terminer tranquillement (si je puis dire) son existence ?… N’est-ce pas le moindre des respect dû à un être vivant aussi âgé? (que dirait-on s’il était préconisé d’euthanasier les retraités dès les premiers signes de faiblesse?)
Qu’en est-il alors de l’argument sécuritaire?…
2) La fragilité des grosses charpentières semble avérée et il convient effectivement d’éviter un drame. Il est toutefois envisageable de rabattre progressivement la hauteur de l’arbre[8] sur plusieurs années (le bouquet de feuilles présent à 3m de haut pourrait peut-être, avec le temps, reformer un houppier?) tout en établissant un périmètre de sécurité non accessible aux piétons. Périmètre qui pourrait parfaitement s’intégrer au projet de rénovation du centre du village.
Les arguments sanitaires & sécuritaires ne permettent donc pas d’affirmer « l’absence d’alternative à l’abattage ». Il s’agit davantage de questions politiques et économiques (voire idéologiques) que d’une nécessité impérieuse.
Ces quelques remarques se discutent et je conçois parfaitement qu’on puisse envisager de couper ce Tilleul. L’arbre est déclinant et dangereux certes, mais affirmer l’absence d’alternative à l’abattage est un peu fort! Reconnaitre le caractère subjectif de cette assertion est très important car cette conclusion implacable est au cœur du dossier…
N’hésitez pas à poser des questions, proposer des solutions, ou tout simplement à manifester votre intérêt pour cet arbre auprès de la mairie de Sixt:
secretariat(a)sixtferacheval.com / mairie(a)sixtferacheval.com
tel: 04 50 34 44 25
Localisation: cliquez ici
Plus d’images sur meristemes.net
Notes:
1 – Le relatif anonymat entourant cet arbre est certainement dû à la proximité de son célèbre voisin, le gros Tilleul de Samoëns, situé à seulement 5km de là.
2 – arrêté du 22 janvier 1910 (voir ici)
3 – étude Archéolabs – mai 2014
4 – Sur cette même place existait un gros Frêne, disparu depuis plus de deux siècles, et qui aurait été planté par Ponce de Faucigny au XIIè siècle. Un nouveau frêne (disparu lui aussi, mais visible sur d’anciennes cartes postales) fut planté en remplacement. Concernant notre Tilleul, je n’ai pu trouver de documents antérieurs au XIXè siècle.
5 – ce qui n’est pas sans rappeler la triste (et évitable?) fin du Tilleul de Trossy, disparu dans l’indifférence générale (voir ici)
6 – expertise du 29/08/2005 – société Cambium (expertises suivantes en 2006, 2008 et 2012)
7 – terme révélateur qui montre que l’arbre est perçu comme un objet, parfois beau, parfois dangereux, mais qu’il convient toutefois de « démonter » une fois usé.
8 – le Tilleul pourrait ne pas s’en remettre, mais autant tout essayer avant abattage. C’est le moindre des respect dû à cet ancêtre, mémoire vivante du village de Sixt… Suggestions/documentation/aides sont les bienvenues!
…
> Si vous disposez d’anciennes photographies cela m’intéresse.
Très bel article, Tristan, beaucoup de recherches, bien documenté, même si son contenu me révolte (et je suis polie)
Quel choc entre les cartes postales anciennes et les photos actuelles 🙁
Ce pauvre tilleul ne déparerait pas la « sordide collection » d’arbres victimes des misères (là aussi je suis très polie) humaines dont fait état Baraton dans son livre « la haine de l’arbre ».
Quand un arbre emm… il est facile de dire qu’il est malade et dangereux (surtout pour les « autorités ») et celui-là (le tilleul) franchement quel sans-gêne !! Pousser juste devant le magnifique office du tourisme récemment rénové et en gâcher ainsi la façade….
Et flûte ! j’arrête-là ça va me gâcher mon dimanche !
Mais merci Tristan d’avoir attiré notre attention sur les derniers jours de ce vétéran qui, on le sent bien, te tiens très à cœur.
M’en vais boire un petit tilleul ça me calmera 😉
Merci Tristan pour cette présentation. Le deuxième scénario de gestion que tu proposes (maintien de l arbre, réduction de la couronne et installation d un périmètre de sécurité) est un scénario souvent retenu dans des vieux parcs anglais. Cela permet de conserver des vieux arbres jusqu’à leur mort naturelle. Nos amis anglais ont une autre approche de la valeur des vieux arbres…
Bel article particulièrement documenté!
En tant qu’arboriste-grimpeur, je suis régulièrement confronté à ce genre d’argumentaires et de raccourcis (de mauvaise foi) justifiant l’abattage d’un arbre.
Le « il est mort » en parlant d’un sujet en feuille est un classique du genre, avec le « il est dangereux » affirmation la plupart du temps basée sur un ressenti et non sur des critères objectifs (en fait la bonne formule serait « j’ai une peur irrationnelle de mon arbre »).
Dans le cas de ce tilleul, je pense que c’est un parti pris de la municipalité et de l’expert.
L’expert peut vouloir se couvrir; en proposant l’abattage il ne prend pas de risque. D’autre part, dans le monde de l’arboriculture ornementale ( experts, gestionnaires, arboristes-grimpeurs…) circule un courant de pensée, contre « l’acharnement thérapeutique » : il est préférable d’abattre et de replanter quand l’arbre est mal en point (je n’adhère pas totalement à ce façon de voir l’arbre!)
Pour la municipalité, l’abattage règle le problème de la gestion de cet arbre (temps, argent, responsabilité en cas d’accident, polémique…). D’autre part, les propriétaires d’arbres s’en remettent trop souvent aveuglément à la parole de l’expert (qui parfois n’est pas vraiment compétent), je pense notamment aux interventions sur le chêne Guillotin
http://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/2013/07/20/des-nouvelles-du-chene-guillotin-a-concoret-morbihan/
confier au bon soin d’un expert de l’ONF n’ayant pas remis ses connaissances à niveau depuis longtemps!
Les tilleuls n’ont pas de chance, le scénario se répète : dernièrement à Béhonne (Meuse) le tilleul a perdu une cime, malgré une bonne vigueur, l’arbre a été coupé à 3 m de haut, à la vue des photos il aurait été possible de le réduire graduellement pour le laisser se régénérer.
Autre cas à Vigean l’arbre a été abattu :
http://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/2012/11/14/le-tilleul-de-la-liberte-du-vigean-cantal/
Un très bel article super documenté.
Ces vieilles cartes postales ont une importance capitale pour témoigner du quotidien de la vie d’antan.
Les problèmes d’intoxication par le salage des routes est un problème sérieux pour toute la végétation de bord de route mais aussi pour la faune. C’est un véritable poison, et même si notre sécurité routière est prioritaire, d’autres moyens existent pour éviter d’épandre des tonnes de sel dès les 1ers flocons. le sablage (épandage de granulats) est une excellente alternative… en complément de l’équipement de pneus neige. Nos voisins suisses sont bien en avance sur ces techniques plus respectueuses de l’environnement, mais de nombreuses municipalités de montagne commencent aussi à en prendre conscience.
http://www.encyclo-ecolo.com/Salage_des_routes
Je rejoins les autres avis sur le fait que l’abattage prévisionnel de ce vieux tilleul est une solution bien trop radicale. Un moyen simple pour éviter d’hypothétiques problèmes.
La 1ère photo que tu présentes, montre un arbre qui a encore de la vitalité et qui ne représente aucun risque potentiel pour les piétons.
Laissons lui le temps de récupérer doucement de son empoisonnement en le protégeant mieux, il peut encore nous surprendre…
Ce choix radicale de la municipalité me fait penser au peuplier noir de Lus-La-Croix-Haute : http://krapooarboricole.wordpress.com/2011/09/29/peuplier-de-la-liberte-lus-la-croix-haute-drome/
Symbole de la liberté, planté au moment de la révolution, il est très très dépérissant actuellement. En passant le voir dernièrement, le propriétaire du restaurant où il trône devant sa terrasse, m’a fait part de son inquiétude sur l’avenir de « son arbre ». Il m’a dit que la mairie voulait l’arbre car il représentait une gêne pour de futurs travaux de voirie. Le restaurateur veut s’y opposer et veut garder ce symbole devant sa terrasse.
Encore une décision prise bien trop vite et une situation bien regrettable : un mairie qui semble avoir perdu ses vraies valeurs en voulant supprimer son symbole de l’arbre de la liberté et lorsque l’on sait aussi que ‘populus’ (peuplier), signifie le peuple en latin…
J’avais oublié une remarque quand au terme « démontage » (note 7). Je ne pense pas qu’il faille y voir quelque chose de particulièrement péjoratif, car c’est un terme que l’on emploi dans le jargon d’élagueur, pour indiquer que l’abattage ne se fait pas par le pied, mais en commençant par le haut…
Autrement, dans son état actuel, je ne pense pas qu’il représente une menace imminente, compte tenu de l’élagage sévère qu’il a subit il y a très peu de risque de le voir s’effondrer!
Je serais curieux de savoir quelle entreprise a effectué ce que j’ai du mal à qualifier d’élagage ou de taille. Je n’ai pas vu l’arbre avant, toutefois je trouve assez étrange la façon dont a été conduite la réduction du houppier pas de tire-sève, coupes non planes (à vérifier j’ai du mal à voir sur les photos). L’aspect général donne l’impression que la coupe a été faite un peu au hasard, comme on le voit quand des personnes non expérimentés font de l’élagage…
patb30 > À ce que j’ai cru comprendre suite à mes investigations il semblerait que pour le maire actuel l’arbre, fut-il multi-séculaire, « cacherait » les bâtiments historiques de Sixt. Dossier très politique donc. Heureusement le conseil municipal semble divisé au sujet de ce Tilleul, un espoir est donc permis.
Mickaël > Dommage que nous ne puissions pas profiter de l’expérience des spécialistes anglais concernant les vieux arbres. Existerait-il de bonnes traductions à ce sujet?
Yannick > Sans en être certain je crois que l’expert a pris peur suite à la chute d’une grosse branche en 2012 (les précédents rapports n’étant pas alarmistes). Il aurait alors (hypothèse probable) préféré se « couvrir » comme tu dis, pour éviter d’avoir à supporter une trop grosse responsabilité. Je peux comprendre cette réaction, c’est bien humain ; mais le problème est que tout ce dossier repose sur l’avis de cet unique expert.
L’exemple du tilleul abattu au tracto-pelle est affligeant, j’espère qu’on pourra éviter au Tilleul de Sixt de subir le même genre d’outrage.
Pour ce qui est du terme « démontage » j’espère ne pas t’avoir vexé. Je n’avais pas idée qu’il puisse s’agir d’un vocable aussi couramment utilisé. Je ne peux toutefois m’empêcher de percevoir ce mot à travers mon prisme de non-spécialiste et je crois que je n’arriverai tout de même pas à me faire à l’idée qu’on puisse « démonter » un arbre.
Concernant l’élagage je n’ai pas réussi à obtenir le nom de la société en question. Serait-il envisageable/pertinent de proposer spontanément à la municipalité de contacter tel ou tel spécialiste compétent en la matière?
castor masqué > Bien que totalement ignorant des problématiques de voirie j’ai quand même tout de suite pensé au sable. Alors pourquoi avoir salé jusqu’en 2005? Ignorance, maladresse, malveillance? Mystère. Et puis cette histoire de périmètre me chiffonne: trouves-tu suffisant de limiter la non-utilisation de sel à 10 mètres autour de l’arbre? N’est-ce pas un peu faible?Ne serait-il pas plus pertinent d’englober toute la place?
Concernant le Peuplier de Lus-La-Croix-Haute il est rassurant de savoir que quelqu’un s’acharne à vouloir le préserver. Mais ailleurs, combien de vénérables disparaissent dans l’anonymat, faute de trouver protecteur(s)?
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N’hésitez pas à envoyer un mail à la mairie (même deux ou trois lignes), afin de montrer que nous sommes nombreux à nous intéresser à cet arbre (et n’hésitez pas non plus à leur communiquer vos avis et conseils de spécialistes/professionnels).
Vous avez tout dit les amis.
C’est révoltant de voir « la » solution de commodité – l’abattage – immédiatement mise en avant pour des raisons plus ou moins fumeuses.
Ou sinon de mentir à son sujet en disant que finalement avant il était beau, il ne l’est plus et doit donc être abattu.
Cet arbre magnifique a beaucoup perdu au fil des ans, pas en beauté mais en houppier.
Il est injuste de dire de ce tilleul qu’il est fini et que c’est ainsi.
Bien des exemples montrent que des tilleuls dits mourants se régénèrent parfaitement au bout de quelques décennies.
Mais oui, c’est long.
Si cet arbre devait mettre 50 ans à reformer un houppier conséquent, monsieur le maire et son équipe seraient déjà morts et enterrés avant d’en avoir vu le début. Alors pour laisser sa « trace », quoi de mieux de d’abattre un géant et faire sortir de terre un rond-point tout neuf – avec une horrible sculpture contemporaine ou autre – en son milieu ?
Bref, un article superbement documenté, écrit avec passion et agrémenté de photos historiques intéressantes. Bravo !
En effet un cas de figure pour le moins inextricable !
L’arbre peut continuer sa vie ainsi, mais ici, on voit qu’il se situe au milieu d’une place, donc un périmètre à l’anglaise me paraît peu faisable et pour ce qui est du maintien dans l’état, mis à part avec de l’étayage et/ou du haubanage je ne pense pas que l’avis lui sera favorable.
Mais le hic, dans l’affaire je pense que c’est bien une histoire de sous, et peut-être de non considération pour le patrimoine végétal..
Yannick > J’ai vérifié: les coupes terminales sont horizontales, les autres sont effectivement, pour certaines, non planes ; et extrêmement proches des charpentières. Certaines personnes que j’ai pu rencontrer n’ont pas hésité à qualifier cet élagage de « massacre ».
Damien > Effectivement les réflexions autour de cet arbre semblent ne pas excéder quelques années (la durée d’un mandat municipal?). Je n’accuse pas particulièrement cette mairie car le problème semble plus général: la difficulté, voire l’impossibilité pour certains, de concevoir des durées supérieures à la vie humaine. Dès qu’on parle d’arbre multiséculaire… blocage. Terreur existentielle? Paresse intellectuelle? Limite des capacités d’abstraction? Quoi qu’il en soit le résultat est le même: on traite un arbre de 300 ans comme on traite un arbre de 30 ans, avec le même mépris, c’est kif kif. J’imagine que tu dois rencontrer le même genre d’incompréhensions avec tes vieux ifs.
Sisley > Oui le cas de ce Tilleul est assez compliqué. Le plus dingue dans cette histoire c’est que cet arbre est un élément central de l’histoire du village ; plus encore: J’ai pu en discuter avec un archéologue faisant des recherches sur le site, selon lui il se pourrait que les habitations se soient initialement structurées autour du vieux frêne sacré (qui mesurait 9m de circonférence!), ancien voisin de ce tilleul. C’est donc l’histoire même du village qui est, en quelque sorte, bafouée… Ironie du sort, le vieux Fraxinus a été abattu au XIXè siècle pour des raisons de sécurité(sic).
….
Lors de mon passage en juin j’étais trop choqué pour observer attentivement l’arbre. Je suis retourné à Sixt dimanche dernier et j’ai pu constater quelque chose de fâcheux qui m’avait échappé: je pensais qu’il était envisageable de haubaner les trois charpentières qui de par leur disposition symétrique conféraient un certain équilibre quant aux contraintes mécaniques. Mais une des charpentières est totalement dévitalisée (présence de champignons au sommet), et si elle venait à casser, ou devait être coupée, le centre de gravité de l’ensemble se retrouverait alors excentré, presque dans le vide, et le risque d’éclatement serait alors inévitable sans étayage. Et il est peu probable que cette option soit retenue vu l’emplacement de ce tilleul.
Quant à tout rabattre au sommet du fût, l’arbre y survivrait-il?…
Ce serait pourtant sa dernière chance à mon avis car il possède de nombreux rejets en partie basse qui pourraient être son avenir : http://krapooarboricole.wordpress.com/2010/06/15/le-tilleul-de-la-cathedrale-saint-die-vosges/
L’élagage sévère que ses charpentières ont subi va créer de nombreuses cavités dans son bois qui n’est pas des plus durables et son équilibre n’est donc pas assuré dans le temps (mais combien de temps, là est la question; on est à l’échelle d’une décennie!)
Moi, ça me plairait assez de le voir devenir un vieil arbre creux et bas mais encore bien vivant qui servirait de cachette aux enfants et à côté duquel on trouverait un panneau avec une photo du temps de sa splendeur…
Cet après-midi à 14h30 sur Arté dans le cadre de l’émission « Villages de France », Sixt-Fer-à-Cheval sera à l’honneur. Certainement une occasion de voir apparaitre ce tilleul.
http://www.arte.tv/guide/fr/044992-006/villages-de-france
Pour ce qui est de l’avenir de cet arbre, je me pose la question de savoir si comme pour le cas des bâtiments classés, l’Architecte des bâtiment de France ne doit pas être consulté ? Dans ce cas ce n’est pas la mairie qui est décisionnaire de son avenir mais bien l’ ABF.
De toute façon il est clair qu’une expertise affirmant « que cet arbre n’offre plus aucune vitalité ni aucune capacité à réitérer de nouveaux tissus vivants » est fausse et mensongère et discrédite complétement la personne qui l’a rédigé ainsi que son cabinet d’expertise.
Je viens de voir le reportage qui en fait était une rediffusion. Je trouvais un peu fort de faire un docu sur Sixt sans montrer un seul plan de la place principale du chef-lieu! On entrevoit à peine, sur un petit plan, un bout de notre Tilleul. Vu son aspect ce reportage est antérieur à 2013.
Pour répondre à ta question la mairie a fait une demande d’abattage, mais le dernier mot revient à « l’inspecteur des sites » (une inspectrice dans ce cas précis). Je n’ai guère obtenu d’infos de ce côté, l’inspectrice m’ayant seulement affirmé que le dossier était « étudié de près » et qu’à ce niveau l’abattage nécessitait l’accord du ministre. Toutefois il ne faut pas oublier que ces personnes ont certainement besoin d’experts pour éclairer leurs lanternes. Mais quel genre d’expert? Du genre à décréter que l’arbre est mort?…
Je n’en sais toujours pas plus à ce jour…