Les Calocèdres du golf d’Uriage, Isère

Au pied du Massif de Belledonne, la terre des Alberges est chargée d’histoire.

Un héritage qui donne un aspect particulier à ce parcours de golf.
Il ressemble à un océan de verdure parsemé d’ilots forestiers peuplés de géants.
Sur l’un d’entre eux, un vénérable Calocèdre, le « Seigneur des  Alberges », trône fièrement du haut de ses 40m. Il fait l’admiration des passionnés de la petite balle blanche depuis tant d’années.
Ce Seigneur dépasse largement les cèdres et thuyas peuplant les autres « iles ».
Mais caché en bordure du royaume, un concurrent plus discret pourrait bien faire valoir ses droits à la couronne…

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Au Moyen-Age, le domaine était une immense exploitation agricole de 38 ha (pour l’époque c’était immense). Le bâtiment de la ferme est transformé au début du XIXème en hôtel pour accueillir les baigneurs des thermes d’Uriage (« des lits à la ferme pour les malades venus boire l’eau pour ses vertus purgatives »).
En 1831, le domaine est aménagé en parc d’agrément sous la forme d’un arboretum. Mais il est peu probable que subsiste des espèces rares de cette période.  C’est plus tard, en 1898 lors de l’achat du domaine par le maire de Grenoble que le parc sera remodelé et embelli.
En 1921, La station thermale récupère le territoire pour le transformer en un Golf dans un cadre nature de toute beauté (à lire l’histoire complète du Domaine ici).
Ce magnifique patrimoine a été conservé sous la forme de petits bouquets d’arbres d’espèces variées. Parmi ces espèces, le Calocèdre est celle qui s’affiche comme la plus remarquable.

Le Calocedrus decurrens (de son ancien nom libocedrus, prêtant à confusion avec les cèdres dont il n’a rien à voir) a été introduit dans les parcs et jardins de la région Rhône-Alpes dès la fin du XIXème. Moins fréquent car moins populaire que son voisin californien le Séquoia, il est souvent confondu avec le Thuya géant dont les rameaux et le port sont assez similaires. On le distingue à l’âge adulte par son épaisse écorce brun-rouge assez proche de celle du Sequoia sempervirens. L’écorce du Thuya est gris sombre et moins crevassée.
Il n’est pas rare de rencontrer sur certaines propriétés des calocèdres presque séculaires dépassant les 3m de circonférence.
En revanche, ceux du Golf d’Uriage atteignent des dimensions peu habituelles en France. Leur âge précis n’est pas connu, mais David le jardinier responsable du Domaine, m’affirme qu’ils sont plus que centenaires. Les 1ers Calocèdres introduits en Europe datent de 1853. Le parc a été entièrement remodelé en 1898 et il fort probable que les Calocèdres, Thuyas et Cèdres aient été plantés à cette période. On peut donc estimer leur âge entre 110 et 120 ans.
Le Seigneur des Alberges a une circonférence à 1,3m de 4,67m en septembre 2018 (dernière mise à jour).
Sa hauteur a été mesurée au dendromètre électronique vertex à 42m (septembre 2018 dernière mise à jour).
Son état de santé semble excellent malgré quelques signes de faiblesse à surveiller à sa cime (sept 2018). Tandis que les Thuya situés sur les autres ilots montrent de sérieux signes de dépérissement (descentes de cimes).
Coordonnées géographiques 45,13310°N 005,82192°E – Altitude 415m
Les autres arbres formant ce bouquet de calocèdres sont également de dimensions impressionnantes avec des circonférences comprises entre 3,5 et 4m.

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Les photos ci-dessous montrent l’écorce rouge crevassée et les fruits caractéristiques permettant d’éviter toute confusion avec son cousin le Thuya géant.

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En pénétrant sur le golf, tous les yeux se tournent vers le Seigneur des Alberges et sa cour dont la tendance actuelle semble être le port de la mini-jupe. Un élagage à 15m met en évidence la magnifique écorce rouge sombre couvrant un tronc élancé et parfaitement rectiligne… Des lignes parfaites enviées de tous.
Mais à la frontière du domaine au milieu des cèdres, l’un de ses sujets a été banni de la cour. Une expulsion en pays barbare qui reste mystérieuse et dont les raisons se perdent dans la nuit des temps. Certains prétendent qu’il s’agirait du frère du Roi…
Loin des fastes de cour,  Le Renégat des Alberges n’a pas dit son dernier mot. Il aura sa revanche et prépare discrètement la reconquête du royaume à l’abri des regards. Sa hauteur en fait déjà le plus haut sujet des Alberges et il est bien décidé dans quelques années à conquérir le titre du plus gros « Calo » du royaume pour faire valoir ses droits à la couronne !
Sa circonférence à 1,3m en octobre 2014 est de 4,18m et une hauteur mesurée au dendromètre électronique de… 43m ! La dernière actualisation des mesures, en septembre 2018, annonce une hauteur actuelle de 44m et une circonférence de 4,26m (sur la photo ci-dessous, le cèdre de l’Atlas placé à sa gauche mesure 38m).

Coordonnées géographiques 45,13289°N 005,82112°E – Altitude 415m

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Le Calocèdre est une essence très rustique. Dans son aire d’origine c’est un montagnard, on le trouve indifféremment sur tous types de sol jusqu’à 2000m d’altitude. Il résiste aussi particulièrement bien aux grands froids (jusqu’à -23°c) et aux sécheresses prolongées. Cette véritable prédisposition à la sécheresse vient de sa capacité à utiliser la rosée à défaut d’une pluviométrie suffisante. Il peut ainsi atteindre l’âge canonique de 500 ans (et même plus) et une hauteur de 70m. Mais sa circonférence n’atteindra jamais les records de ses cousins les sequoias car il garde un port colonnaire caractéristique.
Vous l’aurez compris, le Calocèdre est un dur à cuire. Cette résistance exceptionnelle, associée à une bonne qualité de son bois, ont rapidement intéressé les forestiers français qui ont tenté de l’introduire dans les reboisements méditerranéens. Plus d’infos ici.

Merci à David, jardinier du Royaume des Alberges et passionné d’arbres d’avoir pris le temps de me montrer tous les trésors de ce domaine si bien soigné.
Les visiteurs non golfeurs devront cependant rester très  prudents car le territoire des Alberges est destiné en priorité aux passionnés de la petite balle blanche. Ils devront se contenter des bordures du parcours pour ne pas gêner les golfeurs et… pour ne pas prendre le risque de recevoir une balle en pleine tête ! Le danger est bien réel…
Pour la petite histoire, un magnifique Tulipier de Virginie, devenu au fil du temps l’arbre emblématique du domaine, est mort fusillé par les balles de golf ! Malgré son écorce épaisse, Le majestueux Tulipier n’a pas survécu aux impacts répétés des tirs loupés… Espérons que l’épaisse écorce des Calocèdres, sensée les protéger des éboulis de pierres et des incendies dans les sierras californiennes, éviteront qu’ils meurent eux-aussi fusillés par la maladresse de certains golfeurs…

golf-uriage01L’actualisation des mesures en septembre 2018 a permis également de mettre en évidence la présence d’autres arbres remarquables sur le parcours de Golf :
– Aulne glutineux : circonférence 2,78m Hauteur 29m
– Cyprès de Lawson : circonférence 3,12m Hauteur 24m
– Cèdre de l’Atlas : circonférence 4,68m Hauteur 38m
– Deux autres calocèdres : circonférence 4,27m et 4,29m Hauteur 38,5m et 38m
– Thuya géant : circonférence 3,58m Hauteur 29m
– Erable plane : circonférence 3,30m Hauteur 28m

Plus qu’un parcours de golf, c’est un véritable arboretum à découvrir dans un cadre magnifique et tout particulièrement à l’automne.

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7 réflexions sur « Les Calocèdres du golf d’Uriage, Isère »

  1. Vraiment très impressionnant cette concentration de calocèdres, et quelle hauteur!
    Cela m’a toujours étonné que cette essence ai été si peu plantée car elle est superbe.
    Dernièrement j’ai travaillé dans un parc à Dinan, où je suis tombé en admiration devant un spécimen de 3 m de tour environ, le fleuron des lieux, avec sa belle écorce!
    L’architecture est intéressante aussi et permet de les différencier des séquoias et des thuyas, les charpentières croissent de façon érigée donnant ce port fastigié.
    Je trouve juste un peu dommage que l’élagage du tronc du Seigneur soit si important, bien que j’imagine qu’à leurs pieds cela doit renforcer l’impression de hauteur.
    Belles trouvailles!

  2. Bravo pour la découverte. Des libocèdres de cette hauteur sont à mon avis exceptionnel. J’en ai trouvé dans le Finistère et dans les Côtes d’armor avec la même circonférence et le même âge (fin 19ème) mais largement moins haut.
    Belle découverte !

  3. J’ai été surpris aussi par la hauteur de ces calocèdres.
    A tel point que j’y suis retourné quelques jours plus tard avec tous les appareils qui trainaient à porter de main (dendromètre suunto, télémètre à visée laser et dendromètre électronique vertex) pour vérifier les valeurs… et finalement pas de doute je retombais bien sur 41m pour le Seigneur et 43m pour le Renégat.

    Je suis d’accord que sur le coup la hauteur de l’élagage m’a choqué aussi. Mais il faut reconnaitre que le Calocèdre porte très bien la mini-jupe, ses belles gambettes bronzées sont du plus bel effet dans cet océan de verdure 🙂
    Peut-être que si David passe par ici, il pourra nous en dire un peu plus…

    @Damien : en fait le calocèdre n’est pas si rare dans les parcs, mais il se fait assez peu remarquer dans sa jeunesse, on peut facilement le confondre avec du Thuya « ordinaire ».

  4. Intéressant comme endroit.

    Je suis surpris par cette taille, car dans notre registre européen, on a seulement pu arriver à 39 m pour un sujet allemand et là on saurait donc à 43 m ce qui laisse une belle marge.

  5. En juin 2017, j’ai mesuré au Nikon Forestry Pro (2 pts) un calocèdre de 44,8 m et 3,90 m de circonférence (à 1,40 m du sol), dans le parc du château d’Uhart-Mixe (64), en Pays Basque.

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