A 20 minutes de la Capitale des Alpes, le Sappey est une destination appréciée des grenoblois avides d’un grand bol d’air.
Un endroit paisible qui a le charme des authentiques villages français.
D’ailleurs, on y trouve tous les éléments qui en font un village… presque ordinaire :
une église, une mairie, une école communale, la Grand’ Rue au milieu, son café et sa grande terrasse sur la place principale et même son petit camping municipal.
Tout va bien donc ! Tout… ou presque.
Assis tranquilou à la terrasse du café, un détail me perturbe. ‘Il y a comme un problème…‘
C’est le genre de détail qui ne saute pas aux yeux. D’ailleurs, mes voisins assis à la terrasse ne semblent pas l’avoir remarqué. Et pourtant !!!
L’arbre qui trône majestueusement sur la place, n’est pas un Tilleul !
Ce n’est pas non plus un simple marronnier, ou un vieil orme rescapé ou encore un platane ordinaire.
Comment est-ce possible ?!
Le Sappey serait un village rebelle n’ayant pas suivi les recommandations de Sully ?!!!?
(Note : le Duc de Sully, ministre d’Henri IV, avait ordonné la plantation d’un orme ou d’un tilleul devant l’église ou le cimetière de chaque village afin que les villageois puissent s’y réunir et discuter des affaires publiques. 400 ans plus tard, peu d’arbres témoignent de ce passé, mais par tradition le tilleul est encore souvent présent dans les villages français. Il a représenté aussi le symbole de la liberté au moment de la Révolution).
De ma place, l’imposteur est difficile à identifier avec certitude. Je m’en approche discrètement et après en avoir fait plusieurs fois le tour, j’aperçois un indice qui ne laisse plus aucun doute : une petite poire !
Il s’agit d’un Poirier séculaire !
Je décide de revenir un autre jour pour procéder aux mesures qui lui incombent et mener mon enquête sur les raisons de sa présence au centre du village.
Ses dimensions sont tout à fait respectables :
Circonférence à 1,3m en aout 2014 = 2,75m
Hauteur mesurée au dendromètre électronique = 14,5m
Son état de santé n’est pas excellent, quelques branches sèches apparaissent dans le houppier (l’explication vous sera dévoilée plus tard).
Coordonnées géographiques : 45,26022°N 005,77726°E – Altitude 980m
Les mesures étant faites, je décide de prospecter un peu dans les environs à la recherche d’indices qui pourraient expliquer sa présence au milieu du village (un ancien verger… ?).
Je n’ai pas eu à chercher bien longtemps…
Juste à la sortie du village, se trouve une vaste aire de jeux enherbée propice au pique-nique dominical. A son extrémité, surplombant la vallée, un magnifique Tilleul !
Mais que fait-il aussi éloigné du village ? D’ailleurs il n’est pas seul. Un marronnier, bien frêle, lui tient compagnie en se mêlant à son houppier.
Le Tilleul et le Marronnier sont bien présents au Sappey, mais curieusement un poirier sauvage leur a volé la vedette sur la place du village. Un poirier opportuniste qui semble avoir quitté son champ et envoyé balader d’un coup de pied le Tilleul et le Marronnier au fond de la pâture !
Le Poirier des champs contre le Tilleul des villes !
Mais le Tilleul n’en est pas moins remarquable.
Ses dimensions sont même honorables… pour un Tilleul champêtre :
Circonférence à 1,3m en aout 2014 = 3,70m (1 mètre de plus que son rival le poirier !)
Hauteur mesurée au dendromètre électronique = 22,5m
Un très bon état sanitaire, aucun signe de faiblesse.
La base du pied est surdimensionnée. De puissantes racines l’ancrent solidement au bord de sa colline. Une telle exposition aux vents est inhabituelle pour un Tilleul.
Coordonnées géographiques : 45,25862°N 005,77456°E – Altitude 975m
Mais le Tilleul n’a pas dit son dernier mot et prépare sa revanche.
Il est bien décidé à reconquérir son trône, a délogé l’imposteur de la place du village.
Il se dit que cette place lui revient. Il n’a pas tort, c’est un emplacement réservé depuis l’époque du bon Roi Henri IV dans tous les villages isérois (le tilleul a été préféré à l’orme dans les Alpes).
Pour arriver à ses fins, il a élaboré un plan machiavélique en faisant appel à un complice : Maître Corbeau.
C’est par une nuit sans lune qu’une petite graine a été déposée discrètement à l’insertion des fourches du poirier.
Elle a germé.
Le semis s’est développé et ses racines se glissent progressivement vers le coeur de son rival.
Si Jean De La Fontaine avait eu vent de cette histoire, il en aurait certainement déduit une belle morale.
Peut-être que la Nature n’aime pas le changement et reprend toujours ses droits.
A la lecture de cette histoire, je vous laisse le soin de trouver la vôtre…
Très belle histoire que celle-ci 😀
C’est vrai qu’un poirier sur une place n’a rien de commun.
Dernièrement j’ai vu un cerisier accolé à une église, en lieu et place d’un if !
Le tilleul et le marronnier seront peut-être plus forts à deux, pour contrer les vents les fouettant. Mais ils poussent un peu près, pourvu qu’on ne décida pas d’en couper un dans quelques années…
Beau reportage! j’ai entendu parler de toi à Paris le week-end dernier…
A quand le recueil des fables de Castor Masqué?!
L’intelligence végétale serait-elle supérieure chez le tilleul pour élaborer un tel plan de reconquête?
Bravo pour le coup d’œil…
Un cerisier à la place d’un if, ça c’est original aussi. Encore si c’était un pommier normand pour faire couleur locale, pourquoi pas, mais un cerisier dans un cimetière ?!
Une histoire à creuser (dans un cimetière, ah ah ah), Damien !!!
Très belle petite histoire….
Bonjour,
Je découvre vos belles photos et histoires d’arbres remarquables. Seriez vous d’accord pour saisir ces données dans l’inventaire que nous sommes en train de faire sur l’agglomération grenobloise ?
NB : nous avons prévu de nous rendre à Prémol demain
Merci
Hélène de la FRAPNA
Bonsoir,
voilà une très bonne initiative, la région grenobloise est riche d’une grande diversité d’arbres remarquables.
Pour vous aider dans votre inventaire, quelques arbres grenoblois ont fait l’objet d’un article. Vous les retrouverez ici :
http://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/liste-arbres-du-blog-departement/#ancre38
Je vous recommande également de consulter la carte de France de Tristan qui recense de très nombreux arbres dans le 38 :
https://www.google.com/maps/d/viewer?dg=feature&oe=UTF8&msa=0&ie=UTF8&mid=1ntFXavwZBkA3zmTJb-urRLD2CNQ
Mais il reste encore de belles découvertes à faire 🙂 🙂 🙂