Depuis l’annonce officielle du plus haut arbre de France dans les Monts de la Madeleine, le Douglas prend une sérieuse avance sur les autres essences. C’est même la seule espèce sur notre territoire a avoir franchi la barre des 60m de hauteur (à l’exception des deux regrettés sapins de Vancouver de l’Aigoual).
Si le Douglas est peu présent dans nos parcs et jardins, la faute aux séquoias qui leur ont volé la vedette, c’est en revanche une essence forestière fort appréciée couvrant aujourd’hui 450 000 hectares. C’est dire si le Douglas Président de Renaison a des concurrents potentiels !!!
Mais Il faut attendre une centaine d’années pour que les plus beaux franchissent les 50m de hauteur et plus de 120 ans pour atteindre 60m de hauteur… potentielle !
C’est souvent sous la forme d’un bouquet de quelques pieds que l’on trouve en France les plus vieux Douglas (120 – 150 ans) dans les grands massifs où ils ont été introduits à l’époque par des forestiers curieux.
Parmi ces vieux bouquets de douglas, il en est un célèbre dans le Beaujolais qui fait l’admiration et la fierté des forestiers locaux. De 20 ans plus âgés que ceux de Renaison, une ancienne pancarte à leurs pieds annonce une hauteur de 60m…
Alors en 2015, qui pourra dépasser le Douglas Président des Monts de La Madeleine (66,44m) et prétendre au titre de plus haut arbre de France ? Dans le Beaujolais voisin, tous les espoirs reposent sur ceux de Claveisolles… Un derby régional pour la conquête du titre !
C’est un collègue qui m’a fait découvrir le site (propriété de la Compagnie Forestière François Proveddi) il y a une quinzaine d’années. Je n’y étais pas retourné depuis.
Ma visite à Renaison était encore toute fraiche, j’avais bien en tête l’image du Douglas Président. En revanche, je ne gardais qu’un vague souvenir des géants de Claveisolles.
Alors, la petite marche d’approche me permit de réveiller mes souvenirs et de m’imprégner de la magie du lieu (il y a bien un côté magique à se retrouver aux pieds d’arbres gigantesques…).
A l’origine ces vieux douglas étaient plus nombreux, mais plusieurs coupes successives ont fortement réduit leur nombre. De la plantation d’origine en 1872 (143 ans) par le Comte du Sablon, il ne reste que 7 survivants. En 1992, mon collègue en avait dénombré 14. Il avait pris soin de mesurer précisément la circonférence de chacun, ce qui nous permettra de les comparer avec les mesures actuelles.
Les 7 rescapés ont été positionnés au GPS sur carte IGN et identifiés sous le nom de Claveisolles1 à 7 (… un peu à la façon des 250 Mélèzes historiques de Balavaud !).
Avant débuter les mesures, un rapide tour de la zone me dévoile de vieux arbres à bout de souffle avec des descentes de cime bien marquées. Nul besoin de dendromètre pour me rendre compte que je ne suis pas en présence des plus hauts arbres de France. Mes sentiments se mêlent. Il y a bien-sûr de la déception, mais aussi un certain soulagement car mon collègue m’avait prévenu qu’il était possible qu’ils n’en restent aucun suite à la dernière coupe.
Mais trêve de blablas, je ne suis pas monté ici pour une balade forestière mais bien pour ramener de la mesure, et surtout des GROS chiffres !!!
Et effectivement, même si les hauteurs ne sont pas aussi vertigineuses que je l’espérais, elles restent pour le moins exceptionnelles ! Et les circonférences sont tout simplement hallucinantes !
Sur cette zone, deux douglas plus isolés sortent vraiment du lot par leur gabarit titanesque.
Il s’agit de Claveisolles1 et Claveisolles7 avec respectivement 4,62m et 4,61m de circonférence à 1,3m en mars 2015. Ce qui les placent probablement très proches du record français pour cette espèce. A titre de comparaison, le Douglas Président de Renaison ne fait que 3,52m de circonférence.
Les 5 autres douglas avoisinent les 3m de circonférence.
Concernant les hauteurs, elles ont été prises au dendromètre suunto et au dendromètre électronique Vertex. Les valeurs sont finalement très proches, il n’y avait pas de difficultés particulières pour effectuer les mesures.
Les deux plus gros douglas sont bien loin de franchir la barre mythique des 60m de hauteur. Claveisolles1 ne fait « que » 51m et malgré le haut de sa cime cassée, il lui faudrait encore 13m de plus pour rivaliser avec le Géant de la Loire…
Claveisolles7 dont la cime est intacte atteint péniblement les 53m de hauteur (52,6m mesurés au vertex).
C’est finalement Claveisolles5 le plus haut de la troupe avec un joli 54m… Soit 10m plus court que le Président. Même Claveisolles3 avec sa cime sèche culminant à 55,5m est bien loin du Titre.
Les mesures d’accroissement montrent un net ralentissement depuis les mesures de 1992. Seul Claveisolles1 continue à grossir à un rythme fou.
Claveisolles1, certainement le plus majestueux des Douglas du Beaujolais.
Claveisolles7, un peu à l’écart de la troupe affiche des dimensions records
Claveisolles 2 à 6 ont des circonférences plus faibles mais culminent tout de même à plus de 50m, malgré la présence de plusieurs cimes sèches.
La hauteur de ces douglas semble stagner depuis pas mal d’années. Un article dans les années 80 de la très sérieuse Revue Forestière Française annonçait déjà une hauteur de 53m. Et mon collègue en 1992 avait mesuré au Suunto Claveisolles1 à 55m de haut.
De toute évidence, les douglas de Claveisolles ont atteint leur limite et sont en phase de sénescence…
La situation topographique est certainement l’un des facteurs explicatifs de leur état. Elle est bien différente de celle de Renaison. A Claveisolles, les douglas sont sur une petite butte exposée aux vents, tandis qu’ au barrage de Chartrain dans la Loire, ils sont en fond de vallon, très encaissés.
Et c’est bien ce qui semble faire toute la différence pour la conquête du titre de Géant français…
La régénération au pied des Titans est bien installée et complétée par une plantation artificielle. Elle est prête à prendre le relais sur cette terre de prédilection.
Ma visite à Claveisolles aura permis de lever un doute. Les douglas de Claveisolles ne parviendront jamais à détrôner le Géant de la Loire. Mais espérons qu’ils pourront vieillir encore quelques années avant l’ultime coupe. Dans 15-20 ans Claveisolles1 pourrait afficher un joli 5m de circonférence… ce qui le ferait entrer au Panthéon des Arbres d’exception !
Mise à jour Juin 2020 :
5 ans après mon dernier passage en 2015, je suis passé rendre visite aux douglas géants de Claveisolles.
Il faut se rendre à l’évidence, ces douglas extraordinaires sont à bout de souffle.
Claveisolles3, enregistré comme le plus haut (55,5m) en 2015, présente de forts signes de faiblesse. Sa cime a séché à l’extrémité sur plusieurs mètres, il est ainsi redescendu sous la barre des 50m de hauteur.
D’autres descentes de cimes inquiétantes sont à signaler et aucun douglas n’a véritablement gagné en hauteur.
Concernant les circonférences, Claveisolles1 garde une légère avance sur ce petit groupe de douglas. En juin 2020, sa circonférence à 1,30m est désormais de 4,75m.
Superbe article. Tu nous as tenu le suspens jusqu’à la fin ☺. Une fois n est pas coutume, les douglas de l’est de la France sont indiscutablement plus hauts que ceux de l’ouest… Les vents océaniques y sont probablement pour beaucoup.
Si la hauteur n’y est pas, la circonférence est là.
Claveisolles est vraiment superbe !
Merci pour vos commentaires, je suis heureux de vous avoir fait découvrir ces beaux douglas du Beaujolais. Ils valent vraiment la visite, à leur pied l’impression de gigantisme est super impressionnant peut-être encore plus qu’à Renaison.
Du côté ouest, les régions du Limousin er de l’Auvergne peuvent offrir des conditions très favorables pour atteindre des dimensions records pour le douglas. Le titre obtenu a Renaison ne tient qu’à un fil, il me semble évident que certains douglas aient aussi atteints les 60m de hauteur quelque part au fond d’une vallée… La chasse continue !
-:)
Belle série, les écorces sont superbes!
Même s’ils ne sont pas des champions de hauteur, cela me laisse vaguement envieux, d’autant qu’il y avait sur Elven et Malguenac (56) des peuplements, qui à priori atteignaient les 50 m. Malheureusement ils sont tous été abattus il y a une quinzaine d’années. Ils étaient pour celui de Malguenac, à proximité de plus grand séquoia sempervirens du Morbihan donc zone à fort potentiel.
Peut-on parler de sénescence pour des douglas de cet âge?
beaux arbres dommage que vous ne donniez pas le cubage
Une petite mise à jour en fin d’article
Aïe ! Dommage pour ces géants … Merci pour a mise à jour