Le minuscule village de Piégon en Drôme provençale devrait fasciner à plus d’un titre les amateurs de beaux arbres.
Une ancienne chapelle, joliment restaurée, est posée au sommet d’une butte gréseuse. Elle offre aux visiteurs une vue panoramique sur les collines des Baronnies. Et côté arboricole, plusieurs surprises sont à découvrir : une incroyable légende autour d’un cade multicentenaire dans un cimetière, mais aussi plusieurs vieux cades accrochés à une paroi et un pin nanifié à l’extrême qui tente de survivre sur le rocher.
Amis visiteurs, n’espérez pas faire un passage éclair à Piégon, le site est charmant et mérite que l’on prenne le temps de s’y attarder.
Le cade (genévrier oxycèdre) est fréquent dans l’arrière pays méditerranéen et nous avons tous en tête les fabuleux spécimens du Gard présentés par Yves Maccagno. En revanche, il est beaucoup moins fréquent dans la Drôme, même dans sa partie la plus méridionale. Et ceux du petit village de Piégon atteignent des dimensions absolument uniques pour la région Rhône-Alpes.
La curiosité la plus étonnante se trouve dans le petit cimetière du village. On découvre un vieux cade dont l’âge est estimé à 800 ans et qui est à l’origine du nom de la chapelle : Notre-Dame-de-Cadenet. Selon la légende, les vaches d’un paysan se seraient agenouillées devant le cade où la vierge serait apparue sur l’une de ses branches. Dans une autre version, ce serait une statue de la vierge qui aurait été découverte au pied du cade, précisément à l’endroit où avait l’habitude de s’agenouiller l’une des vaches d’un paysan. Bref, l’origine de la légende reste un peu floue mais il semblerait qu’un cade, une vache et une vierge soient impliqués dans cette histoire. Du coup, on retrouve pas mal de similitudes avec la légende camarguaise de Caderot à Berre-l’Etang où un taureau aurait creusé au pied d’un cade et mis à jour un vase contenant des reliques de la Ste Vierge.
Tout comme Notre-Dame de Caderot au bord de l’étang de Berre, la chapelle de Notre-Dame de Cadenet à Piégon fait référence à un cade miraculeux.
[ N.D.L.R. du coup je me demande s’il ne faudra pas creuser aussi au pied du Cade de Castelnau (30) pour vérifier si une relique sacrée n’aurait pas été enfouie ! ].
Mais revenons à des choses plus concrètes, pour bien apprécier le côté remarquable de ce cade, il convient avant tout de le mesurer précisément.
En janvier 2017, sa circonférence à 1,3m est de 2,11m et mesuré au plus étroit à 1m de du sol : 2,02m. La cime a été cassée à environ 3m de hauteur pour une raison inconnue. Avec son allure de « gueule cassée », son état de santé ne semble pas pour autant inquiétant. Le genévrier oxycèdre a l’habitude de vivre dans des situations extrêmes.
A l’entrée de la chapelle, d’autres cades méritent aussi toute notre attention. L’un d’entre eux au bord de la petite route présente une magnifique silhouette de genévrier en pleine force de l’âge… c’est à dire certainement âgé de plusieurs centaines d’années !
Sa circonférence mesurée à 1,3m de hauteur est de 1,95m et sa hauteur peut être estimée à 7m. Les branches sinueuses de son houppier sont splendides à observer en se plaçant au pied de l’arbre.
Juste à proximité, quatre autres genévriers s’accrochent au bord de la paroi. Une bonne partie des racines sont mises à nues et ont été taillées sauvagement sans raison apparente. Des conditions de vie extrêmes dont le cade arrive pourtant à tirer profit depuis tant d’années.
Une autre curiosité survit aussi dans ce milieu hostile. La butte gréseuse n’est pas totalement dénudée. Quelques arbustes parviennent à s’enraciner. Il s’agit surtout de genévriers mais aussi de quelques pins d’Alep. L’un d’entre eux est vraiment surprenant… D’un âge certainement très avancé, sa hauteur n’excède pas 1,5m. Mais ce qui est étonnant, c’est que toutes les parties végétatives se sont aussi nanifiées. Ses aiguilles mesurent à peine 1 ou 2cm de longs, à tel point que de loin je l’avais pris pour un cade. Ses cônes sont également minuscules et je me demande s’ils arrivent à maturité. Le pin d’Alep est habitué à pousser sur des sols superficiels et se fait souvent remarquer par les formes exubérantes qu’il arrive à prendre. En revanche, je n’en avais jamais vu dans une forme naine. J’ai pensé un moment qu’il pouvait s’agir d’un pin sylvestre nanifié, comme on peut en trouver en Haute-Loire, mais son aspect ressemble beaucoup plus à un pin d’Alep. Il serait d’ailleurs intéressant d’avoir l’avis de botanistes ou d’amateurs passionnés. Sa localisation précise sur le rocher est la suivante : N 44,30180° E005,12732°.
Petite précision géologique, il ne s’agit pas exactement de grès mais d’une colline de safre, un oxyde de cobalt qui mélangé au sable donne une couleur bleu foncé au verre. C’est une particularité géologique régionale.
En redescendant de la chapelle avant de quitter Piégon, vous pourrez aussi admirer une autre merveille : La Belle Vendangeuse, une sculpture monumentale de J.P Echenberger, telle une signature artistique apposée au pied de la petite colline.
Cet arbre a tout lieu d’être un arbre sacré à l’origine et, par conséquence, utilisé dans un culte païen d’où sa christianisation par l’apparition de la vierge dans ses frondaisons et la construction de la chapelle. Il est fort probable que ce soit l’arbre d’origine mais il est possible que ce soit une replantation postérieure prélevée dans un site où les cades sont nombreux. C’est une belle trouvaille.
Merci de faire partager cela avec la collectivité.
Oui tout à fait, il peut y avoir quelques incohérences historiques avec ces arbres de légende.
La chapelle a été construite vers 1600 suite à l’apparition de la vierge sur une branche du cade du cimetière. L’âge du cade est estimé à 800 ans (ce qui me semble peut-être un peu exagéré…), le miracle se serait donc produit alors qu’il avait 400 ans. On peut se demander en effet, si ce cade était suffisamment remarquable à cette époque pour être à l’origine de cette légende ou s’agissait-il d’un autre cade vénérable actuellement disparu ?
Je ne pense pas qu’il faille forcément qu’un arbre soit remarquable pour être à l’origine d’un culte, on a des arbres à oripots et divers arbres vénérés (chênes à la Vierge…) qui n’ont pas des dimensions exceptionnelles…
La construction de la chapelle vers 1600 est tardive, il s’agit peut-être d’une reconstruction suite aux guerres de religion…Dans ce cas, pour fidéliser les paroissiens on procéder à une resacralisation avec, si besoin, était une « apparition » (nouvelle) d’une effigie de la Vierge pour motiver les croyances. Dans les Sud-Ouest de la France le souvenir de nombreuses resacralisations a été conservé car elles étaient couplées à une reconstruction et à la création de nouvelles icones, les anciennes étant détruites et/ou profanées. Les apparitions, toujours à la même époque, ont été nombreuses car elles correspondent à une renaissance des monastères. Une large majorité des statues mobiles sont des effigies de la Vierge ce qui serait peut-être la volonté d’y voir une force de persuasion propre à la Mère du Christ capable de concurrencer une déesse mère païenne… Les trouvailles des effigies de la Vierge, dans un épineux ou un arbre, donnèrent lieu à la création d’un pèlerinage ou d’un sanctuaire à condition que celles-ci soit faiseuses de miracles et guérisseuses.
La construction de la chapelle vers 1600 est tardive, il s’agit peut-être d’une reconstruction suite aux guerres de religion…Dans ce cas, pour fidéliser les paroissiens on procéder à une resacralisation avec, si besoin, une « apparition » (nouvelle?) d’une effigie de la Vierge pour motiver les croyances. Dans le Sud-Ouest de la France, le souvenir de nombreuses resacralisations a été conservé car elles étaient couplées à une reconstruction et à la création de nouvelles icones, les anciennes étant détruites et/ou profanées. Les apparitions, toujours à la même époque, ont été nombreuses car elles correspondent à une renaissance des monastères. Une large majorité des statues mobiles sont des effigies de la Vierge ce qui serait peut-être la volonté d’y voir une force de persuasion propre à la Mère du Christ capable de concurrencer une déesse mère païenne… Les trouvailles des effigies de la Vierge, dans un épineux ou un arbre, donnèrent lieu à la création d’un pèlerinage ou d’un sanctuaire à condition que celles-ci soit faiseuses de miracles et guérisseuses.
OUF ! On l’a échappé belle à Castelnau Valence : il n’y a pas de vaches (agenouillées ou pas) en ce pays parpaillot (donc pas de Vierge non plus) 🙂
En tout cas beaux spécimens de cades et une question que te poserait certainement Yves : est-ce que ce sont des mâles ou des femelles ? Parce que les vieux Gardois sont tous mâles et… on ne sait pas pourquoi !
Quant au pin nanifié il fallait l’œil acéré (ça change des dents 🙂 ) du Castor pour le dénicher ! Bravo !
Ah et puis 20/20 tu as bien mérité tes vacances 😉
Ni vache, ni vierge au pied du cade de Castelnau mais peut-être d’autres trésors enfouis… va savoir, avec vos « assemblées du désert » ce que les rebelles protestants ont voulu dissimuler au pied du cade 😉
Sinon, pour répondre à ta question il s’agit d’un pied femelle (cf. zoom sur 3ème photo). Du coup, ça risque de poser quelques problèmes, si tous les pieds femelles se trouvent dans la Drôme et les pieds mâles dans le Gard… On risque l’extinction de l’espèce dans quelques centaines d’années, lol !!!
😉