Le chêne à « mémoire de forme », Finistère

Non, non, il ne s’agit pas d’un article sur les fameux matelas « à mémoire de forme », d’ailleurs j’aurais peut-être du l’intitulé « chêne à mémoire de four », vous en jugerez en lisant la suite…

Le premier confinement bien que limitant les déplacements sur le terrain, n’aura pas pour autant été contreproductif dans ma quête de nouveaux sujets d’exceptions. Durant cette période, la prospection numérique m’a permis de dénicher, entre autres, deux colosses bretons qui avaient jusque-là échappés aux radars des inventaires officiels. Un énorme châtaignier morbihannais et cet étonnant chêne finistérien, qui aurait eu toute sa place dans notre livre « arbres remarquables du Finistère » (hé oui je fais du placement de produit!).

Il m’aura donc fallu attendre quelques temps pour que je puisse me rendre sur place, accompagné de Guy un de mes acolytes dendrophiles, afin de confirmer ce que laissaient entrevoir les photos trouvées sur le net, la présence d’un chêne à l’empattement démesuré.

Ce colosse, bien ancré à sa terre natale , se situe au sein d’une ferme dont les bâtiments d’habitations sont datés de 1781 pour l’un et de 1809 pour le plus proche de notre arbre. Néanmoins, il est difficile de s’appuyer sur ces dates pour évaluer l’âge de ce chêne. 240 ans semblant peu pour un tel sujet mesurant plus de 6 mètres de tour au-dessus du système racinaire  (désolé pas de mesure précise pour cause d’abeilles belliqueuses), d’autant que l’origine de la ferme serait antérieure.

Quelque soit son âge, son principal attrait réside en son incroyable système racinaire formant une imposante cavité, où loge le chien de la ferme (non ce n’est pas pour autant un chêne truffier…). Selon le propriétaire, cette architecture racinaire insolite serait due au fait que ce chêne aurait poussé sur un four à pain aujourd’hui disparu. Il conserverait donc la mémoire du four qu’il abritait, un « chêne à mémoire de four » en quelque sorte…

Si sur le coup, cette explication nous a semblé plausible sans pour autant totalement nous convaincre, c’est en allant chez une cliente dans les Côtes d’Armor, que je suis tombé nez à nez avec le petit frère du colosse, lui aussi équipé d’un chien et possédant encore son four!

Ce second sujet, permet de mieux comprendre comment s’est développé le finistérien. En Bretagne, il était courant de planter un arbre, généralement un chêne ou un if, près du four afin de limiter la dispersion des escarbilles susceptibles de déclencher un incendie. Planté très près du four ce sujet a développé ses racines d’une part à la base  de la partie maçonnée et d’autre part dans la terre isolant le dessus du four.  Par la suite, les pierres ont certainement été récupérées pour d’autres usage, créant cette caverne arboricole.

Cette cohabitation nous  permet aujourd’hui d’admirer des arbres particulièrement tourmentés tel le  chêne de Longueville à Locmalo (Morbihan) , qui est certainement l’un des plus étonnants…

 

Les propriétaires ne souhaitent pas que nous divulguions la localisation.

 

 

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5 réflexions sur « Le chêne à « mémoire de forme », Finistère »

  1. Très surprenant cette habitude bretonne d’associer le chêne avec le four à pain, le résultat est spectaculaire dans le cas présent.
    Difficile effectivement dans ces conditions d’estimer l’âge d’un tel arbre, d’autant que les conditions de croissance ne sont surement pas très favorables pour le chêne.
    Le manque de stabilité (déséquilibre de son architecture) d’un tel colosse est le plus grand risque pour son avenir… surtout dans un département très venteux comme le Finistère.

    Super trouvaille, merci Yannick de nous la partager sur le blog 🙂 🙂 🙂

  2. En effet c’est très surprenant… de planter un arbre (donc du combustible) près d’un four pour éviter les incendies… pas tout compris là !!!
    Mais bon mis à part ce « détail technique » ça nous fait un beau colosse au pied tourmenté à souhait.
    S’il y avait un four, c’est qu’il devait bien y avoir un habitat humain à proximité, donc peut-être déjà une ferme antérieure à la date de 1781 ? Ou un hameau ou village pas loin ?
    Finalement il n’y a pas que dans le Gard qu’il y a encore des pépites arboricoles cachées 😉
    Merci Yannick !

  3. A priori il y avait bien une ferme avant 1781, de là à savoir si l’arbre à été planté avant cette date ce n’est pas évident. On est souvent supris de l’âge des arbres lorsque l’on a l’opportunité de le connaître, Aurélien nous l’a démontré avec le séquoia de son dernier article….
    Concernant la présence de ces arbres près des fours, je pense que malgré leur côté combustible, on préférerait prendre le risque qu’ils grillent un peu, mais jouent leur rôle antii-dispersion d’escarbilles. Il faut imaginer qu’il avait parfois des tas de foins, où encore de la paille, entreposés à proximité, notamment à la période des battages, qui devait être autrement plus combustibles et dont la destruction aurait posé un problème d’approvisionnement.
    Il y avait parfois plusieurs arbres qui encadraient la gueule du four,, généralement deux ifs, j’ai repéré un four avec 4 ifs, peut-être avaient-ils un rôle de protection contre la pluie ou le soleil afin de faciliter le travail du « boulanger ».
    Sur le blog il y a deux autres arbres à four :
    https://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/2013/08/04/le-gros-chene-de-paner-a-saint-tugdual-morbihan/

    https://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/2014/05/22/lif-au-four-de-la-ville-maze-sevignac-cotes-darmor/

  4. Impressionnant ce chêne à « mémoire de four » qui ne manque pas de caractère. Super trouvaille très intéressante.
    Là, on a un arbre qui possède des dimensions exceptionnelles, une histoire en lien avec l’homme, un positionnement au centre d’une ferme bref, un arbre remarquable majeur à mon avis (il faudrait te confiner plus souvent 😉 ). J’aurai bien aimé connaître la circonférence à la base de l’empattement, par curiosité.

    Je ne savais pas que l’arbre « à pain » était une pratique courante en Bretagne. Sauf erreur de ma part, on fabriquait du pain aux quatre coins de la France et c’est curieux qu’on en trouve pas d’autre arbres comme celui-ci ailleurs.

    En tout cas, merci pour cette découverte 🙂

  5. Et bien bravo, deux belles trouvailles et pas des moindres !
    Fort atypique comme port de chêne et de plus on assiste à une partie du patrimoine bâti dans l’arboré.
    Cela met bien en évidence le casse tête des générations qui suivent la jeunesse d’un arbre et qui essayent de retracer son évolution.

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