Ils étaient nombreux les vieux ormes dans les villages des Hauts Cantons de l’Hérault… mais ça c’était avant… avant le drame de la graphiose, la maladie hollandaise qui ravagea cette noble essence dans les années 70-80.
Alors, lorsque celui qui trônait depuis plusieurs centaines d’années au centre du Caylar fut emporté par la maladie en 1987, c’est toute la population qui en fut affectée… terriblement affectée d’avoir perdu un monument végétal, le doyen de leur village.
Puisqu’on n’avait pas pu le sauver de la maladie, il fallait absolument faire quelque chose pour honorer sa mémoire. On aurait pu envisager la plantation d’un nouveau petit arbre, mais elle n’aurait pas pu effacer toute la douleur.
Il fallait faire plus !
Le Maire pris alors une décision radicale et assura à tous ses administrés que le vieil orme serait conservé et que l’on parviendrait même à le sublimer en une oeuvre d’art !
C’est le défi qui a été confié à Michel Chevray, artiste sculpteur.
Après 2000 heures d’un travail méticuleux, le résultat est ÉPOUSTOUFLANT !
Ce vieil orme mort, qui aurait dû tomber dans l’oubli et s’effacer de la mémoire collective en à peine quelques années, est finalement devenu un atout touristique majeur de la petite commune du Larzac. Il continue à faire l’admiration des visiteurs trente ans après sa mort 🙂
Il faut se replacer dans le contexte de l’époque.
En 1987, la sculpture des arbres sous forme de totem n’est pas si courante et même plutôt assez rare. Si bien qu’elles sont considérées comme de véritables œuvres d’art. Depuis ces dernières années, les totems fleurissent abondamment dans les espaces publics avec, il faut le reconnaître, une finesse de travail très aléatoire… il s’agit parfois juste d’un dégrossissage à la tronçonneuse, et donc des œuvres temporaires qui disparaissent en à peine 10 ans. A ce propos, un article des têtards a présenté un petit échantillonnage de ce qui est habituellement réalisé. A voir aussi une autre réalisation plus récente lors d’un concours de bûcheronnage.
Dans le cas de l’Orme du Caylar, sa réalisation a été confiée à un artiste sculpteur, élève des beaux-arts et également peintre de talent mais qui n’avait aucune expérience avec ce type de support très particulier. Comme tous les artistes, il a puisé son inspiration dans sa propre sensibilité et son imagination. Il s’est inspiré de la vie pastorale du causse du Larzac et a été influencé par les différentes rencontres qu’il a pu faire durant ses deux années de travail sur la place du village.
Petit à petit, la magie du sculpteur a opéré pour donner une seconde vie à l’arbre mort.
« Face à l’arbre mort, l’esprit de l’homme ne prend pas le pouvoir. On ne lui impose pas notre point de vue. Il faut rester silencieux. C’est là que tout se passe. On peut alors l’approcher, lui enlever l’écorce », affirme Michel Chevray
Le panneau placé à proximité (photo ci-dessous) donne tous les détails sur la réalisation de cette oeuvre figurative constituée d’une multitude de détails qui se dévoile progressivement sous toutes ses faces.avec émerveillement.
Remontons le temps pour en savoir un peu plus sur ce vieil orme.
Encore une fois, les cartes postales anciennes sont précieuses et nous permettent de suivre l’évolution de nos villages depuis le début du XXème siècle.
Et une chance que ce vieil orme soit placé devant le Beffroi de la place du village, les cartes postales montrant cette vue sont assez nombreuses.
On le remarque facilement sur les photos avec son muret qui l’entoure et on imagine que les discussions assises à l’ombre du grand arbre devaient être appréciées. Au
vu de sa circonférence (environ 4m ou à peine) tout prête à croire qu’il ne devait pas être si vieux (200 – 300 ans grand maximum ?). Il est donc peu probable qu’il s’agisse d’un ancien Arbre de Sully. Par contre, il est surprenant de constater qu’un second arbre, de dimensions à peine plus faibles, se trouvait à proximité (entre le monument et deux marronniers actuels). S’agissait-il d’un autre orme ? Il semble avoir disparu avant les tirages en couleur des cartes postales des années 50 et remplacé par un jeune arbre (aujourd’hui disparu). Il s’agissait peut-être d’un autre orme emporté par la graphiose bien plus tôt ?
L’Orme sculpté du Caylar fait parti des trois ormes remarquables relevés dans le département de l’Hérault avec celui de St Maurice-Navacelles (dernier Arbre de Sully du département, d’une circonférence de 7m mais dans un état sanitaire très dégradé) et le regretté Orme de Poilhes près de Béziers, également Arbre de Sully mais mort en 2010.
Il faut tout de même savoir que si la sculpture a tant de succès, c’est aussi parce quelle est très facilement accessible depuis l’autoroute. Elle peut donc constituer une excellente petite pause sur la route de vos vacances. Il suffit alors de s’arrêter sur l’aire d’autoroute du Caylar sur l’A75 (accessible dans les deux sens), c’est celle juste avant d’entamer la célèbre descente du Pas de l’Escalette (limitée à 80km/h avec contrôles radars 😉 ). Puis contourner l’aire d’autoroute pour vous diriger dans le centre du village à 500m à peine (vous pouvez même y aller à pied pour vous dégourdir les jambes !). Une pause facile et agréable puisqu’il n’y a pas de péage pour l’accès sur cette portion d’autoroute 🙂 🙂 🙂
Et un autre bon plan pour associer route des vacances et arbres remarquables, toujours sur l’A75 au nord de la Lozère, vous trouverez sur l’aire de repos de la Bête du Gévaudan (accessible uniquement dans le sens Nord-Sud) un magnifique Cormier d’une circonférence de 2,25m, très bien mis en valeur sur une bande surélevée.
Alors, entre ce Cormier remarquable, le passage du Viaduc de Millau, l’Orme sculpté du Caylar et la descente vertigineuse du Pas de l’Escalette, c’est sûr que vous allez l’aimer cette route des vacances vers la Grande Bleue… et les bouchons deviendront superflus ! 🙂 🙂 🙂
A l’origine, je n’avais pas prévu de faire un article sur l’Orme sculpté mais c’est l’actualité du moment qui m’a poussé à le faire. Il me semblait important de montrer avec cet exemple toute la volonté et l’effort d’une petite commune pour chercher une solution afin d’honorer la mémoire de son arbre disparu.
Nous sommes actuellement face à une situation « délicate » concernant le vieux chêne d’Argonay en Haute-Savoie, le plus vieux et le plus imposant chêne de toute la région. Il est menacé d’abattage à cause du risque potentiel qu’il représente pour les riverains. Mais la municipalité ne veut rien entendre et refuse tout dialogue qui permettrait d’apporter une solution alternative à l’abattage de cet arbre exceptionnel. Son abattage est prévu pour février 2021 et pour le moment rien ne semble pouvoir y échapper… Une actualité à suivre sur le site de Tristan : ici.
Reportage très intéressant car bien documenté sur le plan historique et iconographique. Bravo le Castor !
Je trouve que l’idée est très bonne. Néanmoins, j’ai du mal à apprécier ce genre de sculpture (ainsi que le traitement genre vernis) visant à conserver ce qui devient une relique. Je préfère de loin la conservation d’un tronc au plus proche de l’état naturel.
Très belle sculpture en effet, avec des éléments très détaillés 🙂 C’est un bel hommage rendu à cet arbre et cet article dédié ajoute la cerise sur le gâteau !
Merci pour cette découverte.
Merci pour vos commentaires 🙂
c’est vrai qu’il y a un côté « relique » dans cette transformation de l’orme du village. Et la structure qui l’abrite pourrait faire penser à une chapelle ouverte qui abriterait les ossements de Saint Ulmus 😉
Certes, les gouts artistiques ne se discutent pas… mais il faut reconnaitre que cette seconde vie lui colle plutôt bien à la peau et il est devenu une vraie célébrité depuis ce nouveau lifting 🙂
Un joli totem mais il est vrai que cela peut paraître un peu bizarre pour certains.
Dans un autre style en voilà un que j’ai découvert au hasard en Ardèche :
https://www.ailhon.fr/IMG/gif/Sully-d_Ailhon-1990-01.gif
https://p9.storage.canalblog.com/92/10/1620260/120873277.jpg
https://p6.storage.canalblog.com/66/02/1620260/120873268.jpg
Dans l’église de la commune d’Ailhon, le tronc de l’orme a été exposé depuis son abattage en 1999.