Trois micocouliers devant l’église d’un village méditerranéen… comme une invitation à se reposer et à palabrer sous leur ombre légère.
Il ne manque plus que les joueurs de boules et la terrasse d’un petit café pour compléter le tableau du parfait village sudiste 🙂
Mais à y regarder de plus près, un détail ne colle pas avec le décor…
La petite place de l’église de Ste Maxime présente en effet une curieuse singularité : une statuette de la Vierge a été placée dans le tronc d’un micocoulier.
Il faut savoir que si la tradition ancestrale des Arbres à la Vierge se pratique encore dans le Nord-Est de la France, elle est en revanche totalement absente en Méditerranée. Et c’est d’autant plus surprenant que cette vénération ne concerne pas un chêne, comme c’est souvent le cas.
Alors pourquoi une telle vénération pour ce micocoulier ?
Le micocoulier tient une place à part parmi les arbres méditerranéens.
Peu d’arbres à feuilles caduques résistent aussi bien que lui aux sécheresses et aux canicules estivales. C’est une espèce à croissance rapide mais son bois tendre a tendance à pourrir rapidement à la moindre blessure; une faiblesse qui ne lui permet pas de vivre aussi longtemps que nos vieux chênes. Il est plutôt rare à l’état sauvage mais intimement lié à l’habitat du sud de la France où il est souvent planté près des mas et des églises.
Le micocoulier est l’arbre traditionnel de nos villages méditerranéens, à l’instar des marronniers et autres tilleuls dans les contrées plus nordiques.
Yves Maccagno, dans son Tome 1 des Arbres remarquables du Gard, insiste d’ailleurs sur le rôle de marqueur cultuel de cet arbre. Il nous apprend qu’il était considéré comme l’arbre sacré des Celtes (d’où son nom latin attribué par Linné : Celtis). Le peuple celte avait pour habitude de le planter près de leurs lieux de culte. Une tradition qui s’est perpétuée lors de la christianisation et il est même encore fréquent de trouver de nos jours des micocouliers à proximité des chapelles et des églises. D’ailleurs, son surnom caccia davolo, signifiant « chasse diable », est utilisé dans toute la moitié sud de la France et même dans le nord de l’Italie. Cette vertu qu’on lui attribue est une des raisons de sa présence devant les églises.
Un lien avec la religion tellement fort qu’au moment de la Révolution française, de nombreux micocouliers seront abattus car associés par tradition au « mobilier du clergé ».
A ce propos, parmi les rescapés de ce massacre, celui de Fox-Amphoux planté en 1550 devant l’église est le plus gros micocoulier du Var.
Son nom occitan fanabréguier apporte également des éléments intéressants sur la place du micocoulier dans la civilisation méditerranéenne. Une racine du mot est en lien avec le culte gallo-romain : en latin fanum, signifie le temple et brogillum vient d’une racine celte désignant un enclos d’arbres sacrés.
Voilà en effet quelques pistes intéressantes qui pourraient expliquer la vénération actuelle pour le micocoulier de la place de l’église de Ste Maxime.
Et pourtant, après discussion avec Yves à ce sujet, de mémoire de chasseurs d’arbres, il n’existe aucun autre cas connu de micocoulier à la vierge, ni même d’arbre à la vierge dans toute la région méditerranéenne…
Une recherche approfondie sur le web s’est donc imposée mais elle n’a pas permis d’apporter plus d’informations sur cet arbre sacré.
Aucune information non plus en contactant l’Office du tourisme de la petite station balnéaire, qui était même surpris d’apprendre l’existence de cette statuette.
A cours d’idée pour poursuivre mes recherches et avant de m’en remettre en ultime recours à St Crépin (Saint patron des arbres remarquables 😉 ), je décidais alors de contacter la paroisse de Ste Maxime… L’église étant placée à quelques dizaines de mètres du micocoulier sacré, le Curé de Ste Maxime ne pouvait pas ignorer l’existence de cet objet de vénération…
C’est le Père Stéphane qui répondit à mon appel et fit toute la lumière sur cet arbre mystérieux.
Il ne s’agit en aucun cas d’un ancien culte païen mais simplement d’un vœu réalisé par l’une des croyantes de la Paroisse et dont le Curé de Ste Maxime s’est engagé à garder le secret. Nous n’en saurons pas plus sur le contenu du vœu, qui mérite bien-sûr le plus grand respect. A ce stade, nous ne pouvons que féliciter cette paroissienne d’avoir mis toute sa confiance et sa foi dans un si bel arbre porteur d’espoir. Et peut-être que dans quelques temps, nous trouverons au pied du Micocoulier à la vierge un ex-voto gravé sur une plaque en remerciement du vœu réalisé 🙂
Avant de quitter Ste Maxime, il serait dommage de ne pas poursuivre la balade vers les ruelles du vieux village. On peut y découvrir un vénérable olivier très bien mis en valeur par la municipalité et portant fièrement la pancarte « Olivier Millénaire ».
Avec ses 3,50m de circonférence, c’est assurément un très vieil olivier et qui a eu la chance d’échapper aux grandes périodes de gel. Mais ce titre honorable d’Arbre millénaire reste certainement un peu exagéré… 😉
Aucune précision également sur l’origine de ce bel olivier qui semble de toute évidence avoir été transplanté.
Surprenant que malgré la symbolique de cet arbre, il n’existe pas plus de sujets à la vierge.
Dans le même esprit, existe-t-il des arbres à loques et autres arbres à clous dans cette région?
Merci Yannick pour ton commentaire 🙂
Je n’ai jamais entendu parlé d’arbres à loques et d’arbres à clous dans le sud de la France. Mais peut-être qu’Yves Maccagno en connait ?
Comme les arbres à la vierge, ce sont des traditions plutôt réservées au Nord de la France, voir même plus largement à l’Europe du Nord et de l’Est.
Le plus « méridional » que je connaisse est un fabuleux arbre à clous dans le Vercors… je l’avais oublié, ça me donne l’idée d’un prochain article sur le blog 🙂
Bonjour Castor, pardon pour le retard.
Très beaux arbres 🙂 J’aime beaucoup la texture de l’écorce d’un vieux micocoulier qui se fissure de bas en haut sur le tronc. C’est assurément un arbre d’avenir dans le nord de la France où il remplacera d’autres essences moins tolérantes aux sécheresses.
Je note que je n’ai pas trouvé de mesures pour le micocoulier, tu n’a peut-être pas eu le temps sur place ?
Salut Aurélien
c’est une espèce magnifique dont le l’écorce me fait penser un peu au hêtre de nos montagnes. Les troncs des vieux micocouliers ressemblent à la peau des vieux pachydermes 🙂
Il n’est pas rare dans les parcs des régions plus nordiques (certains dépassent 3,50m de circonférence à Grenoble) et même un très bel exemplaire dans le jardin des plantes de Paris. Nul doute qu’il sera l’une des espèces gagnantes du changement climatique pour nos régions françaises à climat tempéré !
Celui de Ste Maxime mesure 3,20m de circonférence (avril 2019), une belle taille mais presque ordinaire pour un micocoulier « villageois ». Je n’avais pas annoncé sa dimension car elle ne représente pas un critère de remarquabilité.
Grâce à l’ancienne carte postale du début siècle où il apparait déjà de belle taille, on peut estimer son âge à environ 150 ans, ou un peu plus.
3.20m c’est déjà respectable pour un micocoulier. Mais effectivement, je comprends que ce ne soit pas un critère de « remarquabilité ». C’était juste l’envie d’avoir une échelle 😉
Intéressant, j’en apprends pas mal sur cette essence qui n’a pas encore atteint le septentrion.
Les mesures, toujours des mesures, sinon nous perdrons nos vieilles pratiques ! 😉
Saut Sisley,
il lui faudra certainement encore un peu de temps pour s’implanter dans ta région du nord-est, mais peut-être qu’il est déjà présent dans certains parcs ou collections en Alsace, là où les étés sont plus chauds et plus secs ?
On en a quelques exemplaires en voirie et parcs à Metz et aussi à Strasbourg.
Pas de vieux sujets, mais il se peut qu’effectivement dans des domaines privés vivent quelques spécimens plus anciens.
A Rennes il existait jusqu’en 2006 un micocoulier panaché de belle taille. De mémoire dans les 2.5/3m. Je n’avais pas eu le réflexe de le mesurer et de le photographier. Depuis le parc est passé aux mains d’un promoteur, ne subsistent qu’un gros chêne et un cèdre, mais le parc recelait d’autres sujets intéressants.