L’épicéa président de St-Martin-d’Uriage, Isère

Le Marais des Seiglières par une belle journée automnale…
Un endroit plein de charme en Belledonne apprécié des grenoblois avides de calme et de nature.
Cette zone humide d’altitude est d’une grande richesse écologique et l’Association des Amis de la Nature n’a pas manqué d’y installer l’une de ses bases.
Les passionnés de nature seront rapidement comblés.
Avant même d’arriver au marais, un vénérable marronnier est planté près de l’ancienne maison forestière. Il lutte  magnifiquement dans des conditions montagnardes inhabituelles pour lui… à 1100 m d’altitude !
Mais c’est en poursuivant au-delà du marais que la vue d’une pancarte devrait stimuler l’instinct des chasseurs d’arbres remarquables. Au pied d’un vieux sapin à moitié écroulé, elle indique l’entrée dans une parcelle de vieillissement. Dans cette zone, les arbres ne seront pas exploités mais pourront vieillir et mourir de leur « belle mort ». Il n’y aura pas de perturbation du cycle naturel, les arbres en fin de vie serviront de refuge à une faune et une flore bien spécifique. Le système s’apparente aux réserves biologiques intégrales présentent (bien trop rarement) dans certaines forêts domaniales. La mise en place de cet « ilot de vieillissement » en forêt communale montre l’attachement de la petite commune de St Martin d’Uriage à son environnement et son patrimoine arboré.
Derrière le vieux sapin, une autre pancarte plus discrète indique la direction d’un « épicéa président ». Voilà qui est surprenant ! L’appellation arbre président est habituellement réservée au plus gros sapin de la forêt… je n’avais jamais entendu parler d’un épicéa président.

Pourtant ce titre de « président » n’est pas usurpé, bien au contraire, cet arbre est un véritable Ambassadeur de son espèce !

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 Une petite marche de 15 minutes sur un bon chemin nous amène directement à l’Elysée… enfin plutôt à la parcelle 41 où siège le Président.
Un panneau signale sa présence et affiche les dimensions du Géant.
Il s’agit bien d’un épicéa vraiment gigantesque. Je n’en ai jamais vu de comparable. Il a les dimensions d’un sapin d’exception !
Les épicéas ont une longévité plus faible que celle des sapins. Les plus vieux atteignent péniblement 200 ans. Tandis que certains sapins peuvent vivre jusqu’à 400 ans, comme ceux de la Forêt du Bou sur un autre versant de Belledonne (voir l’article ici).

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Son âge est estimé à environ 250 ans.
Les valeurs de circonférence, mesurées en octobre 2014, sont exceptionnelles :
A 1,5m du sol = 4,30m
A 1,3m du sol = 4,55m
A 0,5m du sol = 6,25m
A la différence des vieux sapins, le tronc est parfaitement cylindrique sans aucun défaut ou grosses branches et l’empattement au sol est peu prononcé.
Ces dimensions exceptionnelles peuvent être comparées avec les données enregistrées pour cette espèce sur le site Arbres monumentaux : ici.
Il est loin de rivaliser avec les plus gros épicéas européens, comme ce colosse polonais dépassant les 6m de circonférence, mais sur le Massif de Belledonne et à l’échelle du département de l’Isère, il est peu probable que d’autres épicéas aient un tour de taille aussi imposant.

En revanche, la mesure de sa hauteur va révéler une mauvaise surprise…
La pancarte (datée environ de 2010) annonce une belle hauteur de 44m.
Mais il suffit de lever la tête pour comprendre le problème.
Le Géant est victime d’une sérieuse descente de cime.
La partie haute est sèche et ne se trouve plus qu’à 36m de hauteur (mesure effectuée au dendromètre électronique vertex).
Lors d’un inventaire réalisé en 2006, l’épicéa de Chourey (du nom du canton forestier) avait été mesuré à 47m de hauteur et 4,58m de circonférence. Sa cime sèche avait déjà été signalée.

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                                     47m en 2006, 44m en 2010 et 36m en 2014…

C’est le signe évident de son dépérissement… Un dépérissement qui va s’accélérer et entrainer l’arrivée des parasites de faiblesse. D’ailleurs, les premiers scolytes sont déjà là et ont débuté leurs sinistres labours sous l’écorce du géant.
Une mort inévitable qui arrivera dans les toutes prochaines années.
L’agent ONF responsable du secteur m’a assuré qu’il n’y aurait pas de coupes anticipées puisque la zone est peu fréquentée et que l’objectif de la parcelle 41 est de laisser vieillir naturellement le peuplement.
Notre Président est sur la pente descendante et touche à la fin de son mandat.
Le public assistera à l’écroulement progressif du géant et à son retour à la terre. Le cycle de la vie après une merveilleuse existence durant plus de 250 ans dans le massif de Belledonne.
Nul doute que les futurs candidats ne manqueront pas pour le prochain mandat présidentiel, mais il y a fort à parier que ce soit un sapin qui reprenne le poste.

Mais tant qu’il affiche encore ses dimensions exceptionnelles, c’est l’occasion d’aller lui rendre visite. Il se trouve à cet emplacement :
Coordonnées géographiques : 45,12579°N 5,86202°E – Altitude 1165 m

epicea-st-martin-uriage07-castorAvant de s’éloigner du Massif de Belledonne, il faut signaler la concentration exceptionnelle d’arbres remarquables sur le petit territoire de la commune de St Martin d’Uriage.
Une richesse arborée incroyable qui n’avait pas échappé d’ailleurs à François (Reporter pour le Krapo arboricole) et nous avait fait découvrir deux arbres magnifiques :

– le Tilleul Sully du prieuré de St Nizier (ici) âgé 400 ans et 6m de circonférence.
– le Châtaignier du Pinet (ici) dont la circonférence atteint les 6,75m.

D’autres merveilles sont à découvrir sur la commune de St Martin d’Uriage. Consciente de son environnement exceptionnel, cette petite commune iséroise a réalisé une étude de son patrimoine boisé en 2006 et identifiée pas moins de 20 arbres remarquables ! Cette étude réalisée dans le cadre de l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme est rendue publique et  disponible sur demande à la mairie de St Martin d’Uriage.

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10 réflexions sur « L’épicéa président de St-Martin-d’Uriage, Isère »

  1. On n’a pas la chance d’avoir d’aussi beaux épicéas en Bretagne. Passé 60 ans ils fatiguent rapidement, ajouté à cela le dendroctone, ce n’est pas demain la veille qu’on aura d’aussi beaux spécimens!
    Par contre, l’ONF a élu un hêtre président en forêt de Loudéac (Côtes d’Armor), ce n’est pas un vieil arbre, mais j’imagine que ce titre pour un fayard est une première!

  2. Je te rassure Yannick, dans les Alpes aussi les très vieux épicéas sont très rares.
    Le « statut de vieillard » n’est réservé qu’aux sapins, mélèzes et pins de montagne.

    Un hêtre président voilà qui est original !
    C’est le bon côté de la démocratie, tout le monde peut accéder à la présidence…

  3. Une commune que j ai sillone en tous sens à pieds ou à vélo pendant mon adolescence…. mais je ne connaissais pas l existence de cet épicéa. Merci pour le partage, ca me fera une belle destination de promenade lors de mon prochain passage en France…

  4. Oui l’endroit est plaisant et c’est un bon objectif de ballade.
    Mais ne tarde pas trop pour aller rendre visite au Géant, il vit ses dernières années…
    Ce massif de Belledonne est vraiment d’une richesse incroyable et ces vieux arbres sont finalement si peu connus.
    A venir sur le Blog : une vraie pépite chez les feuillus à seulement 2km à vol d’oiseau du Géant !

  5. Un bien bel épicéa.

    Il est certes moins longévif que le sapin blanc mais je soupçonne que des individus d’altitudes puissent dépasser des âges très avancés.
    C’est finalement le cas pour pas mal d’espèces poussant en milieu rude comme par exemple les hêtres italiens de plus de 450 ans dans les Abruzzes dont un atteint 570 ans alors que ceux de plaines arrivent péniblement à 250 ans.

    Une vidéo de l’ascension du plus grand épicéa commun d’Europe :

    http://ava.rtvslo.si/predvajaj/merjenje-najvisje-smreke-na-pohorju/ava2.139246813/

  6. Je suis d’accord avec toi Sisley, les espèces peu longévives, le sont souvent à cause de leur plus grande sensibilité de leur bois aux attaques de champignons entrainant des pourritures de cœur (suite à des blessures…) puis la mort de l’arbre. Tandis que mélèzes, pins, ifs… résistent bien.
    En haute altitude où les conditions de croissance sont plus rudes, les attaques parasitaires sont moins virulentes et donc moins agressives pour les individus vivants dans ces milieux difficiles.
    Je serai curieux de voir à quoi ressemble un hêtre de 500 ans !!!

    La vidéo que tu nous présentes est encore super impressionnante, on est encore dans un autre monde !
    C’est en Slovénie (« .si » de l’adresse web) que se trouve ce champion ?
    62 m c’est vertigineux ! Je n’ai réussi à comprendre la valeur de sa circonférence, ils le mesurent à la fin de la vidéo ?

  7. Ah oui c’est vrai, si on ne tient pas compte de tous ces nord-américains si bien implantés sur notre vieux continent, il pourrait bien monté sur la plus haute marche du podium.
    En tout cas, ce « Hypérion slovène » a la taille plus mince que notre « Géant de Belledonne » 😉
    J’espère seulement qu’il est en meilleure santé (ils sont d’un âge similaire).

  8. Pas de soucis Gilles et c’est même avec plaisir d’avoir un de tes articles.
    La richesse de notre blog est la diversité des contributeurs 🙂

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