Surnommé le « romanichel des bois » à cause de son caractère colonisateur de la garrigue (Pardé, 1957), le Pin d’Alep souffre d’une très mauvaise image auprès des provençaux.
C’est simple, on l’accuse de tous les maux !
Il a la sinistre réputation de propager le feu (il favorise le développement de la broussaille sous son houppier clair et donc les risques d’incendies, et est lui-même très inflammable), mais aussi celle de dévaloriser la forêt en étant un arbre de piètre qualité et en éliminant le chêne.
Bref, c’est le mal aimé de la garrigue !
Alors, lorsqu’on rencontre un Pin d’Alep remarquable, qui plus est remarqué et signalé par les provençaux eux-mêmes, on peut le gratifier du surnom « Le Magnifique »… car il le vaut bien !
Le pin d’Alep est un vrai colonisateur des espaces vides et rocailleux de Méditerranée.
Dans sa catégorie, il remporte haut la main la médaille d’or !
Mais il est peu longévif, il atteint péniblement les 150 ans à cause de conditions de croissance difficiles (sols peu profonds, sècheresses à répétition), de la forte probabilité du passage du feu et de la pression de l’activité humaine dans des zones touristiques convoitées…
Sur la départementale reliant St-Cyr-sur-mer à Bandol, à l’intersection avec la petite route menant à la célèbre calanque d’Alon, « Le Magnifique » étale son large houppier et affiche son tronc torsadé depuis 200 ans aux yeux de tous, comme une revanche pour tous ses frères malaimés.
Une timide pancarte, bien trop petite pour être remarquée par les automobilistes, signale son âge exceptionnel… comme si le fait d’être bicentenaire permettait de passer du statut de ‘peste végétale’ à celui d’ ‘arbre vénérable’.
Il a des dimensions qui forcent le respect et sont même rarement atteintes dans le genre Pinus.
Circonférence à 1,3m en aout 2014 : 4,10m et une hauteur estimée à 25m. Un tour de taille qui le fait entrer dans le Top Five des plus gros pins d’Alep français… connus à ce jour.
Coordonnées géographiques : 43,16577°N 005,71565°E – Altitude 75m
Le pin d’Alep est indissociable de la garrigue méditerranéenne. On le trouve de Nice à Perpignan et remonte la vallée du Rhône jusqu’aux portes de Montélimar.
Son nom ‘Alep’ en Syrie est trompeur car il est présent en Provence depuis la nuit des temps. On a même trouvé du pollen fossilisé dans des couches sédimentaires aux portes de Marseille, datant de 5 millions d’années !
Mais c’est surtout la déprise agricole et les importantes surfaces incendiées qui ont favorisé l’expansion de cette espèce.
Car il a une botte secrète, une faculté exceptionnelle : celle de se régénérer sur les sols incendiés. Les cônes s’ouvrent sous l’effet de la chaleur et libèrent ainsi les graines (en fait, les cônes explosent au passage de l’incendie et favorise aussi la propagation du feu…).
Le pin d’Alep a une prédilection pour les terrains calcaires souvent en mélange avec le chêne vert donnant des formations boisées difficilement pénétrables… pour ceux qui n’ont pas des gênes de sanglier ! Des boisements très facilement inflammables et difficiles à valoriser autrement que par des coupes rases (le taillis de chêne pour du bois de chauffage et le pin pour l’industrie de la pâte à papier)…
Il a colonisé progressivement les garrigues sèches du pourtour méditerranéen sur près de 4 millions d’hectares ( 250 000 ha en France).
Mais, il ne faut pas le confondre avec son proche cousin le pin brutia (dont la distinction n’est pas toujours évidente) qui est originaire de l’est de de la Méditerranée (Turquie…). On peut le rencontrer aussi spontanément en Provence.
Le Pin d’Alep, mal aimé ? Pas toujours !
En fait, c’est un arbre que l’on n’aime pas voir en forêt… un comble pour un arbre !
Il faut le sortir de la garrigue pour qu’il dévoile tous ses atouts esthétiques : son écorce gris-argenté tranche magnifiquement au milieu des mas provençaux et dans le bleu du ciel de Méditerranée.
Il en est même un à Miramas (13) qui a reçu le Label d’arbre remarquable de France. Il porte le surnom de Quillé et donne tout son charme à la vieille ville perchée. A voir ici.
On l’apprécie aussi souvent pour ces formes sculptés par le vent et jouant les équilibristes sur les parois au-dessus de la mer. A voir de spectaculaires individus rampants sur l’Ile des Embiez au large de Six Fours.
.
Revenons à notre « Magnifique d’Alon ». Ce vénérable pin d’Alep est plutôt en bonne santé. Je n’ai pas détecté de signes de faiblesse particuliers à son pied et sur son tronc.
Mais la vie en Provence n’est pas un long fleuve tranquille. Le risque incendie plane toujours comme une fatalité pour la garrigue. Simple coïncidence ou pur hasard ? une borne incendie a été placée à son pied. Ce serait un comble s’il était victime du feu…
Sa situation à un carrefour très fréquenté le rend vulnérable aux fous du volant. Un danger qui semble écarté par l’installation d’une glissière de sécurité et d’un panneau STOP, obligeant les voitures à marquer un arrêt… pour s’infiltrer dans une circulation toujours dense.
De ce bref arrêt obligatoire à son pied, les automobilistes n’auront pas le temps de remarquer les dimensions exceptionnelles du « Magnifique ». Ils pourront tout juste profiter un court instant de son ombre apaisante dans la chaleur étouffante des mois d’été.
Et pourtant, malgré toutes les méchancetés que l’on raconte sur lui, sachez que le Pin d’Alep n’est pas rancunier… il souhaite juste s’intégrer aux paysages de notre Provence, rien de plus.
Alors si vous passez à côté de lui, faites une vraie pause et admirez-le… Il le vaut bien !
J’ai eu peur en voyant le titre, j’ai cru que tu te lançais dans la filmographie de Belmondo!
Visiblement ce spécimen n’est pas le mal aimé de la localité. On voit qu’il a subit une taille, probablement d’allègement, coté route et qu’un hauban (peut-être un peu sou-dimensionné?) a été posé pour limiter les risques de fissuration de son tronc. Sage intervention, car il semble qu’à la base des têtes principales, il y ai une belle écorce incluse, qui est un point de fragilité. fragilité potentiel.
Oui le prochain arbre je le baptise : « L’As des As », puis le suivant « Le Professionnel », « le Marginal »… ainsi de suite jusqu’au « Guignolo », lol !!!
Bien vu Yannick, il a reçu une petite taille assez légère, surement des branches dangereuses pour la circulation. Le coup de d’œil du spécialiste de la taille des arbres 😉
Voici dont le fameux « mal-aimé » promis par le castor 😉
Il est magnifique en effet, et malgré ses défaut je suis sûr qu’il peut être un arbre apprécié si le feu ne passe pas par là ! C’est toujours un plaisir de voir des arbres en bonne santé ayant dépassé l’espérance de vie moyenne de l’espèce.
Ces champions sont un patrimoine à conserver précieusement
j’ai eu l’occasion d’élaguer un pin d’Alep de 4,65 m de circonférence à 1 m du sol, environ 28 m de hauteur planté d’après le propriétaire qui a plus de 90 ans vers 1870 au domaine viticole de Ginestet, entre Montady et Béziers, beaucoup plus imposant que le magnifique d’Alon, dans ub sol de plus de 2 m d’épaisseur, près du canal du midi
Si tu as des photos ou un contact, ce serait intéressant de faire un reportage pour étoffé le « dossier » pin d’Alep!
Bonjour Philippe,
je serai aussi très curieux de découvrir le beau spécimen dont tu nous parles.
Tu l’as mesuré à 1m à cause d’une fourche basse ?
Et si tu es dans le secteur peut-être as-tu des nouvelles du très vieil orme sur la place du village de Poilhes. ça fait longtemps que je n’y suis pas passé et il était en très mauvais état 🙁