Quelle surprise de découvrir une si belle chênaie au Maroc à 1700m d’altitude ! L’impression de se retrouver un instant dans nos belles futaies du centre de la France… à une seule petite différence, ici aucun chêne rouvre ou sessile, mais uniquement le chêne zéen, cette espèce rare et emblématique.
Le Moyen-Atlas ne se limite pas qu’aux forêts de cèdre. Les espèces feuillues occupent aussi d’importantes surfaces : chênes, érables, frênes, peupliers… Le plus fréquent est le chêne vert, c’est le feuillu dominant jusqu’à 1800m d’altitude. Parmi les autres espèces de chênes, citons aussi le chêne liège. Mais ce n’est pas un montagnard, il se contente de former de vastes forêts sur la côte atlantique. Quant au chêne tauzin, sa présence est plutôt dispersée (surtout dans le Rif) et il constitue rarement de vrais peuplements . Étonnamment, le chêne pubescent, si présent de l’autre côté de la Méditerranée, est absent du Maroc. En revanche une autre espèce, bien spécifique aux montagnes du sud de Meknès, forme de vastes peuplements entre 1500 et 1700m d’altitude. C’est l’aire naturelle du chêne zéen (ou chêne des Canaries) qui s’étend sur environ 10 000 hectares au Maroc, avec une prédilection pour l’étage montagnard humide et les sols profonds et acides. Il peut constituer des peuplements purs et prendre l’aspect de belles futaies avant de se trouver en mélange avec le cèdre plus haut en altitude.
Dans cette vaste zénaie gérée par l’administration forestière marocaine, une petite parcelle est laissée en libre évolution sans intervention de l’homme, un peu à l’image de
de nos réserves biologiques.
La beauté du peuplement est surprenante, je n’imaginais pas que le chêne zéen puisse former d’aussi belles futaies. J’étais tellement émerveillé que la comparaison avec notre Forêt de Tronçais m’a semblé toute naturelle… et la petite taille de cette parcelle forestière me rappelait la célèbre Futaie Colbert.
Rêve ou réalité, en parcourant « le petit Tronçais de l’Atlas », j’ai même eu l’impression de reconnaitre certains chênes illustres de notre forêt bourbonnaise !
L’un d’entre eux se distingue par ses belles dimensions et son âge certainement très élevé… à l’image du célèbre « Chêne St Louis« . Mais Il serait bien maladroit de désigner celui-ci par un Roi français. Alors, il a fallu lui trouver le nom d’un illustre Roi marocain. Voici le « Chêne Idriss Ier » ! Sa circonférence mesurée à 1,3m est de 3,36m et sa hauteur totale est estimée à 25m.
Un lierre vigoureux s’appuie sur le vieux chêne et atteint son houppier sans pour autant l’envahir totalement. Ce lierre mesure 57cm de circonférence à 1,3m de hauteur.
A proximité, un chêne à deux pieds rappelle un autre célèbre Quercus de Tronçais : Les Jumeaux. Ce splendide chêne double peut être nommé « Les Jumeaux zéens« .
A la base, son tour de taille est d’environ 5m. L’état sanitaire des deux pieds est plutôt moyen, quelques signes de faiblesse apparaissent à la cime.
En bordure de parcelle, un vieux chêne semble faire la délimitation du peuplement… un peu à l’image du célèbre Chêne de la Sentinelle de Tronçais. « La Sentinelle zéen » est le plus gros chêne de la parcelle avec un tour de taille de 3,68m à 1,3m du sol. Sa hauteur peut aussi être estimée à 25m. Son état sanitaire semble assez bon.
Je ne pouvais pas quitter le « Petit Tronçais de l’Atlas » sans avoir trouvé un chêne analogue au célèbre Stebbing. J’ai recherché alors celui présentant la plus belle bille de pied, celle qui fait fantasmer tous les forestiers : voici le magnifique « Stebbing zéen » avec sa circonférence de 3,19m. Son état sanitaire semble excellent.
Mon passage fin avril a été aussi l’occasion de découvrir la discrète inflorescence du chêne zéen : chatons des fleurs mâles. Malheureusement je n’ai pas remarqué les fleurs femelles encore plus discrètes.
Au sol, il est intéressant d’observer la diversité des formes de feuilles de chêne zéen.
Cette petite parcelle est surtout remarquable par la beauté de son peuplement, prenant l’aspect d’une belle futaie. En revanche, les arbres ayant poussé dans un peuplement dense, ils n’atteignent pas des dimensions exceptionnelles (je tiens à disposition la localisation précise au GPS des arbres présentés). Le chêne zéen vit moins longtemps que le chêne rouvre, mais il peut tout de même atteindre plusieurs centaines d’années.
Dans son aire naturelle (péninsule ibérique et Maghreb), certains d’entre eux sont âgés de plus de 500 ans et frôlent les 8m de circonférence, notamment dans la zénaie de Yakouren en Algérie.
D’autres chênes zéens, plantés comme arbres de parc, ont même dépassé les 5m de circonférence en Europe du Nord, comme le mentionne la base de données Arbres monumentaux.
En France, le chêne zéen le plus célèbre, et très certainement le plus imposant, est celui du Parc des Cordeliers à Anduze (Gard). Il a fait l’objet d’un bel article par Pat’ sur notre blog en 2015.
Je n’ai pas découvert de chênes zéens atteignant 4m de circonférence au Maroc, mais il semble évident que des gros zéens soient aussi présents dans l’Atlas.
Le « petit Tronçais de l’Atlas » n’est pas un cas unique au Maroc. D’ailleurs, elle ne se trouve pas dans la zénaie la plus réputée du royaume : la Forêt de la Jaâba près de El Hajeb. Cette forêt est un site naturel protégé d’une grande richesse écologique et très apprécié des ornithologues. Il est fort probable que dans cette zénaie, certains chênes atteignent de belles dimensions… En tout cas, cette forêt est dans le haut de ma liste des sites à visiter lors de mon prochain voyage au Maroc !
Tu zozottes Castor, on ne dit pas zénaie!!!
Merci, cela me donne une tout autre image du Maroc et de ses arbres!
?
Ben quoi ?
Z’adore les zénaies, z’est trop zoli !
😉
merci pour cet excellent reportage.