Il est fréquent lors des inventaires départementaux de dénicher une commune concentrant un nombre incroyablement élevé d’arbres remarquables. C’est le cas de Voiron en Isère, de Grambois dans le Vaucluse, ou de Vérigon dans le Var…
L’Ile de Beauté n’échappe pas à cette règle. Il suffit pour s’en convaincre de se rendre sur le vaste territoire communal de Ghisonaccia dans la plaine orientale pour tomber sous le charme de son fabuleux patrimoine arboré.
Il y a bien-sûr les deux vedettes de renommée internationale placées à moins d’un kilomètre de distance ! Deux produits 100% Corse, naturels et sauvages, mais dans deux styles très différents :
– « L’Arbre oiseau » dont la particularité physique lui donne un charme unique et a conquis le public lors de l’élection de l’Arbre de l’année 2018.
– le Pistachier millénaire, dans une autre catégorie, qui rejoint le cercle très fermé des arbres les plus emblématiques de France.
Mais ce n’est pas tout… Je vous propose dans ce court article, après une rapide présentation des deux vedettes déjà ultra médiatisées, de vous dévoiler deux autres arbres méconnus qui réunissent eux aussi tous les critères de remarquabilité *** 🙂
Honneur aux anciens, débutons les présentations par l’incroyable U Listincu de Gattone (nom corse pour désigner le Pistachier lentisque).
Cette espèce, fréquente dans les végétations arbustives de Méditerranée, atteint ici des dimensions rarement observées… mais qu’il convient toutefois de relativiser face au manque de données et de références pour cette espèce arbustive rarement relevée dans les inventaires d’arbres remarquables. Outre ses critères dendrométriques, son histoire est tout aussi extraordinaire. Il s’agit d’une découverte fortuite lors d’un débroussaillage, puis du combat d’une femme, Elise Inversin, pour promouvoir cet arbre oublié sous les broussailles depuis tant d’années. Il a même failli disparaître lors d’un incendie. Un véritable combat médiatique mené durant près de 10 ans et qui débouchera sur l’attribution du label Arbres remarquables de France en 2012 suite à son élection au concours de l’Arbre de l’Année en 2011.
U Listincu présente aussi une autre particularité… Le propriétaire officiel de la parcelle abandonnée où se trouve le vénérable pistachier reste inconnu. Alors, sous l’impulsion d’Elise et d’une Association locale, c’est la commune qui a pris la responsabilité de mettre en valeur le site et de l’ouvrir au public.
Je ne reviens pas en détail sur la présentation d’U Listincu qui a déjà fait l’objet d’un article très complet sur le blog ami du Krapoarboricole en 2009.
Vous trouverez également sur place tout un panneau de présentation très détaillé sur ce vénérable.
Toujours dans la plaine de Gattone, une autre vedette est venue compléter récemment la richesse du patrimoine local de Ghisonaccia.
Il s’agit d’un chêne liège présentant une singularité unique découvert par des randonneurs en 2017.
Son surnom corse U Arburacellu (l’Arbre Oiseau) lui a été donné à cause d’une excroissance bizarre de son liège, symbolisant une paire d’ailes et une tête de rapace, apparue à la suite d’une grave blessure sur son tronc. (NDLR : en montrant ces photos à des enfants, ils ont été unanimes sur le fait qu’ils y voyaient une tortue et non un rapace…Aaah l’imagination des enfants 🙂 ).
Proposé au concours de l’Arbre de l’année en 2018, c’est immédiatement le coup de foudre du public et du jury qui tombent sous son charme, provoquant dans la foulée un véritable buzz médiatique.
Sensible à cet engouement du public pour son arbre vedette, la commune de Ghisonaccia l’intègre à un circuit de découverte patrimoniale avec le Pistachier millénaire.
Félicitons cette excellente initiative locale ! Je me demande en revanche si la gravité de la blessure sur le tronc a bien été considérée pour la préservation de l’Arbre oiseau (ou tortue 😉 ) ?
On pourrait pleinement se satisfaire de ce duo de vedettes corses, mais ce serait mépriser d’autres merveilles naturelles tout aussi méritantes. Comme ce vénérable olivier délaissé et oublié dans le hameau de St Antoine.
Il est à peine visible depuis la route car perché sur un mur de pierres délabré. Mais si on prend le temps de le découvrir sous son autre profil, l’effet Wahou est absolument garanti ! Quelle merveille ! Il dégage tout le charme de ces vieux oliviers qui ont su défier le temps pour nous rappeler qu’ils sont les derniers témoins vivants d’un mode de vie ancestrale lié à la culture de l’olive.
Mais est-il vraiment si vieux ? Quel âge pourrait avoir l’Olivier de St Antoine ?
On peut dans ce cas se référer à son impressionnant tour de taille (6,50m). Une règle annonce qu’il suffit de multiplier par 2 son diamètre pour connaitre son âge : 6,50 / 3,14 x 2 = 400 ans. Mais cette estimation semble trop faible si l’on se base sur d’autres vieux oliviers dont l’âge est mieux connu. Pour preuve, avec ce calcul le célèbre olivier d’Oletta et ses 8,00m de circonférence n’aurait que 500 ans, alors qu’il a été estimé par des experts à 800 ans. Dans bien des cas, pour les très vieux oliviers dont la croissance ralentie énormément, la règle de 100 ans pour chaque mètre de circonférence acquis semble plus proche de la réalité. Notre Olivier de St Antoine avoisinerait donc les 600 ans !
Son état n’est pas excellent, il a dû vivre de drôles de péripéties et échapper plusieurs fois à l’arrachage… Le centre de l’arbre est même en partie brûlé, mais on ne se débarrasse pas aussi facilement de l’arbre éternel, il a un pouvoir de résilience surnaturel ! En revanche, sa position actuelle peut sembler préoccupante. Il est placé sur un terrain où de lourds travaux sont prévus (destruction ou restauration de la maison à proximité). Les nouveaux acquéreurs seront-ils respectueux de ce vieil arbre et sauront-ils le protéger et le mettre en valeur, comme l’a fait Elise avec le Pistachier ?
Cette fois, vous pensiez avoir fait le tour des merveilles de Ghisonaccia ? Pas si vite ! Rejoignez la grande route et arrêtez-vous un instant sur le parking du terrain de foot à la sortie du village. La visite vaut le coup, je vous l’assure ! Vous remarquerez dans le bel alignement d’eucalyptus (l’espèce est fréquente dans la plaine orientale), une cépée tentaculaire. C’est La Méduse du stade de foot ! Suite à l’abattage de la tige d’origine, une cépée de 4 brins s’est développée dans des proportions démesurées. Son état sanitaire est excellent, espérons simplement que la municipalité, déjà soucieuse de son patrimoine naturel, continuera à laisser s’étaler la Méduse librement… le seul risque possible : devoir sacrifier à l’avenir 2-3 places de parking 🙂
Ouah elle valait le coup cette dernière escapade corse avant le confinement général !
Tes deux trouvailles auraient eu leur place dans le film « Arbres remarquables un patrimoine à protéger » auprès de leurs 2 « collègues » communaux.
Merci Castor de nous faire rêver en partageant tes belles découvertes !
Pour ceux qui le peuvent par ces temps mauvais et confinés:peut être avez vous quelques arbres à partager ? dans les fin fond de votre disque dur.
Portez vous bien!
Les deux vedettes ne te suffisaient pas et tant mieux ! L’olivier et l’eucalyptus sont impressionnants 🙂
Je suis censé aller voir quelques-uns de ces arbres en Corse cet été … en espérant que la situation s’améliore d’ici là !
Merci pour cette virée arboricole.
PS : Pour Arburacellu, pourquoi pas une tortue marine en effet 😉
Merci pour vos commentaires 🙂 🙂 🙂
Effectivement Guy, cette période de confinement est l’occasion de rattraper notre retard sur les arbres à partager !
Je vais en profiter pour vous faire partager une petite série corse… une façon de s’évader virtuellement.
@Aurélien : si ton voyage est prévu pour cet été, il y a peu de soucis pour que ce soit perturbé par la situation actuelle. Par contre pour ceux qui avait prévu une virée sur l’Ile de Beauté à Pâques (une période magnifique avec le maquis en fleur) c’est sûr, ça sent le roussi… 🙁
Superbe article. Merci pour le partage.
Bonne journée.