Rencontres inattendues dans le plus haut village de France (St-Véran, Hautes-Alpes)

C’est quand on s’y attend le moins que les rencontres sont les plus belles !

Il faut reconnaître que le petit village de St Véran dans les Hautes-Alpes ne manque pas de charme. Et il mérite amplement le prestigieux label « Plus beaux villages de France » . Il suffit d’ailleurs de parcourir sa rue principale pour être séduit par ses vieux chalets montagnards construits avec d’épais murs de schiste et surmontés de fustes de mélèze patinées par le temps.
Mais il détient également un autre titre qui a fait toute sa notoriété : il est le plus haut village d’Europe (hors stations de ski), à 2050m d’altitude. Autant dire qu’à cette altitude, on visite le charmant village de St Véran en appréciant la magnifique vue dégagée sur les cimes du Queyras sans être gêné par la présence d’un arbre !
Il faut bien se rendre à l’évidence qu’à cette altitude, toute présence arboricole est un défi contre nature… les derniers représentants du monde des ligneux, composés de mélèzes, pins cembros, pins à crochets et saules rampants peinent à se hisser au-delà de 2000m et abandonnent le combat à partir de 2300m.
Et pourtant, je peux vous assurer que les passionnés de beaux ligneux pourront aussi trouver leur bonheur en visitant Saint Véran…
Foi de Castor masqué, là haut, il n’y a pas que des vieilles fustes de mélèze à se mettre sous la dent 🙂

La première surprise ne se fait pas attendre, elle se trouve dans le jardinet d’un vieux chalet le long de la Grand’Rue.
Il s’agit d’un très classique Lilas commun (Syringa vulgaris), probablement l’un de nos arbustes d’ornement les plus fréquemment plantés près de nos maisons. Sauf qu’ici, à plus de 2000m d’altitude, ça change tout ! Bien que le lilas soit une espèce assez rustique, donnée pour résister à -15°c, et avec la faculté d’être peu exigeante sur la nature du sol, il est difficile d’imaginer que cet arbuste ait pu résister à des conditions montagnardes aussi extrêmes qu’à Saint-Véran.
La base du pied est partiellement protégée contre le mur de la maison et le houppier, très exposé aux importantes chutes de neige, semble taillé très régulièrement. On remarque aussi que sa floraison (couleur ?) doit être généreuse, à en croire par la quantité de fruits présents en période estivale (capsules vertes à peine formées au mois d’août !).
Quant à son âge, c’est un mystère… Mais le bel arbre persan doit probablement être très vieux pour avoir atteint de telles dimensions à cette altitude. Et à défaut de floraison, sa belle écorce pelucheuse, l’apanage des vieux lilas, est un plaisir à observer.
Cet exemplaire est assurément à classer parmi les ligneux d’exception !
Il est surprenant d’ailleurs de trouver si peu de lilas dans nos inventaires sur les arbres remarquables (le lilas des Indes, Largerstroemia indica, est quant à lui plus souvent relevé probablement à cause de sa splendide floraison estivale associée à sa très belle écorce). Quelques rares références sont tout de même enregistrées dans la célèbre base de données Arbres monumentaux, dont un splendide lilas relevé par Tristan dans la vallée de Chamonix à 800m d’altitude, mais qui semble s’épanouir dans des conditions de vie nettement plus propices.

Une autre surprise est à découvrir sur la place de l’église. Un vénérable Saule des vanniers (Salix viminalis) de plus de 3m de circonférence tient son rôle de fidèle arbre têtard comme le font ses frères 1500m plus bas, le long des vallées alpines ! En revanche, un autre pied à côté est mort récemment (à noter que la réfection de la chaussée n’est peut-être pas totalement étrangère à cette triste disparition…).

Il est surprenant également de remarquer dans son feuillage la présence de ces petites galles, inféodées au saule des vanniers, produites par une tenthrède (minuscule guêpe, Pontania viminalis) pour abriter sa larve.
On ne peut qu’être admiratif de retrouver tout un cortège écologique associé à un seul arbre dans des conditions montagnardes aussi extrêmes 🙂 🙂 🙂

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6 réflexions sur « Rencontres inattendues dans le plus haut village de France (St-Véran, Hautes-Alpes) »

  1. Bonjour Castor,
    Merci de sortir des sentiers battus et de nous offrir deux arbres rarement recensés, et, qui plus est, en un lieu qui ne paraît pas propice au développement de nos amis feuillus. Voilà donc un compagnon pour le saule des vanniers gardois de 3.15m de circonférence que j’ai décrit dans le tome 3, 2e partie, page 115.
    Comme pour les très vieux pieds de romarin en Méditerranée, il te reste à recenser leurs homologues chez les rhododendrons alpins ! Bonne chance !
    Yves

          • Parfois ça fait peur…
            Peur d’imaginer que Pat’ connaisse par coeur les milliers de pages écrites par Yves 😉

            @Yves, je passe mon tour pour le recensement des rhododendrons alpins (en plus il y a souvent plein de fourmilières dans ces végétations basses 😉 ) par contre j’avoue me poser quelques questions sur l’âge de certains genévriers rampants dans les pelouses alpines et sur les rochers, certains semblent RE-MAR-QUABLES, mais je n’ai jamais osé en relever en inventaire… allez, faut que je me motive (pour la mesure de la hauteur ce sera rapide 🙂 ) !

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