Le cèdre Gouraud et la cédraie d’Azrou, Maroc

Restons au Maroc et continuons la route en nous éloignant d’Aïn Leuh (1) pour arriver sur le plateau du Moyen-Atlas dans le royaume du cèdre.
Le cèdre étant l’une de mes essences préférées, c’est avec une certaine émotion, presque religieusement que je découvrais la cédraie primitive de l’Atlas.
L’écotourisme est encore peu développé au Maroc et les belles forêts de cèdre restent à l’écart des circuits touristiques habituels.

Petit parcours en suivant la direction de la « route du cèdre », la terre d’origine de nos cèdres européens.

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Les 132 000 ha de cèdre marocain sont répartis sur 3 massifs : le Rif, le Haut-Atlas mais l’essentiel se trouve dans le Moyen-Atlas (50 km au sud de Fès et Meknès).
Les cédraies s’étalent entre 1500 et 2300 m d’altitude dans des conditions montagnardes où les précipitations sont abondantes (par rapport au reste du Maroc…).
A Azrou (à 1250 m d’altitude en contrebas du plateau), les précipitations sont en moyenne de 700 mm / an, avec des températures min de -10°c et maxi +38°c. Le secteur d’Ifrane (1700m) est plus humide (>1 000 mm/an).

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Maroc2007-266asso-amis-azrouLes conditions de croissance sont bien différentes de celles de nos parcs européens.
Nos plus vieux cèdres de l’Atlas français ont 150 ans, ou à peine plus. Il a été introduit pour la 1ère fois en France par le pépiniériste Sénéclauze en 1839.
Nos cèdres français peuvent atteindre 7 voire 8 m de circonférence à hauteur d’homme.
A ne pas confondre avec les cèdres du Liban dont l’implantation en France peut être antérieure (la distinction entre les deux espèces n’est pas évidente). Le 1er cèdre du Liban aurait été planté par Jussieu au jardin des plantes de Paris en 1734, il y a presque 300 ans.
Si cèdre de l’Atlas et cèdre du Liban fréquentent largement nos parcs, c’est bien le cèdre de l’Atlas d’origine marocaine qui a été utilisé dans la très grande majorité des reboisements français (notamment pour les 3 grandes zones d’introduction des années 1880 dans le sud de la France : Ventoux, Lubéron, Rialsesse).
Dans les rudes conditions forestières du Maroc à près de 2000 m d’altitude, la croissance des arbres est bien ralentie…
Mais les découvertes forestières restent tout de même remarquables et on croise de nombreux vieux cèdres multiséculaires de 4 – 5 voire 6 m de circonférence.

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Ils sont parfois marqués par ces rudes conditions montagnardes comme ce vieux cèdre à la base incendiée (vraisemblablement blessé par les « chercheurs de miel » qui ont la fâcheuse habitude d’utiliser de la bouse de vache pour mettre le feu à la base des cèdres et fumiger les abeilles…).

Maroc2007-256marocainleuharbre-1-dafinaOrigine de la photo le site DafinaMaroc2007-253

De nombreux candidats sont susceptibles de prendre le relai au Roi déchu, le cèdre Gouraud. En effet, le cèdre emblématique de la forêt d’Azrou est mort en 2003. Son agonie a duré 3 ans. Depuis 2006, il ne reste que son squelette trônant au milieu d’une petite clairière entouré d’échoppes pour touristes. Sa mort reste un mystère. Est-elle naturelle ? Certains accusent la présence de canalisations d’eau trop près de ses racines… Par cette journée grise de décembre 2007, un sentiment de tristesse m’envahis lorsque je découvre son tronc écorcé et couvert de tags. Je n’étais pas équipé pour prendre des mesures. J’ai recherché des infos et il semblerait que la valeur la plus vraisemblable serait 8 m de circonférence (certains annoncent 9 m mais cela me semble bien exagéré, j’ai déjà un doute sur 8m…). Une valeur de 7m de tour à la base était annoncée en 1917 au passage du Général Gouraud et 7,5m en 1950 d’après une brochure de l’Office du Tourisme Marocain.
Sa hauteur totale est voisine de 40 m (annoncée à 42m par certains auteurs).
Son âge est estimé à 800 ans.
Coordonnées géographiques : N 33,42646° W 005,15525° – Altitude = 1680 m.

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Petite mise à jour en décembre 2015 : j’ai eu l’occasion de repasser voir le cèdre Gouraud en décembre 2015 et cette fois-ci je m’étais muni d’un ruban de mesure ! La mesure de sa circonférence à 1,3m de hauteur (juste sous son « bras ») est précisément de 7,45m. Mais le pauvre cèdre mort depuis plus de 10 ans n’a plus un seul morceau d’écorce sur son tronc dégarni. Cette mesure correspond donc à une circonférence sous écorce. Pour imaginer la circonférence de Gouraud avant sa mort il faudrait ajouter l’épaisseur de l’écorce manquante. On peut prendre un taux d’écorce de 10% (taux certainement un peu faible pour les vieux cèdres…). Sa circonférence sur écorce serait donc comprise entre 8,3m et 8,4m. En revanche, je n’avais toujours pas pris de dendromètre pour la mesure de sa hauteur… Ce sera pour une prochaine fois s’il est encore debout… des signes inquiétants de chutes de branches rendent l’approche du géant de plus en plus dangereux…
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Merci à 7CINA pour la photo du Cèdre Gouraud encore vert.

Maroc2007-254Pour la petite histoire, le nom du cèdre a été donné suite au passage des troupes du Général Gouraud dans la région pendant la 1ère guerre mondiale.
Ce courageux général avait perdu un bras pendant la guerre des Dardanelles en 1915. La branche latérale du cèdre fait penser que lui aussi n’a qu’un bras. Le cèdre « manchot » prend le nom de Gouraud.

Mais une autre version moins connue sur l’origine du nom de Gouraud existe (merci à l’excellent site Dafina pour son historique sur la région d’Azrou) avec une meilleure concordance des dates : « En fait il y a une vérité historique…c’est celle de 1917…le Résident Général au Maroc Henri GOURAUD fait une tournée en avril dans les régions de Meknès et Fès…il est impressionné par un magnifique cèdre non loin d’Azrou…une quarantaine de mètres de hauteur…environ 7 mètres de tour de base… » … « Gouraud s’est fait prendre en photographie (en compagnie du colonel Poeymirau) devant ce cèdre parce c’était le plus impressionnant du secteur…la photographie est sortie dans la presse…et,à partir de là,on a commencé à parler du Cèdre GOURAUD. Ce n’était ni en 1911/12 ni en 1915…c’était en avril 1917. »
cèdre-gouraud-avril1917Il semble également qu’il y ait une confusion avec un autre cèdre légendaire dans la forêt d’Azrou, dénommé le cèdre du Colonel Lyautey. Je n’ai pas pu récupérer d’infos précises sur ce cèdre mais en trouvant l’une de ses photos prises dans les années 30, je m’aperçois qu’il s’agit en fait du cèdre Gouraud. Le doute est levé, il s’agit du même arbre, cf. photo ci-dessous :

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Photos venant de « Cigalou » du site Dafina

 La cédraie de L’Atlas est un patrimoine exceptionnel qui souffre et se dégrade depuis des dizaines d’années.
En 2013 d’après l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, le cèdre de l’Atlas a vu son statut passé de « Préoccupation mineure » à « En danger ».
Les principales causes sont la surexploitation et le surpâturage (et la coupe des branches basses pour nourrir le bétail).

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Le manque de reboisement et les problèmes de régénération naturelle sont préoccupants pour l’avenir de ces cédraies magnifiques.
Espérons que la création du Parc National d’Ifrane en 2004 englobant la cédraie sera en mesure d’appliquer des mesures efficaces pour sa sauvegarde et sa mise en valeur touristique.
D’autres facteurs affaiblissent un peu plus la cédraie :
– les sécheresses successives et inhabituelles depuis ces dernières années (comme notre Massif-Central, le Moyen Atlas est un véritable château d’eau pour tout le centre du pays).
– les récolteurs de miel qui n’hésitent pas à mettre le feu au pied des cèdres pour récupérer le miel.
– et l’animal emblématique de la cédraie : le petit singe magot (qui fait l’attraction des touristes, bien plus que le squelette du cèdre Gouraud).
Depuis la disparition du dernier Lion de l’Atlas en 1921 et de la panthère (depuis1994, aucune trace de sa présence n’a été relevée dans le Moyen-Atlas), ce petit macaque prolifère dans la cédraie (10 à 15 000 individus) et ce n’est pas sans conséquence. En période de sécheresse, il n’hésite pas à écorcer les jeunes cèdres pour se nourrir.

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La cédraie est la dernière barrière verte entre le Sahara et l’Europe.
En l’absence du « Roi Gouraud », espérons qu’elle saura conservée son rôle écologique et toute sa richesse.
Et peut-être qu’à l’instar des sapins présidents du Jura, un nouveau Roi de la forêt d’Azrou sera élu.


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17 réflexions sur « Le cèdre Gouraud et la cédraie d’Azrou, Maroc »

  1. Superbe reportage!
    J’avais déjà entendu parlé de ces forêts du Moyen-Atlas sans vraiment avoir approfondi le sujet, je suis très content de découvrir les ancêtres de nos arbres de parc!
    Leur croissance n’a effectivement rien de commun celle observées sous nos latitudes. il y a quelques années, j’avais eu l’occasion de rencontrer une dendrologue ayant étudié des cèdres de cette région, elle avait effectué des carottages mettant en évidence plus de 400 cernes sur les quelques dizaine de centimètres de la tarière!

    • Lecture passionnante.
      Merci pour tout ce que nous y apmrenons.
      Question à tous… Qui sait où et comment se procurer des graines certifiees ou bien des jeunes plants issus de ces cèdres millenaires qui paraissent regroupés dans le secteur du cedre Gouraud…?
      Merci pour vos suggestions !
      Pascal J.

  2. Magnifique reportage en effet, le Maroc est définitivement un pays magnifique. Les arganiers de la région d Agadir meriteraient le même genre de reportages !

  3. Je suis bien content de vous avoir fait découvrir l’une des richesses de la forêt marocaine.
    Le Maroc a un patrimoine naturel exceptionnel !
    Il me tarde d’y retourner notamment dans cette région d’Agadir que je ne connais pas à la rencontre du légendaire « arbre à chèvres » : l’arganier !

  4. Une série remarquable, avec force documentation, citations et photos ! Un magnifique travail de fond et de forme sur cette essence emblématique du maghreb. Je suis enchanté. J’espère que je pourrai vous ramener des photos d’arbres intéressants, quant à les mesurer […] j’ignore si mon double-décamètre rentrera dans le bagage à main avec le reste 😉

  5. Je suis sûr que tu vas nous dénicher quelques merveilles dans le Haut-Atlas.
    Un simple décamètre devrait suffire, lol ! les croissances sont lentes dans les rudes conditions marocaines…

  6. Merci pour cet excellent et instructif article dont j’apprécie beaucoup le style incisif.
    Une forestière helvète en vadrouille en famille.

  7. bravo à tous ces passionnés qui nous éclairent judicieusement, allez y nombreux et nombreuses dans le respect des traditions et l’harmonie de cette région fantastique , merci è ceux et celles qui nous donnent envie de visiter ce pays si beau, si plein de mystères à découvrir !! n’oubliez pas ce si charmant sahara, merci à vous !! à bientot, Marc.

  8. Le cèdre au Maroc est en danger d’extinction par la faute de l’homme. Il est temps de le sauver pas seulement mais de reboiser tous les espaces deboises ..il faut créer des associations et un fonds spécial pour redonner à cette essence noble toute sa splendeur. ..

  9. Merci Salah pour ce retour sur la situation du Cèdre au Maroc. N’hésitez pas à nous communiquer certaines actions qui seraient menées pour la préservation de ces espaces naturels de l’Atlas.

  10. Bonjour à tous,

    je suis de la région de Kenifra et je souhaiterai planté quelques cèdres (Cedrus) dans mon terrain du plus de 2 hm.
    Pourriez-vous m’aider où on peut trouver cette fameuse plante
    et quel est le prix?

    Merci de votre aide

  11. Énorme erreur.
    le Général Gouraud n’a jamais été Résident Général au MAROC, ni en 1917, ni avant ni après.
    C’est le Général LYAUTEY ( devenu Maréchal ) qui a créé le Protectorat en 1912 et a été Résident Général jusqu’en 1925. le général GOURAUD fut son précieux adjoint depuis leur séjour à Madagascar.

  12. Le cèdre Gouraud est certainement mort suite au piétinement incessant à sa base provoqués par les nombreux badauds et touristes.
    Il n’aurait jamais fallu laisser s’installer les boutiques à cet endroit !
    Peut-être que l’arbre se vengera en s’écroulant sur ces cabanes ….
    Alors que des hommes ont détourné la route pour ne pas abattre ce géant vivant du temps de Moulay Ismaïl , d’autres ont eu raison de lui en une dizaine d’années.
    Les singes magot aussi ont été pollués par la présence de l’homme sur ce lieu; à force de les nourrir ce sont devenus de vrais mendiants qui réclament leur pitance.
    Tout ceci est bien regrettable……..

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