Le parc forestier du Château de Ronno, Rhône

 Ce qui saute aux yeux en pénétrant sur le domaine du  château de Ronno, c’est le magnifique séquoia à proximité du bâtiment; une véritable flèche lancée vers le ciel.
C’est d’ailleurs cette image que j’avais en tête depuis de nombreuses années.
Mais ça c’était avant !
Car j’ai eu la chance en décembre dernier de parcourir l’immense parc privé du domaine et le plaisir d’y découvrir quelques merveilles arboricoles.
Quant au joyau de la couronne, il faudra s’enfoncer dans un petit bois de chênes et hêtres mêlés pour le dénicher…

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Nous sommes au cœur du Beaujolais. Non pas celui des vignes, mais celui des forêts sombres de sapins et douglas à 550m d’altitude.
Concernant les origines du château de Ronno, je n’ai trouvé que très peu d’infos. Bien trop peu… Cette belle demeure historique serait-elle en train de sombrer dans l’oubli collectif ? En revanche, ce qui demeure une certitude depuis la nuit des temps, c’est qu’en pénétrant sur la commune de Ronno, vous entrez sur les terres du Comte de St Victor. Un fief immense de plusieurs centaines d’hectares, avec des dépendances par dizaines et même… l’intégralité du village, à l’exception de la mairie bien-sûr !

L’activité sur le domaine a évolué. Ces dernières années, elle s’est orientée sur la production de sapins de noël : 40 à 45 000 sapins sont plantés chaque année à Ronno ! Sous l’appellation « Groupement forestier Bois Guillaume », le marché du sapin de noël connait ici un vrai boom depuis que le gestionnaire a bouleversé le mode de vente ancestrale. Une véritable petite révolution qui séduit les lyonnais :

« Le groupement forestier Bois Guillaume a donc décidé cette année de faire sa révolution en proposant pour la première fois aux particuliers de la région de venir, à Ronno, choisir leur sapin encore debout sur la parcelle et repartir avec. »

Mais délaissons ces plantations plus agricoles que forestières pour une petite flânerie dans le parc du château.
Commençons par la vedette, l’arbre qui fait l’admiration de tous les visiteurs, le séquoia géant.

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Il est certes de belles dimensions, mais il n’atteint pas des records. La circonférence en décembre 2014 à 1,5m est de 7,48m et à 1,3m du sol de 7,80m.
Sa hauteur mesurée au dendromètre électronique vertex est de 46m. On ne remarque aucun accident de croissance et son état sanitaire semble excellent. Son âge n’est pas connu précisément mais sa date de plantation doit se situer vraisemblablement vers la fin du XIXème siècle. Son âge est d’environ 120 ans.
L’originalité de ce séquoia vient surtout de son port très columnaire et non pyramidale comme le sont souvent les séquoias géants. Ce port particulier n’est pas dû à la concurrence d’arbres voisins mais semble lié à un caractère génétique qui lui est propre.
Coordonnées géographiques : N 45,98527 E4,38547 – Altitude 542m –

 

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Tout au fond du parc, son frère jumeau n’a pas eu la même chance dans la vie. On pourrait même dire que le sort c’est acharné sur lui !
Totalement défiguré après avoir reçu 3 ou 4 fois la foudre, son tronc a fini par éclater.
Sa hauteur actuelle n’est que de 27m et son tour de taille dépasse à peine les 7m (7,08m à 1,5m du sol et 7,15m à 1,3m).
Il continue malgré tout à survivre dans la douleur, bien loin de l’activité trépidante du château.
Coordonnées géographiques : N 45,98560 E4,38234 – Altitude 537m –

Le visiteur pourrait se satisfaire de la vue de ces deux géants américains. Mais ce serait une grave erreur !!!  Presque un outrage et un manque de respect pour des espèces autochtones qui sont tout au autant, si ce n’est plus, remarquables ! Regardons de plus près ces 3 épicéas à l’entrée du domaine. Il est fort probable que le visiteur, perdu dans ses pensées d’achat de noël, n’y ait pas prêté attention. Pourtant ils ont atteint des dimensions exceptionnelles pour leur espèce.
A l’origine, c’était 4 épicéas « géants » qui poussaient discrètement sur les terres du Comte. Mais le plus gros a été abattu il y a quelques années. La souche au sol me laisse rêveur sur les dimensions que devaient atteindre le « Big Picea ».

 

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Je suis déçu par les photos prises ci-dessus, réalisées par une journée pluvieuse de décembre. Ces magnifiques épicéas ne les méritent vraiment pas. Seuls les chiffres que je vais vous annoncer seront à la hauteur de leur splendeur. Parole de castor, rien que d’y penser j’en salive encore !

– Celui de droite au bord du chemin, à la cime dépérissante, atteint une circonférence record de 4,30m à 1,3m du sol. A titre de comparaison, ma référence pour cette espèce reste  l’épicéa président de St-Martin d’Uriage avec 4,55m de circonférence. Finalement, la différence n’est pas énorme avec cet épicéa du Beaujolais. En revanche, sa hauteur de 44,2m, mesurée au vertex, est moins extraordinaire.
– Celui de gauche dans le petit bois, avec son tronc penché, dépasse lui aussi les 4m de circonférence (4,07m précisément à 1,3m du sol). Mais sa hauteur atteint la barre symbolique des 50m ! Exactement 50,5m pour être précis. Alors, le voici le plus grand arbre du domaine ? Peut-être pas, car une dernière surprise nous attend…

Cette surprise, c’est notre « guide » qui va nous la dévoiler. Un hêtre d’une splendeur remarquable, le plus gros qu’il n’ait jamais vu ! A ces mots, tous mes voyants de chasseurs d’arbre passent au vert et une décharge électrique me traverse le corps (rien à voir avec le fait que je tenais à pleine main la clôture électrique en bordure de champs…) !
Cependant, ce trésor n’est pas facile à trouver. Je trépigne alors d’impatience en attendant que les derniers clients chargent leur sapin de noël et libèrent notre guide.
En direction de ce petit bois magique, accompagné d’un collègue forestier, la discussion va bon train pour donner une image à ce hêtre remarquable… Mais mon imagination, ajoutée à mon excitation, vont me jouer des tours et la réalité sera au premier abord un peu décevante.
Je m’étais imaginé un hêtre énorme, il s’agit en fait d’un magnifique hêtre de futaie. Mais notre arrivée par un chemin en surplomb donne un effet d’optique trompeur et les mesures révèleront un arbre vraiment exceptionnel.

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 La mesure de la circonférence en décembre 2014 est de 3,80m à 1,3m du sol. On est bien loin des records de circonférence que peut atteindre cette espèce. Si on le compare au hêtre corse présenté dernièrement par Yannick, celui de Ronno ressemblerait à un spaghetti ! Mais le contexte de croissance n’est pas le même. Ce hêtre de futaie n’a pas pu développer un large houppier. Son objectif dans la vie est de se faire une place au soleil en prenant de vitesse ses voisins. Et c’est bien grâce à cette course vers la lumière qu’il a pu décrocher son titre d’arbre exceptionnel ! A son pied, la hauteur semble absolument vertigineuse. Mais vous vous imaginez bien que 3 forestiers au pied d’un arbre ne vont pas se satisfaire d’une simple impression de hauteur ! Le peuplement est dense, il n’est pas évident de positionner nos appareils de mesures pour distinguer à la fois le pied de l’arbre et sa cime. La mesure de la hauteur se révèle un peu compliquée. Finalement, les multiples mesures que nous avons effectuées au vertex puis au traditionnel suunto et même complétées par des estimations à l’œil, nous permettent d’annoncer une hauteur comprise entre 49 et 52m ! Un hêtre d’une telle hauteur est rarissime et de mémoire de forestiers nous n’en avions jamais rencontré d’équivalent… ou plutôt, jamais mesuré d’aussi haut.
Son état sanitaire reste toutefois assez inquiétant. Depuis 3-4 ans, un pic a pris la mauvaise habitude de percer un trou chaque année vers 15m de hauteur. Une magnifique porte d’entrée pour toute une faune, mais aussi pour des champignons. Le hêtre est un bois assez sensible à la pourriture et ces trous ne sont pas de bon augure pour son avenir. Ce qui est curieux, c’est que ce satané pic vient tous les ans faire un nouveau trou quelques dizaines de centimètres sous le précédent. Ca s’appelle du harcèlement, « Fagus le géant » devrait porter plainte !
Coordonnées géographiques : N 45,98866 E4,38376 – Altitude 527m –

Pour compléter le parcours dans cette vaste propriété, on peut également signaler un robuste Tulipier de Virginie et un majestueux hêtre pleureur, mais dont les dimensions ne permettent pas encore de les considérer comme des arbres remarquables. Laissons leur le temps de continuer leur croissance vigoureuse afin de nous émerveiller dans quelques dizaines d’années.

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7 réflexions sur « Le parc forestier du Château de Ronno, Rhône »

  1. Une bien belle brochette (bbb)!
    Le sol doit-être particulièrement fertile pour avoir autant d’arbres avec des hauteurs aussi impressionnantes.
    As-tu une idée de l’âge du hêtre, il doit être assez âgé, avec un houppier aussi réduit l’accroissement en diamètre doit-être faible?
    Du côté du Mans, il y a séquoia que l’on voit depuis l’autoroute qui présente cette jolie forme fuselée.

    J’en profite pour partager un lien vers une arte sur les séquoias au USA
    http://www.arte.tv/guide/fr/051485-020/360-geo

  2. Bien-sûr Eric, même s’ils n’entrent pas dans le Top 10 (les plus de 10m de tour), ça permettra de compléter ton inventaire sur les sequoias giganteum. Un super boulot que tu mènes, j’en profite pour remettre le lien pour ceux qui souhaiterait participer à cet inventaire :
    http://www.sequoias.eu/Pages/carte_sequoias_fr.htm
    peu de séquoias du Rhône sont renseignés en circonférence… d’un autre côté ça permet à celui du château de Ronno d’être le plus gros recensé dans le département, Yessss !

    -> Yannick : oui les conditions de croissance sont très favorables : bonne pluviométrie sans sécheresse, sol profond frais mais sans eau stagnante et ph acide… tout est bon à Ronno pour beaucoup d’espèces forestières !
    L’âge du hêtre est bien sûr très difficile à connaitre, mais il n’est pas forcément extrêmement vieux (en forêt, la vie est dure et les arbres vivent généralement moins longtemps qu’en conditions pastorales). Je ne pense pas qu’il ait plus de 200 ans… ce qui est déjà très vieux pour un hêtre de futaie.

  3. Bravo castor encore un superbe article. Superbe le sequoia columnaire. C’est vraiment peu courant. A propos de ce sequoia, peux tu me dire quel est l’appareil que tu as fixé au dessus de ton décamètre (photo de droite)? Ne serait ce pas en lien avec ton dendromètre vertex? Je ne connais pas ce type de dendromètre : je suis resté au brave suunto.
    merci encore pour l’article

  4. Très beau domaine !

    Je suis vraiment intrigué par le hêtre car le plus grand mesuré pour l’instant est en Allemagne et dépasse de peu les 49 m (49,2).http://www.monumentaltrees.com/fr/deu/hesse/mainkinzig/6246_grundauergemeindewaldostlichderronneburg/17084/

    Ce n’est pas étonnant de trouver de très grands spécimens de futaie, mais j’ai longtemps pensé que la limite naturelle se situait entre 40 et 45 m.
    Non loin de chez moi, j’ai réussi à en trouver un de 45 m et finalement avec le recul, j’ai constaté que dans certaines stations cette valeur est plutôt moyenne sans dire pour autant que ça court les rues.

    En Roumanie, malheureusement nous n’avons pas de sources sûres, on prétend qu’ils atteignent pour certains, les 52 m. On sachant que le pays abrite parmi les plus vieilles hêtraies d’Europe et encore quasi-primitive sur de grandes surfaces, on se dit que la valeur est loin d’être inenvisageable.
    C’est dommage que votre fourchette de mesure soit aussi large, mais je sais qu’il n’est pas aisé de cibler la cime d’un grand feuillu en milieu forestier.

  5. -> Mickaël : oui l’objet jaune sur le tronc est bien le transpondeur (émetteur/récepteur d’ultrason) du dendromètre électronique vertex. Je t’avoue que moi aussi, j’utilise encore régulièrement le dendro suunto… une valeur sûre et fiable en presque toute circonstance ! je combine d’ailleurs le suunto avec un télémètre pour me mettre rapidement à la bonne distance (15 – 20m ou multiples), c’est bien pratique.

    -> Sisley : tu connais bien toute la difficulté de prendre des mesures de hauteur dans un peuplement dense. Malgré toutes nos mesures (bien une dizaine…) nous avons rarement obtenu la même donnée, c’est pour cela que j’ai préféré donner une fourchette comprise entre 49 et 52m qui semble plus réaliste et tiens compte de l’imprécision dans ces conditions. L’idéal serait de faire la mesure par grimpage, comme avec le douglas de Renaison… D’ailleurs, si l’équipe d’Enquête d’Arbres a envie de venir prendre le frais dans le Beaujolais, ils seront les bienvenus sur le domaine du château !

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