Chêne de Rahier, Stoumont, Belgique

Suite des balades arboricoles belges de Renaud.
Situé au sein du paysage vallonné des vallées de la Lienne et de l’Amblève, Rahier est un village à la configuration particulière: le centre politique et religieuse de cette ancienne seigneurerie est en effet en séparé de la route principale, ce qui met en valeur l’ensemble formé par les restes du château, l’église Saint-Paul et son chêne pédonculé.

Faisant partie de la Principauté de Stavelot-Malmedy, la seigneurerie de Rahier à toujours appartenu à la famille du même nom, de ses origines jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Les seigneurs rendant eux-mêmes la justice, Benjamin Stassens* voit dans le chêne jouxtant l’église un arbre de justice (hypothèse plausible vu l’ancienneté de l’arbre, nous y reviendrons plus bas, mais pas étayée).
C’est à Jean Chalon que l’on doit les premières informations sur l’arbre (dont les citations suivantes sont retranscrites toujours par Stassens*): « Et loin sous les dalles funéraires, les racines s’allongeaient tortueuses, se nourrissant des morts »Il précise aussi que les quatre branches faîtière qui quittent le tronc était déjà de « véritables baliveaux ».
A partir de là, les informations sont laconiques: WalOnMap nous informe que l’arbre était le N°925 de l’inventaire de Chalon. Il faisait donc partie de la deuxième publication sur les trois, publiée en 1911 et les dimensions relevées en 1902 sont donc peut-être de sa main.
Anecdote amusante: en 1928, l’arbre remporte le concours de l’arbre le plus remarquable de Belgique (bien que je n’aie jamais entendu parler de ce concours!)
L’histoire se précise à la fin du siècle dernier:
Le 13 janvier 1977, l’ensemble formé par l’église Saint-Paul et l’ancien cimetière – et donc le chêne – sont classés comme site. Le 17 novembre 1989, ce premier site est englobé dans un second de 20 ha. qui comprends les abords de l’église et les « vestiges de la maison forte » (l’ancien château, alors en ruine, n’a été restauré qu’entre 1997 et 2009). A cette occasion, les murs de l’ancien cimetière et les vestiges de la maison forte sont classés comme monument; c’était déjà le cas pour l’église depuis le 18 août 1982.
En 1998, le chêne subit une taille importante mais qui a globalement conservé sa forme d’origine.
A côté de la porte d’entrée de l’église, un historique de l’édifice nous apprend qu’en 2000-2001, le mur du cimetière « sous le chêne » a fait l’objet d’une maintenance subsidiée de 835617 francs belges. C’est donc probablement à cette date qu’il faut replacer la construction d’un arc de béton dans le mur du cimetière pour ne pas gêner la pousse du chêne.
Pour ce qui est des mesures:
En 1902: 420cm** ou 470cm*(la seconde mesure est plus probable vu la vitesse de croissance donnée par les autres mesures);
En 1978: 5m75 et 25m de haut;
En 1999: 5m95 et 25m de haut;
J’ai personnellement relevé 619 cm à environ 1m50 côté tour de l’église (le seul côté où on voit approximativement à quel niveau se trouve le sol vu l’imposant empattement au pied).
Comme le souligne Stassen*, le chêne a poussé d’environ 130 cm en un siècle, soit une croissance de ±1,3cm/an: il aurait donc environ 450ans (et non 350 ans comme on le pensait alors**) mais cette vitesse s’est clairement ralentie aujourd’hui (±1cm/an entre 1978 et 2023).
L’arbre me semble vigoureux et en bonne santé. Les effets de sa taille de 1998 se font encore sentir et certains bois morts doivent encore pourrir: il va se creuser. À bien observer la ramure (qui ne comporte aucun tirant), j’ai remarqué la présence de branches faisant des rebonds naturels assez chaotique: notre chêne serait-il un tortiard qui s’ignore…!?
Le chêne pédonculé de Rahier n’a donc pas fini de faire littéralement de l’ombre à l’église Saint-Paul, mais l’évolution de son creusement sera à suivre.
N.B.: Le chêne de Rahier ne se trouve qu’à une dizaine de kilomètre du Chêne-potale de Roanne-Coo et de l’Orme de Bérinzenne dont j’ai déjà parlé.
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Référence des livres cités:
*: STASSEN Benjamin. 2003. La mémoire des arbres – Tome 1: Le temps, la foi, la loi. Sans lieu. Racine. 315p
**: Arbres remarquable de Belgique. Sans lieu. Administration des Eaux et Forêts. 247p
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4 réflexions sur « Chêne de Rahier, Stoumont, Belgique »

  1. Magnifique arbre. Le chêne pédonculé a l’habitude de faire des branches tortueuses, parfois de façon générale, ce qui surprend lorsqu’on le compare avec un chêne rouvre, s’il est voisin, et sera plutôt raide de branches !

  2. Superbe. C’est typiquement un chêne comme je les adore.
    Bravo pour la restauration du mur qui a respecté l’arbre. C’est tellement rare de voir ça.
    Merci Yannick pour ce partage.

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