Dix ans après ma première visite, je retournais à la rencontre des spectaculaires chênes avaleurs de pierres d’Aïn Leuh.
Séquence émotion !
Le premier sentiment sera tout d’abord celui d’un grand soulagement lorsque je retrouve ces trois silhouettes singulières perchées sur leur plateau calcaire aride ! Je n’étais plus très sûr de leur localisation précise et je craignais aussi qu’ils aient été abattus pour faire du bois de chauffage.
Il s’en suit une petite déception… Des berbères semi-nomades (tribu des Beni Mguild) ont installé leur campement à proximité. En arrêtant ma voiture sur le bord de la route, une meute de chiens semi-sauvages et agressifs signale ma présence. Je suis immédiatement repéré !
Il faudra alors que je me contente d’admirer leurs belles silhouettes à distance. Une silhouette d’ailleurs nettement moins belle que dans mes souvenirs; les houppiers sont dépouillés, toutes les branches accessibles à portée de main ont été sauvagement coupées pour alimenter en bois de feu ces nomades en transit.
Inutile de stationner plus longtemps, ma présence n’est pas la bienvenue.
Je m’éloigne à regret mais bien décidé à dénicher d’autres belles yeuses vénérables.
Ce paysage de causse à 1700m d’altitude est un vaste parcours à brebis parsemé de vieux chênes verts. Le spectacle est de toute beauté et je retrouve avec plaisir cette association entre le végétal et le minéral qui m’avait séduit dix ans plus tôt. Mais la progression au milieu des cailloux n’est pas facile et le territoire des vénérables s’étend à perte de vue. Plusieurs sculptures vivantes retiennent mon attention, mais je dois me rendre à l’évidence : je n’aurai pas le temps de prospecter l’ensemble de la zone. Je dois poursuivre ma route alors que d’autres trésors restent à découvrir…
En direction d’Oum Rbia, la forêt se densifie et le chêne vert se mélange à la cédraie. L’ambiance forestière modifie la silhouette des vieux chênes. L’un d’entre eux est vraiment spectaculaire. Il marque de sa présence monumentale un carrefour avec une piste défoncée.
Son tour de taille atteint des dimensions peu fréquentes pour du chêne vert : 5,55m mesuré à 1,3m de hauteur. Une circonférence tout à fait honorable mais qui reste très éloignée des records enregistrés en Espagne (près de 8m) et en Angleterre (9m de tour de taille !). En France aussi, il est possible de trouver d’aussi gros chênes verts avec des spécimens de 8m de circonférence en Bretagne, en Corse et sans oublier l’emblématique Gros chêne de Poulx (très dépérissant) dans le Gard.
Ce beau chêne marocain, gardien du carrefour depuis des siècles, est malheureusement dans un état de dégradation inquiétant. Sur l’autre face, le tronc est creux sur plusieurs mètres de hauteur.
Mon coup de coeur revient à un autre chêne forestier à proximité du carrefour. Ses dimensions sont plus petites mais il présente un esthétisme envoutant, un petit côté magique… quasiment mystique (ou peut-être maléfique, à l’instar du Sapin d’Ambléon!). Sa circonférence prise à 1,3m est de 4,72m. Son état de santé n’est pas excellent, quelques carpophores sont présents à son pied, mais il ne semble pas être dans un état de dégradation aussi avancé que le Gardien du carrefour.
A signaler également, la présence d’un joli cèdre à quelques centaines de mètres de ces vieux chênes.
Avec ses 8,55m de circonférence, c’est le plus gros cèdre de l’Atlas que j’ai pu rencontrer au Maroc (pour le moment…). Il surclasse de quelques dizaines de centimètres le célèbre Cèdre Gouraud et ses acolytes. Mais il reste bien plus « maigre » que les récentes découvertes de l’Association AKTADES. Précisons qu’en France aussi certains cèdres de l’Atlas ont dépassé les 8m de circonférence… et pour un âge nettement plus jeune! Mais les conditions de croissance d’un arbre de parc en France n’ont rien à voir avec celles de l’Atlas marocain.
Comme on le rencontre fréquemment sur les vieux cèdres, la base du pied a subi les dégâts du feu. L’origine de ce feu reste inconnue mais ce fléau est souvent attribué aux récolteurs de miel qui souhaitent enfumer les essaims sauvages avant de prélever leur butin.
Ben dis donc beaux spécimens de chênes verts !
Et la dernière photo c’est le cèdre ? Oserais-je dire qu’il a une belle queue de castor ? 😉
Je suis passé à Poulx il y a un mois et à ma très grande surprise le chêne vert l’était encore d’un côté…. même s’il n’est guère vaillant.
C’est d’une tristesse, surtout que par chez nous, dans les garrigues, un tel spécimen n’est vraiment pas monnaie courante 🙁
A chacun sa vision bucolique de la nature, ça ne se discute pas, après tout c’est de l’art ! Tu y vois une queue de castor, lorsque je n’avais vu qu’un long serpent rampant vers le cèdre creux… 😉
Pour le chêne de Poulx, il fait vraiment triste mine mais il n’est pas totalement cuit.
J’en garde malgré tout un mauvais souvenir l’an dernier lorsqu’en voulant m’en approcher pour le mesurer, une Jeep avec deux militaires armés jusqu’aux dents a bondi d’un buisson et m’a ordonné de quitter leur « champs de tir »… J’ai voulu négocié 2-3 minutes pour dérouler mon décamètre mais ils m’ont conseillé (ordonné) d’aller mesurer des arbres de l’autre côté de la route !!! ça aurait pu être comique… malheureusement c’est plutôt désolant lorsqu’on sait que le vieux chêne est sur ce terrain militaire et donc sous leur responsabilité. J’ai l’impression que la sauvegarde des vieux arbres reste une notion bien floue chez nos amis militaires 🙁
heu j’aime à peu près autant les bestioles sinueuses que les tenues de camouflage armées…. 🙁
t’as dû tomber pendant les grandes manœuvres : ils essayaient de faire le tour du vieux chêne sans lui rouler sur les racines 😉
Magnifique !